
Les élections municipales se sont tenues dimanche dernier en Rhénanie du nord-Westphalie1, le Bundesland le plus peuplé avec près de 14 millions d’électeurs. Ce furent les premières élections après les dernières élections législatives de février. On s’attendait à ce qu’elles donnent une idée de l’ambiance dans le pays. Force est de constater à l’occasion de ce scrutin que la poussée d’extrême-droite se poursuit, même s’elle n’a pas été aussi forte qu’on le craignait et que l’érosion des « partis bourgeois du centre » se poursuit.
Le SPD n’est même pas parvenu à dépasser son score historiquement bas des municipales d’il y a cinq ans et perd encore 2,2%, récoltant cette fois 22,1% des voix (ces chiffres font référence aux moyennes des voix exprimées en Rhénanie du nord-Westphalie et s’appuie sur les chiffres officiels du précédent scrutin). Le FDP continue à s’effondrer, passant de 5,6% à 3,7%. Les Verts allemands en sont, avec de lourdes pertes au niveau régional (-6,5%), les grands perdants, atteignant un score de 13,5%. Seul la CDU obtient des résultats stables au regard des résultats des élections de 2020.
En amont de ces élections municipales, ce sont essentiellement les médias et réseaux d’extrême-droite qui avaient annoncé ces scores prévisibles pour l’AfD. Cela s’est passé comme nous le voyons depuis de nombreuses années. Springer2 tout comme d’autres agences de presse, portails internet ou autres médias parlaient d’une percée de l’AfD lors de ce scrutin municipal. Aussi avait-on donné l’impression que l’AfD allait encore progresser par rapport aux résultats des élections législatives jusqu’à être en mesure d’obtenir son premier poste de maire en Rhénanie du nord-Westphalie. Cette propagande a, on le voit encore une fois, fait son oeuvre chez des électeurs et électrices indécis.e.s, en premier lieu dans des villes ou quartiers avec un fort potentiel de gens aux faibles revenus et ce, de plus en plus. Cela se retrouve également dans les zones où la participation est plus faible.
Visiblement, l’AfD est parvenue à mobiliser de plus en plus de gens qui se sentent délaissés autour de son positionnement raciste. L’enclavement de ces quartiers, le recul des services publics qui s’y opère joue un rôle dans ce phénomène. Pas ou trop peu d’offre municipale, des infrastructures en mauvais état, très peu de lieux de socialisation, aucune place pour le débat politique, peu de commerces, des bâtiments tombant en ruine ou mal entretenus expliquent un grand mécontentement. À cela s’ajoute le sentiment d’être ostracisé et de n’avoir aucune perspective positive. Tout ceci permet à l’extrême-droite de gagner des gens lors des élections auxquels s’ajoutent ceux qui ont une vision du monde d’extrême-droite (estimés à environ 15% de la population).
C’est pourquoi un tel score électoral de l’AfD n’est pas si étonnant, même si cela représente presque un triplement du score par rapport aux dernières élections municipales en Rhénanie du nord-Westphalie avec une progression de 5,1% à 14,5%.
Ce sont avant tout les résultats dans certaines communes ou certains quartiers qui sont problématiques, où l’AfD a obtenu autour des 30% des voix. Dans les villes importantes de Duisburg, Gelsenkirchen ou Hagen, leur candidat est même parvenu au second tour pour l’élection du maire. Globalement, l’AfD n’est toutefois pas parvenu à réitérer ou à dépasser son score des élections législatives.
Il y a pour finir un autre gagnant de ces élections : Die Linke est parvenu à significativement améliorer son pourcentage en voix par rapport aux dernières élections municipales, progressant de 1,8%, passant de 3,8% à 5,6%. En chiffres absolus : 438 500 voix en 2025, alors que cela représentait 273 700 en 2020. Face à eux, l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) dont les partisans étaient fort en nombre en NRW alors qu’elle était encore au parti, atteint 1,1% avec 86 000 voix.
La tendance positive issue des législatives se confirme donc aussi en Rhénanie du nord-Westphalie, même si elle est ici moins perceptible. Dans des endroits davantage marqués par la ruralité et le milieu agricole, les choses demeurent aujourd’hui comme hier compliquées pour Die Linke. Dans certaines grosses agglomérations, le parti a réussi à améliorer significativement ses résultats. Des scores de 8 à 10% ne sont plus rares. Quelques exemples : 10% à Cologne, 10.5% Bielefeld, 9,5% Bochum, 8,7% à Bonn, 8,4% à Münster comme à Wuppertal. Cependant, dans la Ruhr et à l’exception de Bochum et de Dortmund, les résultats des années 2010 n’ont pas été obtenus à nouveau. Dans ces endroits, il y a nécessité d’une progression importante des résultats die Linke.
En résumé, il faut retenir que la tendance propice à l’extrême-droite n’est pas brisée, mais qu’au moins elle n’a pas été renforcée et que le parti die Linke a été en mesure de progresser. Cela montre également que die Linke se renforce et doit se donner les moyens d’un meilleur ancrage dans les lieux de travail où se trouve la classe ouvrière. Il n’y a pas d’autres moyens pour faire reculer l’AfD car un potentiel important de leurs soutiens vient des entreprises. Labourer ce champ, voilà la tâche la plus importante du parti.
Düsseldorf, 15.9.2025, publié par l’ISO. Traduit de l’allemand par Alexis Rousselin