
La Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) a été saisie d’une demande de protection par une femme et son fils mineur originaires de Beit Lahya, dans le nord de la bande de Gaza, entré·es en France avec des laissez-passer consulaires. L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) leur avait accordé la protection subsidiaire compte tenu de la « situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle » résultant du conflit armé entre les forces du Hamas et les forces armées israéliennes, conformément à une jurisprudence de la CNDA du 12 février 2024.
À la différence d’autres Palestinien·nes, les requérant·es n’étaient pas enregistré·es par l’UNRWA1. Ils demandaient à la CNDA de leur reconnaître la qualité de réfugié sur le fondement de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. L‘association ELENA, la Ligue des Droits de l’Homme, la Cimade et le GISTI demandaient à la CNDA de faire droit aux demandes de la requérante.
La CNDA, réunie en Grande formation2 le 20 juin, a examiné leur requête en tenant compte de la situation qui prévaut à Gaza à la suite de la rupture du cessez-le-feu en mars 2025, sur la base de sources documentaires publiques disponibles.
La CNDA a constaté que les forces israéliennes contrôlent une partie substantielle du territoire de la bande de Gaza et que les méthodes de guerre de ces dernières entraînent un nombre important de victimes et de blessés civils dont une majorité de femmes et d’enfants, une destruction à grande échelle d’infrastructures essentielles à la population, et des déplacements forcés de cette dernière et que les blocages dans l’acheminement de l’aide humanitaire entraînent une insécurité alimentaire pour l’ensemble de la population. Elle a estimé que ces méthodes, qui impactent indistinctement l’ensemble de la population depuis la rupture de l’accord de cessez-le-feu, sont suffisamment graves, du fait de leur nature et de leur caractère répété, pour pouvoir être regardées comme des actes de persécution.
La CNDA a estimé que ces persécutions sont liées à un motif de la convention de Genève. Elle a jugé que les Palestinien·nes de Gaza possèdent les caractéristiques liées à une « nationalité » qui, au sens et pour l’application de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève, recouvre « l’appartenance à un groupe soudé par son identité culturelle, ethnique ou linguistique, ses origines géographiques ou politiques communes, ou sa relation avec la population d’un autre État ».
Par sa décision rendue le 11 juillet3, la CNDA a jugé que les Palestinien·nes originaires de Gaza non protégés par l’UNRWA peuvent se voir accorder le statut de réfugié en application de la convention de Genève de 1951 en raison des méthodes de guerre utilisées par les forces israéliennes depuis la rupture du cessez-le-feu.
Pour ces raisons, la CNDA a reconnu à la requérante et à son fils mineur la qualité de réfugié·es en considérant qu’ils craignaient, « avec raison, en cas de retour dans ce territoire d’être personnellement persécutés, du fait de cette « nationalité », par les forces armées israéliennes ».
La CNDA avait déjà jugé, par une décision du 13 septembre dernier, que les Palestinien·nes originaires de la bande de Gaza et protégés par l’UNRWA pouvaient demander le statut de réfugié en France compte tenu du fait que l’assistance ou la protection de l’agence de l’ONU devaient être regardées comme ayant cessé4.
A quelques mois d’intervalle, ces deux décisions qui font jurisprudence, redonnent aux Gazaoui.es qui demandent l’asile en France, l’espoir de pouvoir y vivre.
Publié le 13 juillet 2025 par EESF.
- 1United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East ou Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient.
- 2Formation de jugement élargie dont le rôle est de trancher des questions de droit inédites et d’assurer la cohérence de la jurisprudence.
- 3GAZA : les Palestinien·nes originaires de la bande de Gaza qui ne sont pas déjà protégées par l’ONU peuvent bénéficier du statut de réfugié. - Cour nationale du droit d’asile
- 4Droit d’asile : une porte s’ouvre pour l’accueil des GazaouiEs, L’Anticapitaliste.