
Il est ironique que les annonces de Netanyahou aient provoqué un tollé contre lui, alors qu’il les avait conçues comme une déclaration de son intention d’ouvrir la voie à un règlement.
Les récentes déclarations de Benyamin Netanyahou, faites dans une interview accordée à Fox News jeudi dernier et lors de deux conférences de presse dimanche, ont soulevé un tollé général. Il s’est trouvé condamné par la plupart des gouvernements occidentaux, y compris le gouvernement allemand (une rareté remarquable), qui lui reprochent tous d’avoir annoncé son intention de prendre le contrôle total de la bande de Gaza en occupant les zones bâties peuplées restantes, de la ville de Gaza à Deir al-Balah. Des cris hypocrites de condamnation se sont élevés, avertissant Netanyahou que ce projet conduira à des déplacements massifs et à un grand nombre de morts, comme si le génocide et les déplacements perpétrés par l’armée sioniste au cours des 22 derniers mois, et soutenus durant plusieurs mois par les mêmes gouvernements occidentaux qui aujourd’hui blâment Netanyahou, n’étaient pas déjà pires que ce qu’il promet à présent.
Le Premier ministre israélien a certainement été surpris par la vaste condamnation de ses déclarations, ce qui l’a incité à faire de nombreuses apparitions dans les médias pour clarifier ce qu’il a perçu comme un malentendu. Il est ironique, en effet, que les annonces qu’il a faites dans l’intention de rassurer les gouvernements arabes et occidentaux ont provoqué un tollé contre lui, alors qu’il les avait conçues comme une déclaration de son intention d’ouvrir la voie à un règlement. Ses partenaires de l’ultradroite sioniste au gouvernement l’ont bien compris, qui ont dénoncé sa position, menaçant de dissoudre la coalition et de provoquer de nouvelles élections parlementaires. Cette fois-ci, Bezalel Smotrich lui-même – qui a refusé de suivre l’exemple de son ami Itamar Ben-Gvir lorsque ce dernier s’est retiré temporairement du gouvernement au début de cette année pour protester contre la trêve entrée en vigueur dans la bande de Gaza à la veille du retour de Donald Trump à la Maison Blanche – a déclaré dimanche dernier qu’il avait « cessé de croire que le Premier ministre peut et veut conduire l’armée israélienne à une victoire décisive ». Il a ajouté : « De mon point de vue, nous pouvons tout arrêter et laisser le peuple décider ».
Qu’y a-t-il donc de nouveau dans les récentes annonces de Netanyahou ? Ce n’est certainement pas la déclaration de son intention d’achever l’occupation de la bande de Gaza et de déplacer sa population, un processus qui est en cours depuis plus de 22 mois au vu et au su de tous. Il s’agit plutôt de sa déclaration claire, pour la première fois depuis le début de la guerre génocidaire, qu’il n’a pas l’intention d’occuper la bande de Gaza en permanence et de l’annexer dans son intégralité à Israël. Au lieu de cela, il a souligné que son objectif est de compléter la prise de contrôle de la bande de Gaza en prélude à la fin de la guerre sur la base du désarmement du Hamas et de la transformation de Gaza en zone démilitarisée dans laquelle les Gazaouis seraient soumis à une autorité « civile » provisoire, non israélienne, prête à coexister en paix avec Israël, à condition qu’il ne s’agisse ni du Hamas ni de l’Autorité palestinienne (AP) dont le siège est à Ramallah. Cela s’accompagnerait du maintien par Israël du contrôle sécuritaire de la bande de Gaza, y compris le déploiement permanent de ses forces armées le long d’axes stratégiques et dans certaines zones, tandis que des « forces arabes » seraient chargées de maintenir la sécurité dans les zones peuplées sous l’autorité palestinienne intérimaire.
La vérité est que ce scénario est certainement plus conforme aux souhaits des États arabes et de la plupart des États occidentaux que le scénario préféré par l’ultradroite sioniste, qui consiste à déplacer la plupart des Gazaouis de la majeure partie de la bande de Gaza et à l’annexer, comme cela s’est produit lors de la Nakba de 1948 pour la plupart des territoires palestiniens entre le fleuve et la mer. Le scénario du « jour d’après », soutenu par les États arabes et la plupart des gouvernements occidentaux, a récemment été décrit dans la déclaration publiée par les pays qui se sont réunis au siège des Nations Unies à New York à la fin du mois dernier, à l’invitation de la France et du royaume saoudien. Cette déclaration, qui a été approuvée par la Ligue arabe et l’Union européenne, ainsi que par plusieurs États arabes et européens, dont l’Égypte, le Qatar, la Jordanie, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne et la Turquie, ainsi que par quelques pays d’autres parties du monde, a salué les efforts de « l’Égypte, du Qatar et des États-Unis » pour trouver un règlement qui mettrait fin à la guerre en cours, à des conditions qui incluent la stipulation que « le Hamas doit mettre fin à son gouvernement de Gaza et remettre ses armes à l’Autorité palestinienne ».
Le correspondant d’Al-Quds Al-Arabi a rapporté ce qui suit sur les pourparlers devant avoir lieu le jour de la rédaction de cet article : « La proposition [égypto-qatarie] que la délégation du Hamas est censée discuter au Caire comprend le gel des armes de la résistance, l’abandon complet par le Hamas du contrôle de la bande de Gaza et la libération de tous les détenus israéliens en un seul lot, en échange de la fin complète de la guerre et du début de la reconstruction dans la bande de Gaza. Elle comprend également la formation d’un comité arabo-palestinien devant prendre le contrôle de la bande de Gaza et la gouverner jusqu’à ce qu’une administration palestinienne au complet, avec du personnel de sécurité palestinien, soit qualifiée pour remplir ce rôle. » (Tamer Hendaoui, Al-Quds Al-Arabi, 12 août 2025).
La principale divergence entre le projet euro-arabe et ce que Netanyahou a annoncé est que le projet prévoit le retrait de l’armée israélienne de toute la bande de Gaza et le transfert de son contrôle à l’AP de Ramallah. Si la distance entre les deux approches – euro-arabe et israélienne – peut sembler grande, les récentes déclarations de Netanyahu l’ont en fait réduite. Ce faisant, il ouvre la voie à un compromis que Washington cherchera à imposer à tous, un compromis qui répondra certainement plus aux nouvelles conditions posées par Netanyahou qu’aux conditions énoncées dans la Déclaration de New York (voir « Trump, Netanyahou et la réorganisation du Moyen-Orient », Al-Quds Al-Arabi, 8 juillet 2025). Ce faisant, Netanyahou ouvre également la voie à l’imposition de sa vision à ses alliés d’ultradroite, invoquant une fois de plus la pression des États-Unis.
* Dernier ouvrage paru : Gaza, génocide annoncé. Un tournant dans l’histoire mondiale.
Traduit de ma chronique hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est d'abord paru en ligne le 12 août. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.