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État espagnol : Aurions-nous pu faire plus pour la Palestine ? Pouvons-nous faire plus ?

par Brian Anglo

Les mobilisations contre le massacre du peuple palestinien à Gaza ont été impressionnantes. Des manifestations massives ont eu lieu dans de nombreux pays pour réclamer la fin de ce qui a été rapidement considéré comme un génocide. Face à la poursuite des bombardements, les gens sont descendus dans la rue, encore et encore. La solidarité n’a cessé de s’étendre, au-delà des grandes villes, avec des rassemblements, des réunions, des boycotts et d’autres activités et actions de toutes sortes.

Malgré la forte présence de la propagande israélienne et le parti pris pro-israélien de la plupart des médias, malgré les accusations infondées d’antisémitisme, la pression venue d'en bas a permis que les positions de ceux qui s'opposaient à cette nouvelle Nakba se frayent un chemin dans presque toutes les sources d’information et d’opinion. Elle a même contraint certains gouvernements à critiquer certains aspects du siège et du carnage. On peut même considérer qu’au sein de la population de nombreux pays, « la bataille des discours » a été gagnée.

Mais, malheureusement, il faut reconnaître qu’au cours de ces trois mois, les tueries, les destructions et les déportations se sont poursuivies sans interruption et avec la même intensité brutale, jour après jour.

Si, après trois mois, Israël s’apprête à retirer certaines troupes de Gaza, cette décision semble avoir été prise pour des raisons essentiellement internes, telles que l'impact sur l’économie provoqué par le retrait d’un pourcentage si élevé de la population de son poste de travail pour le maintenir sous les armes. En outre, même si plus aucun coup de feu n’était tiré et qu’aucune bombe supplémentaire n’était larguée, les destructions cumulées de vies, de maisons et d’infrastructures sont telles que, même dans l'éventualité d'un cessez-le-feu immédiat, les conséquences se feraient sentir pendant très longtemps.

Cela signifie-t-il que nous avons échoué ?

Même si cela nous fait mal et nous met en colère, la réponse honnête et objective est oui. Ou plutôt, jusqu’à présent, nous avons échoué. Nous n’avons pu éviter ce qui a déjà été fait, mais nous devons essayer d’empêcher que d’autres dommages soient causés. Tant que le peuple palestinien résiste, nous ne pouvons pas renoncer.

Il ne fait aucun doute que les images déchirantes largement diffusées à la télévision et dans les médias sociaux ont nourri les manifestations, renforcé la sympathie pour le peuple palestinien et terni l’image de l’État d’Israël comme jamais auparavant. Il est clair, cependant, que l’opinion publique étrangère, aussi défavorable soit-elle, n’est pas capable à elle seule d’arrêter un gouvernement et une machine militaire déchaînés. Seules des mesures matérielles ou coercitives fortes, en premier lieu celles que certains gouvernements pourraient mettre en œuvre, pourraient y parvenir. Si nous excluons une intervention armée impensable et indésirable, quelles pourraient être ces mesures et qui pourrait les mettre en œuvre ? 

Pressions extérieures

Il est peu probable qu’Israël ait besoin de plus d’avions ou de chars pour poursuivre ses bombardements et ses incursions, mais il lui faudrait se réapprovisionner en bombes, missiles et autres munitions, dont l’approvisionnement est assuré par les Etats-Unis, qui ne retireraient leur soutien que face à une mobilisation d’une puissance sans précédent dans ce pays, ce qui ne se produira vraisemblablement pas.

L'action militaire dépend également de l’approvisionnement en pétrole. Israël produit très peu de pétrole et n’en reçoit d’aucun de ses voisins. Jusqu’à présent, les fournisseurs les plus importants ont été le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan, ainsi que des États de l’Afrique de l’Est, en particulier le Gabon. Même si ces sources devaient suspendre leurs livraisons (et il est difficile d’imaginer dans quelles circonstances une telle chose pourrait se produire, sauf dans le cas d’un embargo difficilement concevable convenu par tous les pays à majorité musulmane), il resterait à Israël plusieurs alternatives telles que le Brésil et, en fin de compte, les États-Unis.

Serait-il possible d’empêcher l’arrivée des cargaisons ? Une partie du brut destiné à Israël passe d’abord par la Turquie, mais les propos enflammés d’Erdogan ne l’ont pas conduit à bloquer ce transit. Sur les trois ports israéliens dotés de raffineries, l’un, Eilat, est situé sur la mer Rouge et a été peu utilisé pour les importations de pétrole ces dernières années. Les deux autres, Ashdod et Haïfa, se trouvent sur la Méditerranée et sont difficiles à bloquer à partir d’une mer étroitement contrôlée. En revanche, ils sont tous deux à portée de missiles lancés depuis la bande de Gaza et, pendant quelques jours après les attaques du 7 octobre, le premier, ainsi qu’un champ gazier situé à 25 kilomètres au large, ont été fermés, mais leur fonctionnement a été rapidement rétabli.

