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Gaza: une étude révèle des pertes humaines – 100 000 – et une baisse de l’espérance de vie sans précédent

par Max-Planck-Institut

Les conflits armés et l’instabilité politique ont des répercussions considérables sur la vie des populations. Une récente étude menée par le MPIDR et le CED montre à quel point celles-ci peuvent être dramatiques. Les chercheurs ont développé une approche pour analyser l’impact de la guerre sur la mortalité, en intégrant et en diffusant la grande incertitude qui entoure les données disponibles sur le conflit actuel à Gaza.

Les données déformées et incomplètes provenant des zones de conflit peuvent rendre difficile l’estimation précise de la mortalité. Des estimations fiables, qui intègrent l’incertitude inhérente aux situations de conflit, sont essentielles pour évaluer et communiquer les effets des conflits. Ana C. Gómez-Ugarte, Irena Chen et leurs collègues ont basé leurs estimations sur des données provenant de plusieurs sources publiques, notamment le ministère de la Santé de Gaza (GMoH), le Centre d’information israélien pour les droits de l’homme dans les territoires occupés (B’Tselem), le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), le Groupe interinstitutions des Nations unies pour l’estimation de la mortalité infantile (UN-IGME) et le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS).

Prise en compte des erreurs de mesure

«La tension entre les limites des données et la demande d’indicateurs significatifs a été le moteur de cette étude. Nous démontrons que ces défis ne sont pas nécessairement incompatibles», explique Gómez-Ugarte. «Notre objectif est d’estimer l’espérance de vie et les pertes d’espérance de vie causées par le conflit à Gaza en Palestine d’une manière qui tienne compte des données incomplètes ou éparses.»

Dans leur étude méthodologique, l’équipe de recherche présente un modèle qui tient explicitement compte de deux erreurs de mesure particulières lors de l’estimation de la mortalité.

  • L’incertitude concernant le nombre total de décès, qui est probablement sous-estimé par les sources officielles ; et
  • l’incertitude concernant l’âge et le sexe des victimes, qui ne sont pas pris en compte dans le décompte global des décès.

Plus de 100 000 personnes tuées dans la guerre de Gaza

À l’aide d’une approche de modélisation pseudo-bayésienne [calculer et mettre à jour les probabilités après l’obtention de nouvelles données], l’étude a estimé que 78 318 (70 614-87 504) personnes ont été tuées à Gaza entre le 7 octobre 2023 et la fin de 2024, conséquence directe du conflit. Dans une analyse ultérieure menée après la publication, les auteurs ont constaté qu’au 6 octobre 2025, le nombre de décès liés au conflit à Gaza avait probablement dépassé les 100’000.

«En raison de cette mortalité sans précédent, l’espérance de vie à Gaza a chuté de 44% en 2023 et de 47% en 2024 par rapport à ce qu’elle aurait été sans la guerre, ce qui équivaut à des pertes de 34,4 et 36,4 ans, respectivement», explique Ana C. Gómez-Ugarte. L’étude a également révélé que la répartition par âge et par sexe des décès violents à Gaza entre le 7 octobre 2023 et le 31 décembre 2024 ressemblait étroitement aux schémas démographiques observés dans plusieurs génocides documentés par le Groupe interinstitutions des Nations unies pour l’estimation de la mortalité infantile (UN IGME). Le génocide étant un terme juridique très spécifique, certains critères supplémentaires doivent être remplis pour qu’il soit applicable. Ce n’était pas l’objet de cette étude.

Les scientifiques proposent une approche flexible pour estimer la mortalité liée aux conflits. Les progrès réalisés dans le domaine de la modélisation statistique permettent de tenir compte en partie du «brouillard statistique de la guerre» lors de l’estimation des taux de mortalité. «Nos estimations de l’impact de la guerre sur l’espérance de vie à Gaza et en Palestine sont significatives, mais ne représentent probablement qu’une limite inférieure du fardeau réel de la mortalité. Notre analyse se concentre exclusivement sur les décès directs liés au conflit. Les effets indirects de la guerre, qui sont souvent plus importants et plus durables, ne sont pas quantifiés dans nos considérations», explique Ana C. Gómez-Ugarte.

Il est important et nécessaire de mesurer les taux de mortalité dans les situations de conflit. «Cependant, l’urgence ne doit pas être une excuse pour un manque de rigueur méthodologique. Nous encourageons les chercheurs qui travaillent sur la démographie des conflits à intégrer directement les incertitudes dans les estimations de la mortalité à l’aide d’outils statistiques», déclare le chercheur du MPIDR. (Max-Planck-Gesellschaft, 25 novembre; traduction rédaction A l’Encontre)

[L’espérance de vie à la naissance est indiquée au niveau national (en jaune) et régional, en utilisant les distributions par âge du ministère de la Santé (GMoH) pour la bande de Gaza (en rouge) et celles de B’Tselem pour la Cisjordanie (en bleu) pour 2023 et 2024. Les formes (triangle: Cisjordanie, rond: Palestine et carré: bande de Gaza) indiquent l’espérance de vie observée. Les scénarios contrefactuels de l’espérance de vie sans décès liés au conflit entre 2012 et 2024 sont indiqués par les lignes. Pour 2023 et 2024, les formes représentent la valeur moyenne et les intervalles indiquent les intervalles de crédibilité à 95%. © MPIDR]

Traduit et publié par Alencontre le 26 novembre 2025

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