La répression du mouvement pour la Palestine entrave la démocratie à l’université de Genève

par Solidarités, Jeunesse solidaire
L'occupation de nuit d'UniMail. © KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI

Depuis le mois de mai, un impressionnant mouvement étudiant s’organise au sein de l’Université de Genève en solidarité avec le peuple palestinien. Celui-ci porte deux revendications principales auprès du rectorat. Premièrement, que ce dernier prenne position en faveur d’un cessez-le-feu permanent à Gaza, pour l’arrêt immédiat du génocide perpétré par Israël. Deuxièmement, que l’établissement suspende ses collaborations avec des universités israéliennes, ces dernières faisant aujourd’hui partie intégrante du système colonial et d’apartheid israélien. Par son silence, l’UNIGE reste en effet en retard sur nombre d’institutions internationales telles que l’ONU, la Cour Internationale de Justice (CIJ) ou la Cour Pénale Internationale (CPI). Plutôt que d’engager un véritable dialogue de fond (sans intermédiaires opaques), le rectorat a préféré réprimer l’occupation pacifique du hall d’Uni Mail en faisant intervenir la police – une première au sein de l’UNIGE. Alors que la situation à Gaza continue de s’aggraver et s’étend en Cisjordanie et au Liban, la répression contre la mobilisation étudiante se poursuit depuis la rentrée. La censure de l’agenda de la CUAE (faîtière des associations et syndicat étudiant) constitue une diversion bien pratique pour le rectorat afin de masquer son silence sur son non-respect de ses engagements dérisoires pris en mai.

Cette dernière aura certainement des répercussions délétères à l’avenir, bien au-delà de la mobilisation en solidarité avec le peuple palestinien. Notamment par la voix de ses associations étudiantes, la communauté universitaire s’inquiète légitimement de l’atteinte ainsi portée aux libertés syndicales et associatives au sein de l’établissement. Cela préfigure un rétrécissement démocratique à l’UNIGE, notamment par le contournement des instances représentatives elles-mêmes. Aucune raison valable ne justifie en effet que le rectorat ait un droit de regard sur la ligne politique d’un syndicat ou d’une association : jamais une telle censure n’aurait été exercée contre un syndicat du personnel, donc rien ne justifie qu’elle soit exercée contre un syndicat étudiant. Cela est même allé plus loin puisque la CUAE était menacée de dissolution ces dernières semaines, sur des bases juridiques fallacieuses.

De surcroît, par cette répression, le rectorat s’est aligné sur une organisation lobbyiste externe, la CICAD, remettant ainsi en cause l’autonomie de l’université vis-à-vis du pouvoir politique. Le bon fonctionnement du monde académique suppose en effet que celui-ci construise librement ses programmes de recherche scientifique et d’enseignement. La pluralité des savoirs et des opinions en son sein consacre en effet l’université comme espace démocratique, ancré dans la société. Ainsi, les préoccupations sociales et éthiques qui traversent cette dernière peuvent légitimement être exprimées dans le cadre universitaire. Prendre part au travail scientifique relève d’office d’une forme d’engagement en faveur de savoirs élaborés collectivement. Fermer les portes de l’université, tant symboliquement qu’en pratique (comme ce fut déjà le cas en mai, et à nouveau ces derniers jours, lors des contrôles de sécurité aux entrées d’Uni Mail), isole cette dernière du reste de la société et entrave sa vocation démocratique. Une telle trajectoire rapproche dangereusement l’Université de Genève d’institutions académiques alignées sur l’agenda de forces politiques réactionnaires, comme en Russie ou en Israël.

Mardi 1er octobre 2024, publié par SolidaritéS

Signataires : 

solidaritéS Genève

Jeunesse solidaire – solidaritéS Jeunes Genève

solidaritéS Vaud

solidaritéS Neuchâtel