Daniel Pereyra (1927-2023), Une vie bien vécue

par Jaime Pastor
Daniel Pereyra (1927-2023)
numéro
Notre cher ami et camarade, Daniel Pereyra, est décédé le 6 février 2023 à Madrid, à l’âge de 95 ans, après une longue et exemplaire carrière de combattant infatigable, dont il a témoigné, en partie, dans ses Mémoires d’un militant internationaliste (Memorias de un militante internacionalista) publiées en 2014.


Notre cher ami et camarade, Daniel Pereyra, est décédé le 6 février 2023 à Madrid, à l’âge de 95 ans, après une longue et exemplaire carrière de combattant infatigable, dont il a témoigné, en partie, dans ses Mémoires d’un militant internationaliste (Memorias de un militante internacionalista) publiées en 2014.

 

Au nom de la revue Viento Sur, nous lui rendrons bientôt l’hommage qu’il mérite en plus de l’article publié hier sur notre site (1), où l’un de ses plus proches amis et compagnons de combat, Roberto Montoya, nous a rappelé ses premiers pas et sa participation active au processus de construction d’organisations révolutionnaires dans son Argentine natale, au Pérou, puis en exil à Madrid après le triomphe de la dictature militaire dans son pays.

 

Daniel Bensaïd dans Une lente impatience (2004) témoigne de sa rencontre avec Che Pereyra lors de son voyage en Argentine en 1973 : là, dit-il, il a découvert que « cet ancien ouvrier métallurgiste était une légende. (…) Son inaltérable allégresse, sa gentillesse, son humour, son élégance chevaleresque n’ont pas peu contribué à gagner notre soutien à l’orientation de lutte armée » (2). 

Et en effet, une partie de cette légende, en particulier sa dure expérience péruvienne, s’est ensuite reflétée dans des films, des livres, tels que Avisa los compañeros, pronto (Avertissez les camarades, vite !) et d’autres œuvres.

Plusieurs membres de la rédaction et du conseil de notre revue l’ont rencontré plus tard, lorsqu’il est arrivé à Madrid en 1978. Avec Juanita, sa compagne, ils ont immédiatement rejoint les activités de la Liga Comunista Revolucionaria (LCR) ; il était prêt à assumer n’importe quel type de tâche, comme celle d’organiser la logistique de notre 5e Congrès, qui s’est tenu à Madrid quelques mois plus tard. Depuis lors, il a participé aux activités de cette organisation, toujours avec ses propres opinions politiques et, plus d’une fois, exprimant librement ses différences avec certaines décisions, par exemple celle concernant le processus d’unification avec le Movimiento Comunista (MC) ; comme il l’a relaté dans ses Mémoires.

 

Outre ses Mémoires, Daniel est l’auteur d’autres ouvrages, parmi lesquels : Del Moncada a Chiapas. Historia de la lucha armada en América Latina (De la Moncada au Chiapas, histoire de la lutte armée en Amérique latine, 1994 et 1996), Argentina rebelde (Argentine rebelle, 2003), Mercenarios, guerreros del imperio (Mercenaires, guerriers de l’empire, 2007), Che, Revolucionario sin fronteras (Che, révolutionnaire sans frontières, 2017) et avec Roberto Montoya, El caso Pinochet y la impunidad en América Latina (Le cas Pinochet et l’impunité en Amérique latine, 2000). Il a également écrit un grand nombre d’articles dans différents magazines et médias. 

Parmi eux, en 1984 sous le pseudonyme Luis Alonso, une sévère critique de Historia de Mayta (Gallimard, 1986) de Mario Vargas Llosa, un pamphlet anti-trotskiste qui à son avis avait peu à envier à la propagande du Kremlin. 

L’un de ses derniers articles publiés est probablement celui qui est paru dans le numéro spécial 150 de Viento Sur. On y retrouve son souci de faire le point sur les différentes expériences qu’il a vécues en Espagne et d’essayer d’apporter quelques idées à un projet de « parti-mouvement » dans lequel le politique et l’organisationnel seraient toujours étroitement liés.

On sait aussi qu’il rédigeait des notes dans lesquelles il tentait de tirer les leçons de l’expérience de la lutte armée en Amérique latine dans les années 1960, 1970 et plus tard.

La description que Daniel Bensaïd a faite de Che Pereyra lorsqu’il l’a rencontré à Madrid après une longue période résume très bien son état d’esprit : « Toujours aussi dynamique et enjoué, il a traversé les années maussades du postfranquisme sans se rendre, attentif à la moindre repousse d’espérance, fidèle à ses engagements, à ses compagnons, et à ses morts. » (3)

 

Daniel « el Gallego » (le Galicien) était, en somme, un grand ami de ses amies et amis de générations très différentes, toujours bienveillant et respectueux des autres opinions, loin d’être sectaire, et ouvert à ce qui pouvait sembler hétérodoxe à première vue, mais voyant ce qui pouvait porter un potentiel subversif, révolutionnaire et préfigurant un communisme digne de ce nom.

Comme l’a écrit le poète Miquel Martí i Pol dans sa Lletra a Dolors, il nous sera difficile d’imaginer qu’il sera absent pour toujours, mais il y a tellement de souvenirs qu’il nous a donnés et ces souvenirs exigent que nous restions toujours fidèles à son héritage.

 

Cet article a été d’abord publié le 10 février 2023 dans Viento Sur : https://vientosur.info/daniel-pereyra-una-vida-bien-vivida/ 

(Traduit de l’espagnol par JM).

 

1. Cf. notre traduction en p. 51.

2. Daniel Bensaïd, Une lente impatience, Stock, Paris 2004, pp. 187-188.

3. Ibid., pp. 189-190.