Algérie : Un anniversaire, un point de vue

par Adel Abderezak

Il y a cinq ans, le 22 février, une immense mobilisation était lancée en Algérie pour la destitution du président Abdelaziz Bouteflika et contre la clique au pouvoir.

La hantise du hirak prouve sa force et son ancrage populaire. Le hirak est peut être derrière nous mais sa captation par les classes populaires et une jeunesse socialement marginalisée en en fait un mouvement radical, dérangeant, refusant l'ordre établi et un repère pour les luttes citoyennes. Sa dimension de masse (des millions d'algerien·es en marche), la radicalité de ses revendications, le pacifisme de ses actions, les ambiguïtés et contradictions véhiculées par son caractère interclassiste, la liberté de parole qu'il a permis, la délégitimation du politique qu'il a crié, l'éveil qu'il a apporté sur les impasses systémiques et la raideur des décideurs font que le hirak aura été un moment majeur dans l'éveil politique d'une société bloquée et ne peut être défini comme une «manipulation de clans» ou un scénario fomenté par des ONG comme nous le suggèrent les visions complotistes de certains analystes vulgaires.

Disons le clairement, en privilégiant le scénario du «tout répressif» sur l'écoute et un débat national sur les attentes d'un peuple aspirant à un nouveau bien être en Algérie, une occasion historique à été gâchée. Le divorce entre une société et ses gouvernants devient, à ce moment là, un facteur de blocage et de mal-être sur une période longue. Ne risque t'on pas de s'installer dans une onde longue régressive au moment où les enjeux géopolitiques régionaux et mondiaux exigent une convergence historique entre le peuple et ses gouvernants.

Cette convergence historique est à construire.

Cela passe par la libération de tous les détenus.es d'opinion, l'arrêt de toute poursuites judiciaires contre les hirakistes, la fin de l'article 87-bis et aussi l'enclenchement d'un débat politique au sein du pays conditionné par le retour des libertés politiques et de la parole publique. Installer résignation et désespérance chez nos jeunes nous coûtera trés cher. Malgré les apparences d'une société vivifiée par le business et le consumérisme, les horizons ne semblent pas en faveur d'une Algérie débloquée.

Le politique au sens le plus noble doit reprendre ses droits. La démocratisation doit se substituer à l'autoritarisme. Les enjeux socio-politiques et de souveraineté doivent se substituer aux enjeux sécuritaires. Une aube nouvelle est toujours possible sans chosifier le hirak ni le fétichiser, sans diaboliser nos contradictions ni les violenter, sans sous-estimer les enjeux de territorialité et de souveraineté.

L'Algérie de 2024, plus qu'une histoire, est un sujet constructible.