
Cette déclaration a été rédigée avant que le soulèvement ne prenne une tournure particulièrement destructrice, avec de nombreuses agressions, des bâtiments incendiés, y compris des hôtels, et l’épouse d’un ancien ministre brûlée vive. Les leaders de la génération Z ont déclaré que leur mouvement avait été « détourné », ce qui révèle malheureusement ses faiblesses structurelles ou politiques. Soutenir la révolte de la jeunesse népalaise ne signifie en aucun cas justifier l’ampleur et la nature des violences les plus extrêmes.
Nous, organisations et individus engagés en faveur des droits humains, de la démocratie et de la justice sociale, élevons nos voix en signe de solidarité urgente avec le peuple népalais - en particulier la jeunesse - qui résiste courageusement à la corruption systémique, à la répression et à la militarisation.
Ces dernières semaines, la génération Z du Népal est descendue dans la rue en nombre sans précédent. Suscitées par la décision du gouvernement d’interdire les principales plateformes de médias sociaux, leurs protestations ne concernent pas seulement l’accès en ligne. Pour les jeunes du pays, les médias sociaux sont plus qu’un simple divertissement : c’est leur principal espace pour dire la vérité, dénoncer la corruption, entrer en contact avec leurs pairs et demander des comptes aux dirigeants. C’est aussi la ligne de vie qui relie des millions de travailleurs migrants à l’étranger à leurs familles restées au pays. En coupant ce cordon, le gouvernement a effectivement rompu le lien humain pour un cinquième de la population du pays, un acte aussi cruel que de couper le cordon ombilical d’un enfant à sa mère.
Mais ces protestations vont bien au-delà de l’interdiction numérique. Il s’agit d’une protestation collective contre des décennies de gouvernance irresponsable, de corruption des élites, d’exclusion économique et d’injustice systémique. Les jeunes Népalais exigent :
La fin de la corruption et de l’impunité ;
La mise en place d’une gouvernance responsable et transparente ;
La protection de la liberté d’expression, de réunion et de participation ;
Une résistance contre la militarisation de la société ;
Des emplois, de la dignité et un avenir qu’ils n’ont pas besoin de fuir leur pays pour trouver.
Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Selon la dernière enquête nationale sur le niveau de vie au Népal (2022-23), le taux de chômage a atteint 12,6 % et celui des jeunes 22,7 %, soit près d’un jeune sur quatre. Le chômage et le désespoir poussant de plus en plus de jeunes à émigrer, le Népal voit son avenir s’évider. Cette génération exige d’être entendue avant d’être perdue.
Au lieu d’écouter, le gouvernement a choisi la violence. Les manifestants pacifiques, dont beaucoup portent encore leur uniforme d’écolier, ont été accueillis par des balles. À ce jour :
Au moins 19 jeunes ont été tués ;
Plus de 400 ont été gravement blessés ;
Des centaines d’autres ont été battus, harcelés ou arrêtés arbitrairement.
Il ne s’agit pas seulement de tragédies, mais de graves violations du droit international. Le Népal est partie à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE) et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En tirant à balles réelles sur des étudiants, le gouvernement a violé le droit à la vie (article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), la protection des enfants contre la violence (article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) et l’interdiction de la torture et des traitements cruels (article 37 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Tirer sur des enfants à la tête et à la poitrine n’est pas un acte de défense, c’est un meurtre.
Malgré les couvre-feux, les intimidations et l’escalade de la répression, les manifestations se poursuivent. Les démissions politiques, les attaques contre les bureaux des partis et la persistance des manifestations montrent que les anciennes méthodes de gouvernement du Népal ne sont plus viables. Une nouvelle génération se lève pour exiger une nouvelle société.
Nos appels
Nous lançons un appel urgent :
1. Au Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour lancer une enquête immédiate et indépendante sur les meurtres et les blessures, et à veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes.
2. A la communauté internationale pour qu’elle s’élève contre la militarisation croissante du Népal, les restrictions des libertés fondamentales et la corruption systémique. Le silence rend complice.
3. Aux gouvernements et les organisations de la société civile du monde entier pour qu’ils se tiennent aux côtés du peuple népalais, amplifie leur voix et faire pression sur le gouvernement népalais pour qu’il mette fin à la violence, à l’impunité et qu’il garantisse les droits de tous les citoyens.
4. Au gouvernement népalais qui doit lever l’interdiction des médias sociaux, mettre fin à la répression, respecter les libertés démocratiques et offrir des opportunités dignes à son peuple, en particulier aux jeunes.
5. Au peuple népalais, en particulier les jeunes, à rester uni, à résister à la peur et à déterminer librement et démocratiquement son avenir.
Notre engagement
Nous affirmons que cette lutte n’est pas isolée au Népal. Partout dans le monde, des jeunes s’élèvent contre la corruption, l’inaction climatique, l’injustice économique et la répression autoritaire. De Katmandou à Manille, de Jakarta à Nay Pyi Taw, de Dhaka à Santiago, de Nairobi à Paris, d’Islamabad à Gaza, l’appel est le même : dignité, liberté, démocratie et justice.
L’assassinat d’enfants pour avoir demandé des comptes est un crime contre l’humanité. C’est une atteinte à l’idée même de démocratie. La communauté mondiale ne peut rester silencieuse.
Nous nous engageons donc à
Être solidaires de la jeunesse népalaise dans sa juste lutte ;
Construire une unité internationale contre la corruption, la répression et la militarisation ;
Défendre la démocratie partout et à chaque fois qu’elle est menacée.
Ceci est un appel à la conscience. C’est un appel à l’action. Défendez la démocratie, résistez à la répression et soyez aux côtés de la jeunesse et du peuple népalais.
Le 9 septembre 2025, traduit pour ESSF par Pierre Rousset avec l’aide de DeepLpro.
Signatures :
1. Guild Of Advocates For Humanity’s Optimal Mending (« GAHOM » Power of the Youth), Mindanao, Philippines
2. Iligan Youth Advocates for Development (IYAD), Mindanao, Philippines
3. Kagkalimwa Overseas Filipino Workers (Solidarité des travailleurs philippins d’outre-mer) Federation, BARMM, Philippines
4. Pakistan Kissan Rabita Committee, Pakistan
5. Alyansa ng mga Mamamayan para sa Karapatang Pantao (Alliance des peuples pour les droits de l’homme), BARMM, Philippines
6. Lanao Alliance of Human Rights Advocates (LAHRA), Mindanao, Philippines
7. Alliance philippine des défenseurs des droits de l’homme (PAHRA)
8. Fédération Krishok du Bangladesh (BKF)
9. Marche mondiale des femmes, NCB, Népal
10. Perempuan Mahardhika (« Femmes libres »), Indonésie
11. Europe solidaire sans frontières (ESSF), France
12. Movimento de Esquerda Socialista (MES), Brésil
13. Alternative Viewpoint, Inde
14. Alliance of Tri-People for the Advancement of Human Rights (Alliance des trois peuples pour la promotion des droits de l’homme), Philippines
15. Forum indien d’action sociale, Inde
16. CADTM International
17. Gauche Anticapitaliste - Stroming voor een Antikapitalistisch Project (SAP-GA), Belgique
18. Workers Democracy, Chine
19. Kilusang Maralita sa Kanayunan (Mouvement des pauvres ruraux), Philippines