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Algérie : l’avant-projet de loi organique sur les partis politiques, des mesures antidémocratiques sans précédent

par Samir Larabi

Après avoir lu le contenu du projet de loi organique sur les partis politiques, il est clair que le pouvoir politique algérien continue de traiter la société et ses organisations sociales avec un grand paternalisme. Le projet dans son contenu s’inscrit dans la continuité des lois ratifiées antérieurement visant à restreindre davantage les libertés démocratiques, comme ça été le cas avec le mouvement syndical il y a quelques mois.

 

Le texte de l’avant-projet parle de consolidation et de promotion du principe du multipartisme, mais les motivations avancées et les articles proposés contredisent cette « volonté ». Dans les faits, il limite davantage la liberté d’organisation et d’action des partis politiques comparativement aux textes précédents, notamment celui adopté juste après la promulgation de la Constitution de 1989.

Le premier sentiment que nous avions dans le paragraphe consacré à la présentation des raisons de ce projet était sa pauvreté politique. Il est produit par des bureaucrates sans liens avec l’action politique réelle. Le langage du texte a plutôt une inclination administrative que politique. Une situation qui exprime ce manque de compétence du personnel politique au sein du pouvoir politique et dans nos institutions censées réfléchir sur l’avenir du pays.

 

À travers cette modeste contribution, nous essaierons de faire quelques remarques afin d’enrichir le débat politique sur ce document qui structurera sans aucun doute l’action politique et des partis en Algérie :

• Ce document proposé au gouvernement reflète le caractère autoritaire et structurel du pouvoir politique et des décideurs en Algérie. Le pouvoir de fait vise à museler d’avantage les organisations politiques au détriment des normes démocratiques et de l’action politique autonome. Elle vise également à approfondir le processus de normalisation de l’action politique et des partis. Par ce projet, le pouvoir, par l’intermédiaire de l’administration, veut même s’ingérer ouvertement dans la vie interne des partis politiques et transformer tous les partis en organisations de masse subordonnées à l’autorité et administrer leurs affaires, comme ils administrent les administrations centrales et locales.

• Par les amendements proposés, l’autorité actuelle veut codifier les pratiques arbitraires et antidémocratiques envers les partis d’opposition qu’elle a eues pendant et après le Hirak populaire. C’est un autre stade de normalisation du passage en force, car jusqu’à présent il n’a pas de base sociale étendue. Pendant ces dernières années le pouvoir n’était pas en mesure de reconstruire cette base sociale qui s’est réduite en peau de chagrin déjà avant 2019. Objectivement, nous n’exagérerions pas si nous disions que les articles proposés restreignent l’action politique plus que l’administration de la France coloniale pendant les années 1930.

• Dans cet avant-projet, ils ont franchi toutes les lignes rouges avec leur reflexes autoritaires. Ils veulent même contrôler et empêcher toute activité politique y compris au sein des sièges et locaux des partis politiques. Pour eux les citoyennes et citoyens qui ne sont pas adhérent·es d’une organisation politique et n’ont pas le droit de faire des activités dans leurs locaux, comme le stipule l’article 48 de cet avant-projet.

• Cette hystérie qui s’est emparée du pouvoir politique et la volonté de tout contrôler dans les moindres détails les a amenés à décider même de la nature des structures des partis, et des commissions permanentes des partis politiques (art. 37). Cela signifie que c’est l’administration qui détermine les priorités organisationnelles et politiques du parti et non les militant·es et les dirigeant·es du parti. Selon le texte proposé, les partis n’ont pas le droit de constituer des comités permanents nationaux ou locaux chargés des travailleurs, des chômeurs, des femmes, des jeunes, de l’économie, de l’écologie, etc. Ainsi, la souveraineté des militant.es est plus que remise en cause.

• Les rédacteurs de ce texte le plus pauvre de l’histoire politique algérienne ont oublié que les formes d’organisation sont essentiellement liées aux orientations politiques et idéologiques du parti politique, liés aux questions centrales du parti, aux aspirations des militants et du peuple, liés aux secteurs de lutte que le parti veut construire. En d’autres termes, c’est l’orientation politique qui définit les cadres organisationnels qu’on met en place collectivement. Mais l’absurdité et le zèle des autorités veulent décider autrement au point d’apparaitre comme des ignorants.

• Le pouvoir politique, à travers l’administration, ose même immiscer son nez dans la nature des alliances politiques que peuvent contracter les partis entre eux, qui doivent impérativement les déclarer et les soumettre au bon gré du ministère de l’intérieur (art. 57). Le ministère de l’Intérieur a le droit d’envisager l’acceptation et le rejet de ces alliances politiques conformément à ses interprétations politiques… qui sont généralement absurdes. Là, on a compris qu’ils ne veulent plus que des partis s’organisent en pôles politiques comme ça été pendant le Hirak, à l’instar du Pacte de l’alternative démocratique (PAD).

 

Ces remarques ne sont en faites qu’un échantillon des abus que ce projet porte, un projet considéré comme une volonté de s’attaquer ouvertement a la souveraineté des militant.es et des organisations politiques. C’est une véritable remise en cause du pluralisme et de nos acquis démocratiques post 1988. La démarche du pouvoir est assez claire, il s’agit de fragiliser davantage les moindres espaces et regroupements susceptibles d’organiser la société et de la priver de ces outils de changement. Les lois restrictives sur l’action syndicale étaient un avant-gout de cette tendance lourde à museler le moindre espace de lutte et d’organisation sociétale.

Le silence sur ces dérapages dangereux est un crime contre la citoyenneté et les valeurs démocratiques portées par le peuple algérien à travers le mouvement national depuis 1926.

À cet effet nous devons dénoncer collectivement les dérives scandaleuses portés par ce cynique avant-projet sur les partis politiques.

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