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Allemagne - Die Linke : renforcée par de rudes combats

par Edith Bartelmus-Scholich
Graphique : infratest dimap via ARD

Lors des élections législatives, l’Union de Merz et Söder a reçu la facture des conséquences de sa stratégie erronée. Avec 28,5 %, la CDU et la CSU sont restées bien en deçà de la barre des 30 %. Au lieu de réduire de moitié le score de l’AfD en s’emparant de ses thèmes de prédilection, selon l’intention de Merz, l’Union a cédé plus d’un million de voix. L’AfD a presque doublé son résultat par rapport aux élections législatives de 2021. Elle entre au Bundestag avec 20 % des voix et revendique désormais son droit à l’élaboration de la future politique. Une fois de plus, il se confirme que, par simple souci d’authenticité, les gens votent toujours pour l’original et non pour la copie.

Friedrich Merz a marqué cette campagne électorale de son empreinte, en faisant sans cesse appel aux instincts les plus bas de l’électorat et en cultivant les discours de haine et de provocation démagogique comme nous ne l’avions vu faire jusqu’à présent en Allemagne que du côté de l’extrême droite. Il s’est d’abord attaqué aux bénéficiaires de minima sociaux dans le but de gagner une adhésion à de nouvelles mesures contre l’État social. Environ quatre semaines avant les élections, il a tenté, en reprenant au Bundestag certaines des positions de l’AfD en matière de politique migratoire, enfonçant ainsi le « mur de protection contre l’incendie », de faire basculer une partie des électeurs de l’AfD vers l’Union. L’Union n’y a rien gagné, elle n’a fait que perdre. Mais cela, ni Merz ni son secrétaire général Linnemann ne sont capables de le comprendre.

Le 29 janvier 2025 marque un moment charnière dans l’histoire politique de la République fédérale d’Allemagne. Les thèmes et les projets portés par l’AfD, parti d’extrême droite, ont été introduits au Bundestag par l’Union en vue de les faire adopter avec les voix de l’extrême droite. L’Union, le FDP et le BSW ont formé avec l’AfD un bloc de droite qui a constitué la nouvelle majorité parlementaire. Le FDP et le BSW se sont fait sanctionner par l’électorat et ne font plus partie du Bundestag.

Le tabou brisé par Merz a provoqué une polarisation sans précédent et a poussé une grande partie de la population à choisir son camp. Cet élan a profité à Die Linke. Le SPD et les Verts se sont certes opposés à ce processus de banalisation de l’AfD, mais ont en même temps souligné qu’ils étaient prêts à approuver, dans d’autres circonstances, ces mêmes positions issues du fonds politique de l’AfD en matière de politique migratoire. Seul Die Linke a clairement maintenu le barrage et refusé de faire des compromis avec l’AfD, rejetant catégoriquement le durcissement de la politique migratoire, avec ou sans l’accord de l’AfD. Le parti a ainsi su se positionner comme une force antifasciste et antiraciste et se trouve depuis lors au centre d’un renouveau politique, notamment chez les jeunes. Le 29 janvier, plus de 17 000 personnes avaient rejoint l Die Linke, qui a depuis encore accueilli des dizaines de milliers de nouveaux membres. Le discours de Heidi Reichinnek au Bundestag appelant à la résistance contre le fascisme a été visionné et partagé des millions de fois sur les réseaux sociaux.

C’est à partir de ce moment-là que Die Linke a commencé à progresser dans les sondages pré-électoraux. Après avoir été créditée de 3 à 4 % pendant des mois, elle a grimpé à 5 % dès la première semaine de février, puis a régulièrement dépassé les 6 % pour atteindre 7 %. Le dimanche des élections, avec une forte augmentation du taux de participation, 8,7 % des électeurs ont voté pour Die Linke. Le parti entre au Bundestag avec 64 députés, dont 13 pour la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, fortement affectée par des années de conflits avec l’aile Wagenknecht.

L’analyse des votes en faveur de Die Linke montre que 84% des personnes interrogées désignent la menace qui pèse sur la démocratie et l’État de droit comme leur principale préoccupation. Juste après, 82% citent le changement climatique. Loin derrière, mais toujours cités par 60 % des personnes interrogées, viennent ensuite les problèmes matériels, comme la crainte d’une nouvelle hausse des prix ou de la paupérisation des personnes âgées. C’est à la lumière de ces éléments que Die Linke doit interpréter son succès électoral.

Dans un climat social de plus en plus tendu, le groupe parlementaire de Die Linke au Bundestag, qui est à la fois rajeuni et plus nombreux, va désormais avoir pour tâche de s’opposer aux projets de l’Union visant à démanteler l’État social. Merz et Linnemann ont annoncé vouloir supprimer le revenu minimum, entre autres, ils remettent en question la journée de travail de 8 heures et d’autres acquis du mouvement ouvrier, dans leurs projets, figurent le financement des baisses d’impôts pour les plus hauts revenus par une augmentation de la TVA. Ils vont également saper et contourner la protection du climat et de l’environnement. Sur le plan sociétal, ils veulent revenir sur la légalisation du cannabis et la loi relative à l’autodétermination des transsexuel.le.s.

Toutes ces mesures, ils entendent les mettre en œuvre aen profitant du fort affaiblissement du SPD. Et il ne fait guère de doute que l’Union compte bien imposer ses objectifs avec l’aide de l’AfD. Il existe désormais une majorité parlementaire de l’Union et de l’AfD, et elle ne manquera pas d’être mise en œuvre. Il incombe à Die Linke, au Bundestag mais aussi en dehors des instances parlementaires, de faire entendre la voix de la résistance et de la promouvoir.

Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.

Source - Scharf links, 24/02/2025