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Le Concertgebouw cède à l'intimidation sioniste

par Tijmen Weijermars
Photo de la manifestation Rode Lijn à Amsterdam. © Moon Boersma

Malgré une large opposition solidaire avec les Palestinien·nes, le Concertgebouw d'Amsterdam souhaite maintenir les concerts du chanteur de l'armée israélienne Shai Abramson. Il s'agit non seulement d'une capitulation face à l'extrême droite, mais cela s'inscrit également dans la politique culturelle de droite menée depuis plusieurs décennies.

Au cours de l'été, il a été annoncé que le propagandiste de l'armée israélienne et ancien lieutenant-colonel Shai Abramson se produirait à Amsterdam lors d'un concert célébrant Hanoukka au Concertgebouw. Depuis 2008, Abramson est le chantre principal de l'armée d'occupation israélienne. Il chante en uniforme militaire lors de cérémonies, notamment pour les soldats israéliens blessés qui reviennent de Gaza. Il y a deux ans, à l'occasion de la fête juive des lumières de Hanoukka, il a ainsi enregistré une vidéo avec en toile de fond Gaza dévastée, dans laquelle le génocide des Palestiniens était présenté comme une lutte de la lumière israélienne contre les ténèbres palestiniennes.

Les organisations pro-palestiniennes ont réagi avec incrédulité à l'invitation de ce criminel de guerre sur une grande scène néerlandaise. En août, des organisations juives antisionistes avaient déjà attiré l'attention du Concertgebouw sur le passage d'Abramson dans leur salle. Afin d'apaiser les esprits, le Concertgebouw a publiquement appelé l'organisateur du concert, la Fondation Chanukah Concert, à inviter un autre chanteur. Le directeur du Concertgebouw, Simon Reinink, a tenté de convaincre les opposants de ne pas faire pression publiquement afin qu'il puisse trouver une solution avec l'organisateur. Après plus d'un mois de tergiversations, lorsque la fondation a refusé de choisir un autre interprète, le Concertgebouw a résilié le contrat qui le liait à la fondation. Une décision motivée principalement par la crainte des retombées négatives qu'un concert pro-génocide aurait pu avoir en termes d'image, mais que le Concertgebouw a présentée dans son communiqué comme étant dictée par sa mission de « rapprocher les gens par la musique ».

Réaction extrême de la droite

Comme on pouvait s'y attendre, cela a déclenché une vague de protestations. Le Concertgebouw a été accusé d'antisémitisme, notamment par le quotidien NSB De Telegraaf [le NSB, Nationaal-Socialistische Beweging, avait des liens étroits avec le propriétaire du journal de l'époque ndt]), des menaces ont été proférées et le ministre israélien d'extrême droite Chikli a même fait pression sur la maire Halsema par une lettre pour qu'elle prenne la défense de l'État d'apartheid. Halsema, qui après les émeutes du Maccabi [7- 8 novembre 2024, des hooligans du club Maccabi Tel-Aviv avaient provoqué des affrontements ndt] avait repris inconsidérément les mensonges du lobby sioniste, a cette fois-ci répondu fermement à Chikli : « Je trouve la comparaison avec la persécution et l'extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale plus que méprisable. Cette histoire exige précision et intégrité, pas d'instrumentalisation. »

Les paroles mielleuses de la direction du Concertgebouw sur sa mission de rapprochement se sont toutefois révélées peu convaincantes, car en moins d'une semaine, elle a cédé à l'intimidation sioniste. La fondation Chanukah Concert, dont le principal bailleur de fonds est le groupe de pression sioniste B'nai B'rith, a été récompensée pour avoir invité Abramson et peut désormais organiser trois concerts au lieu de deux le 14 décembre. L'organisation d'événements culturels juifs, tels qu'une célébration religieuse, est une tactique délibérée des sionistes pour brouiller la distinction entre judaïsme et sionisme.

Dans Nieuwsuur, Reinink a menti en affirmant que le problème n'était pas la venue d'un propagandiste de l'armée israélienne au Concertgebouw, mais le fait qu'il s'agissait de concerts publics. C'est pourquoi les concerts du soir sont désormais « privés », bien que tous ceux qui avaient un billet pour les concerts publics à guichets fermés aient pu l'échanger contre un billet « privé ». Reinink joue donc sur les mots. Le Concertgebouw a utilisé le même argument il y a deux ans pour autoriser un concert du même organisateur, ce qui a suscité un grand mécontentement parmi les membres du personnel du Concertgebouw.

Politique culturelle de droite

L'attitude de la direction du Concertgebouw témoigne d'un mépris pour son public, ses collaborateurs et les 250 000 manifestant.e.s qui ont tracé une ligne rouge sur la Museumplein, à côté du Concertgebouw, en octobre dernier. Cela est symptomatique du comportement du nouveau type de « gestionnaires culturels » qui a vu le jour après des années de politique gouvernementale néolibérale. Les écoles de musique locales ont été supprimées pour des raisons budgétaires, ce qui rend les cours de musique inabordables pour de nombreuses familles. Les organisateurs doivent quantifier l'« utilité » de la culture pour être éligibles à un financement, et les musiciens travaillent en tant qu'indépendants ou avec des contrats précaires.

Cette précarité conduit à des rapports de force de plus en plus inégaux dans le secteur culturel, notamment avec des chefs d'orchestre qui créent une culture de la peur, mais elle empêche également le secteur culturel de prendre position, car les dirigeants craignent de perdre leur financement. L'extrême droite déteste une culture qui rend les gens confiants, crée du lien entre eux et leur offre de nouvelles perspectives. Cela va à l'encontre de la peur, de la haine et de l'ignorance qui animent les fascistes. Cette aversion pour les artistes indépendants explique également pourquoi des figures d'extrême droite telles que Geert Wilders utilisent si avidement l'IA pour générer leurs images racistes ou des chansons qui s'en prennent aux demandeurs d'asile. C'est pourquoi nous devons lutter par principe contre toute tentative de l'extrême droite visant à museler ou à coopter notre culture, comme l'a fait Douwe Bob en refusant de se produire aux côtés de sionistes.

Alors venez nombreux le 14 décembre à la manifestation et à la célébration de Hanoukka devant le Concertgebouw, organisées par l'organisation juive antisioniste Erev Rav.

Le 19 novembre 2025. Publié par Grenzeloos, traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de Deeplpro

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