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Des groupes israéliens de défense des droits humains déclarent à l’ONU qu’Israël a recouru davantage à la torture pendant la guerre à Gaza

par Nir Hasson, Matan Golan
Centre de détention de Sde Teiman. © Breaking the Silence

Le rapport soumis à l’ONU indique que les détenus ont reçu des soins médicaux alors qu’ils étaient menottés et les yeux bandés, et qu’ils ont été contraints d’utiliser des couches pour faire leurs besoins. Il précise également que les détenus ont été affamés, avec «un régime officiel d’environ 1000 calories par jour».

Depuis le 7 octobre 2023, Israël a intensifié ses violations de la Convention des Nations unies contre la torture, selon un rapport détaillé soumis le mois dernier par des organisations israéliennes de défense des droits humains au Comité des Nations unies contre la torture.

Ce rapport, déposé dans le cadre de l’examen périodique des États parties à la convention par le comité, a été rédigé par le Centre juridique Adalah, le Comité public contre la torture en Israël, Parents Against Child Detention, HaMoked: Centre pour la défense de l’individu et Physicians for Human Rights–Israel.

«Israël a supprimé les garanties existantes et recourt désormais à la torture tout au long du processus de détention – de l’arrestation à l’emprisonnement – en ciblant les Palestiniens sous occupation et les citoyens palestiniens; des hauts fonctionnaires sanctionnent ces abus tandis que les mécanismes judiciaires et administratifs ne réagissent pas», indique le rapport.

Selon ce rapport, Israël justifie la détention des Palestiniens en s’appuyant sur des dispositifs juridiques qui ne sont pas conformes au droit international. Le principal outil utilisé est la qualification des Palestiniens comme «combattants illégaux».

Cette désignation n’est pas reconnue par le droit international, mais elle permet à Israël de détenir des Palestiniens pendant de longues périodes sans procès, tout en leur refusant les droits accordés aux prisonniers de guerre.

Tout au long de la guerre, Israël a détenu plus de 4000 habitants de Gaza en vertu de cette qualification et a de même largement recouru à la détention administrative [c’est-à-dire l’arrestation et la détention d’une  personne par l’autorité militaire, sans inculpation ni jugement, pour une durée inconnue et renouvelable indéfiniment, mesure non applicable aux citoyens juifs]. Avant la guerre, les prisons israéliennes comptaient environ 1100 détenus administratifs palestiniens.

En septembre 2025, ce nombre était passé à 3500. La durée moyenne de la détention administrative a doublé par rapport à la période d’avant-guerre.

Les détenus de Gaza étaient incarcérés dans des centres de détention militaires dans des conditions extrêmement difficiles. «Pendant de longues périodes, les détenus étaient confinés dans des enclos à ciel ouvert, exposés aux intempéries, enchaînés et les yeux bandés 24 heures sur 24, contraints de rester à genoux pendant la majeure partie de la journée et obligés de dormir à même le sol», indique le rapport.

«Ils ont enduré des conditions d’hygiène inadéquates, un manque de soins médicaux et des sévices continus. Ces conditions difficiles persistent», poursuit le rapport.

Le rapport note également que les détenus recevaient des soins médicaux alors qu’ils étaient enchaînés et les yeux bandés, et qu’ils étaient contraints d’utiliser des couches pour faire leurs besoins. Il ajoute que la politique alimentaire dans les centres de détention équivalait à une sous-nutrition, avec «un régime officiel d’environ 1000 calories par jour et à peine 40 grammes de protéines».

Les auteurs concluent que les témoignages «font état d’abus graves à chaque étape, notamment: l’utilisation de matraques; le recours à de l’eau bouillante, provoquant de graves brûlures; les attaques de chiens contre les détenus; l’utilisation d’une «salle disco» recourant à une manipulation sensorielle intense avec une musique douloureusement forte; les viols avec des objets».