Les attaques menées par les Houthis depuis le Yémen contre les navires empruntant le détroit de Bab al-Mandab et la mer Rouge ont incité plusieurs opérateurs à détourner leurs navires vers des itinéraires plus longs et donc plus coûteux.

Cela a eu un impact négatif sur le transport maritime en général et a réduit l’activité du port d’Eilat de 85 %, sans pour autant causer, pour l’instant, de problèmes excessifs à Israël. Les grandes puissances ont eu tendance à exiger que ce soient les Houthis, et non les Israéliens, qui cessent les hostilités.

 

Bien que certains gouvernements aient rompu leurs relations diplomatiques avec l’État d’Israël, les conséquences pratiques de ces gestes sont minimes, même s’il s’agit d’une acte hautement symbolique.

Le gouvernement sud-africain a demandé à la Cour internationale de justice de prendre des mesures conservatoires contre Israël pour l’empêcher de commettre des actes susceptibles de constituer un génocide. Contrairement à ce qui s’est passé dans le passé, Israël se prépare à se défendre devant la Cour. Si les 15 juges exigent une preuve d’intention, les critères de recevabilité ne sont pas tout à fait clairs, mais même en cas de succès, Israël a une longue histoire d’ignorance des résolutions de l’ONU.

 

Pressions internes

Si l’efficacité des diverses pressions externes, actuelles ou potentielles, est problématique, existe-t-il des pressions internes qui pourraient être plus efficaces ?

Bien sûr, l’importance des ressources humaines et matérielles employées dans les attaques contre Gaza a eu un impact sur l’économie, mais elle ne l’a pas paralysée. De même, l'économie israélienne peut largement se passer de l'apport palestinien. En outre, aucun pays ou bloc de pays (comme l’Union européenne) ayant la capacité d’avoir un impact décisif n’a introduit de sanctions économiques, commerciales ou financières.

 

Les effets de la mobilisation massive des réservistes sur l’économie ont déjà été mentionnés plus haut. Ce facteur, comme d’autres, pourrait devenir plus important si la confrontation avec le Hezbollah s’intensifie. À plus long terme, l’usure causée par la participation personnelle aux combats pourrait également jouer un rôle, de même que les répercussions sur les proches. L’abandon de fait des otages est une question connexe. Cette situation a suscité beaucoup de mécontentement parmi les familles et les proches, ce qui a entraîné de vives protestations, sans pour autant modifier le rythme et la direction des opérations contre Gaza. Quant aux pertes en soldats, rien n'indique qu'elles aient atteint un niveau inacceptable pour le gouvernement ou la population.

Dans le déroulement de tous ces scénarios, la résistance palestinienne dans son ensemble – non seulement la résistance armée, mais aussi celle de la population civile qui refuse de se soumettre – est cruciale.

 

Cela signifie-t-il qu’il n’y a rien à faire ?

Au contraire, cela signifie que loin de nous relâcher, nous devons chercher à renforcer le mouvement de solidarité et ses méthodes, dans toutes ses composantes, en pensant au moyen et au long terme, mais aussi à la nécessité d’éviter une guerre de grande ampleur.

S’il est vrai que des slogans généraux comme « Non au génocide » (adressé au gouvernement israélien ?) n’ont pas eu d’effet tangible à Gaza ou en Cisjordanie, ils ont contribué, au moins dans plusieurs pays comme l’Espagne, à contrer le discours centré sur Israël en tant que victime qui ne fait que se défendre et à faire passer la solidarité de la sympathie humanitaire à une compréhension politique de la situation, ce qui permet de soutenir et d’élargir le mouvement. En d’autres termes, il existe déjà une base assez solide à partir de laquelle il est possible de continuer à construire une campagne plus puissante.

Mais celle-ci ne servirait pas à grand-chose si elle ne s’accompagnait pas de revendications concrètes adressées aux gouvernements respectifs, c’est-à-dire à ceux qui ont les moyens d’influer plus directement sur la réalité. C’est ainsi que nous devons continuer à rassembler nos forces dans le cadre d’un mouvement mondial afin d’exercer la pression nécessaire pour sauver ce qui peut encore l’être.

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