Après des semaines de préparation morale, de pression diplomatique et de désinformation massive, l'État turc a finalement attaqué l'enclave à majorité kurde d'Afrine, située au nord-ouest de la Syrie. En jouant habilement sur les clivages entre Washington et Moscou, le Président turc a réussi à lancer une opération militaire d'envergure composée de frappes aériennes, de déploiement de milices islamistes et de l'incursion sur le sol syrien de troupes de l'armée turque prêtes à l'offensive.
Déclaration de Sosyalist Demokrasi icin Yeniyol*
Nous condamnons fermement cette guerre, cyniquement dénommée " Rameau d'olivier », qui n'aura d'autre conséquence que d'aggraver les tensions entre les peuples turc, kurde et arabe, de repousser tout espoir de vie commune et dont l'ultime objectif est incontestablement la consolidation du régime dictatorial d'Erdogan.
Synthèse
Pour contrer le processus d'autodétermination en cours dans le Kurdistan syrien, inacceptable pour le régime islamo-nationaliste turc, Ankara désire avec cette offensive mettre en place une " zone de sécurité » de trente kilomètres à partir de sa frontière. Ce projet d'occupation du sol syrien est présenté comme un rempart contre la présence des forces du PYD - et sa branche armée, les YPG soutenus par Washington dans la lutte contre Daesh - à sa frontière. Alors qu'il bénéficie du consentement de la Russie et n'étant confronté qu'à une faible réaction de la part des États-Unis, le régime Erdogan, en quête d'une victoire au niveau de sa politique étrangère présente cette opération militaire comme une offensive de " sécurité nationale » avec une forte connotation anti-occidentale/anti-impérialiste.
Malgré une polarisation extrême entre les partisans d'Erdogan et ses opposants, la rhétorique fondée sur la sécurité nationale, en avivant les dispositions historiques militaristes et nationalistes du pays, a réussi à rassembler toutes les franges de la société turque, les différentes sensibilités politiques et les diverses fractions de la bourgeoisie derrière les tam-tam de guerre. Principal parti d'opposition, le CHP républicain et laïciste (membre de l'Internationale socialiste), comme à chaque tournant critique, n'a pas raté l'occasion de se ranger au côté de l'AKP pour annoncer son " soutien total à l'opération militaire »...
En ajoutant l'état de guerre à un état d'urgence déjà bien répressif, le régime Erdogan atteint aujourd'hui un niveau sans précédent dans la criminalisation de toute opposition à la guerre. Alors que le HDP, parti de gauche issu du mouvement kurde, a les mains totalement liées en raison de la répression qui le frappe, plusieurs journalistes et activistes antiguerre ont été arrêtés dès les premiers jours de l'opération, principalement en raison de messages pacifistes postés sur les réseaux sociaux. Des artistes et intellectuels sont mis au ban parce qu'ils ne se sont pas prononcés en faveur de la guerre. La moindre critique envers l'opération militaire est identifiée à un soutien au terrorisme et une trahison envers la patrie.
Le lutte pour la démocratie en Turquie ne peut se passer d'un combat contre le militarisme, " tant celui qui est dirigé vers l'extérieur que celui dirigé vers l'intérieur », comme disait cette figure historique de l'antimilitarisme révolutionnaire, Karl Liebknecht. Ceci est d'autant plus vrai dans une conjoncture où l'immunité judiciaire pour les civils qui se mobiliseraient afin de réprimer un coup d'État et " tout autre événement s'inscrivant dans son prolongement », bref pour défendre le régime, est légalisée à travers un décret-loi et où l'existence de nombreuses formations paramilitaires n'est plus un secret pour personne.
Est-ce que le recours à la guerre va encore une fois sauver Erdogan et renforcer son hégémonie affaiblie comme cela s'était réalisé en 2015 lorsque les résultats obtenus par le HDP avaient déstabilisé le régime Erdogan qui décida de jouer la carte de la guerre ? Cela dépend de la capacité de mobilisation et de résistance dont feront preuve les différentes composantes de l'opposition démocratique - avec la gauche radicale en tête - qui n'ont pas encore plié devant la déraison militariste et l'aveuglement nationaliste, et ce il est vrai dans des conditions de répression inouïes
Oui, les militant.es et activistes antiguerre, solidaires des revendications démocratiques du peuple kurde ont des raisons d'être intimidés devant la déferlante nationaliste-fascisante, mais les raisons pour continuer à prôner la paix sont beaucoup plus nombreuses et tellement plus humaines. C'est pour cela que nous refuserons de nous taire, de manquer à notre devoir internationaliste, nous refuserons de nous soumettre au régime guerrier, autocratique et corrompu d'Erdogan.
• Non à la guerre sur Afrine, retrait immédiat des troupes militaires turques !
• Soutien au droit d'autodétermination démocratique du peuple kurde et de tous les peuples du Moyen-Orient !
• Aucune confiance envers les forces impérialistes ; la libération des peuples de Syrie ne passera que par leur combat commun !
• Vive l'internationalisme prolétarien, vive l'antimilitarisme révolutionnaire !
* Sosyalist Demokrasi icin Yeniyol (SDY, Cours nouveau pour une démocratie socialiste) est la section de la IVe<:sup> Internationale en Turquie.