Selon ce rapport, les établissements pénitentiaires israéliens ont également eu recours à des politiques de privation alimentaire et d’abus systématiques, notamment «coups de poing, coups de pied, coups de matraque, entraves douloureuses, attaques de chiens, menaces et urination sur les détenus, ainsi que des actes de violence sexuelle et des viols avec des objets».

En conséquence de ces pratiques, le rapport fait état d’au moins 94 décès dans les centres de détention israéliens depuis le début de la guerre, ainsi que de dizaines de cas de dommages irréversibles pour la santé.

Selon le rapport, le nombre de plaintes pour torture pendant les interrogatoires a fortement augmenté, passant de 66 au cours des deux décennies précédant la guerre à 238 au cours des deux dernières années. Le rapport note également le décès de trois détenus pendant les interrogatoires du service de sécurité Shin Bet.

Le Shin Bet ne reconnaît pas l’utilisation de la torture, mais admet employer des «méthodes d’interrogatoire spéciales», qui comprennent la privation de sommeil, l’utilisation de menottes douloureuses, les vibrations, l’exposition au froid, la musique forte, les interrogatoires dans le plus simple appareil et les menaces visant les membres de la famille.

Malgré le nombre important de plaintes et d’abus documentés, le nombre d’enquêtes ouvertes reste négligeable. Sur les 238 plaintes déposées concernant des actes de torture commis par le Shin Bet, les services de sécurité n’ont recommandé l’ouverture d’une enquête que dans deux cas, et même dans ces deux cas, aucune poursuite n’a finalement été prononcée.

Au sein de l’armée israélienne, 58 enquêtes ont été ouvertes contre des soldats pour leur traitement des détenus, dont 44 concernaient des décès de détenus. Seules deux enquêtes sur des abus ont abouti à des poursuites.

L’une d’elles concernait l’affaire largement médiatisée contre les cinq soldats qui servaient au centre de détention de Sde Teiman [situé dans le Néguev]. Dans l’autre affaire, un soldat a été reconnu coupable d’abus et condamné à sept mois de prison.

Au sein du service pénitentiaire israélien, 36 enquêtes ont été ouvertes pour abus sur des détenus, dont six ont abouti à des inculpations. Aucune de ces enquêtes ne concernait des cas de décès ou de violences sexuelles.

Selon le rapport, l’état déplorable du système de détention a été effectivement approuvé par la Cour suprême. Sur les 20 requêtes soumises à la Haute Cour de justice concernant les conditions de détention, 18 ont été rejetées, principalement pour des raisons de procédure ou après que les juges ont accepté sans contestation la position de l’État.

Deux requêtes ont été acceptées, mais seulement après de longs délais. Dans la première, les juges ont ordonné la fermeture du centre de détention de Sde Teiman; dans la seconde, concernant la politique alimentaire, la requête a été partiellement acceptée après 17 mois.

Le rapport indique en outre que les établissements pénitentiaires israéliens utilisent le refus de soins médicaux comme méthode de torture, citant, entre autres exemples, les épidémies de gale qui touchent des milliers de détenus. Il note également que le sort de centaines de détenus de Gaza reste inconnu.

En outre, le rapport indique que les détenus pour raisons de sécurité sont parfois maintenus en isolement total et se voient refuser de rencontrer des avocats, des représentants du Croix-Rouge, des journalistes ou des membres de leur famille.

Il y a environ deux semaines, le Comité des Nations unies contre la torture a tenu une session sur cette question. Des représentants du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Justice et des services pénitentiaires ont comparu devant le comité et ont rejeté les allégations selon lesquelles Israël aurait violé la convention ou le droit international dans son traitement des détenus.

Les représentants israéliens ont décrit les conditions dans les centres de détention et les droits accordés aux détenus, arguant que le bureau du procureur général et le système judiciaire israélien supervisent ce qui se passe dans les prisons et les centres de détention.

Article publié par le quotidien Haaretz le 26 novembre 2025; traduction rédaction A l’Encontre.

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