Rejet de la mascarade électorale

À une écrasante majorité, les masses populaires algériennes ont rejeté la mascarade électorale des législatives.

Alger, le 12 mai 2017

1. À une écrasante majorité, estimée à presque 72 %, les masses populaires algériennes ont rejeté la mascarade électorale des législatives du 4 mai 2017. Alors que l'abstention n'aurait pas dépassé officiellement les 63 %, le vote blanc et les bulletins nuls ont explosé, atteignant pour la première fois deux millions de voix, soit 25 % des votants. À cela s'ajoute la fraude qui aurait franchi, selon plusieurs témoignages, des seuils scandaleux rappelant, entre autres passages en force, celui de 1997.

Synthèse et articles Inprecor

2. En octroyant d'office 3/4 des sièges de la future Assemblée populaire nationale (APN) aux partis qui le soutiennent - FLN, RND, TAJ, MPA, ANR… (1), le pouvoir, sans se soucier des formes, reconduit son contrôle absolu sur toutes les institutions afin de poursuivre sans entrave l'application de sa politique économique et sociale antipopulaire (loi sur les retraites, nouveau code du travail…), de museler le mouvement social et d'assurer au mieux la succession de Bouteflika. Dans cette perspective, la bienveillance et les satisfecit de Paris et de Washington ont été garantis, comme semblent le suggérer les récents arrangements entre la Sonatrach et Total ou les contrats juteux concédés à General Electric.

3. De toute évidence, le rejet des législatives exprime avant tout une protestation sans équivoque des masses populaires contre les politiques économiques et sociales libérales, contre l'austérité et le chômage, contre la corruption et l'impunité qui règnent au plus haut sommet de l'État. C'est une protestation contre l'arrogance de ces nouveaux oligarques et patrons privés prédateurs du secteur public, d'une part, et contre ces multinationales qui s'accaparent nos richesses et participent au pillage de notre pays, d'autre part. C'est aussi une protestation contre la dérive autoritaire et antidémocratique du régime, contre l'oppression et l'injustice, contre la répression et le musellement des libertés. Mais c'est également la marque d'une faible adhésion aux projets politiques portés par l'opposition.

4.Quelle que soit sa forme, ce rejet des élections législatives ne constitue pas pour autant une alternative politique. L'aspiration au changement qu'il exprime relève d'une résistance passive, une résistance sans projet collectif et sans lendemain. Et alors que les appels contre la participation aux législatives foisonnaient de partout, les patrons et les milliardaires, les affairistes et les opportunistes, les carriéristes et les tribalistes ne se sont pas abstenus. Ils ont usé de tous les stratagèmes : la démagogie, les moyens publics, la chkara [sac d'argent] et la fraude. Ils sont partis à l'assaut de l'APN et comptent bien légiférer et imposer de nouvelles lois libérales qui aggraveront le suicide économique de notre pays et le désastre social qui frappe déjà des pans entiers de notre peuple.

Synthèse et articles Inprecor

5.Mais les luttes et les mobilisations des travailleurs et des masses populaires, à l'instar de celles de l'intersyndicale et des secteurs combatifs de l'UGTA, des étudiants et des jeunes, des femmes, des paysans pauvres et de tous les opprimés, démontrent que la résistance pour la défense du pouvoir d'achat et des acquis sociaux et démocratiques, s'organise et se recompose. C'est dans l'élan de cette résistance active du front social que notre parti s'inscrit. En l'absence d'un rapport de forces politique capable d'imposer immédiatement une autre solution, le PST a préféré, même avec une seule liste à Bejaia (2), se saisir de la tribune électorale et présenter ses propositions politiques. Pour le PST, il s'agit de renforcer et d'amplifier la résistance sociale dans la perspective de cristalliser sur le plan politique une convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste.

* Le Parti socialiste des travailleurs (PST) est un parti anticapitaliste fondé en 1989 par les militants du Groupe communiste révolutionnaire (section algérienne de la IVe Internationale) qui sortaient de la clandestinité.

notes
1. Issu de la lutte victorieuse pour l'indépendance, l'actuel Front de libération nationale (FLN) est un parti d'État d'orientation néolibérale (164 sièges à l'APN depuis le 4 mai 2017). Le Rassemblement national démocratique (RND), formé en 1997 par les proches du général Liamine Zéroual (président de la République de 1994 à 1999), et un autre parti d'État, comptant en son sein une majorité de hauts fonctionnaires, lié aux milieux d'affaires et favorable à la privatisation de l'économie (100 députés). Le Rassemblement de l'espoir de l'Algérie (TAJ) a été créé en 2012 par Amar Ghoul, qui a exercé diverses fonctions ministérielles depuis 2002 (19 députés). Le Mouvement populaire algérien (MPA), nouveau nom de l'Union pour la démocratie et le République depuis 2012, est un parti favorable à l'économie sociale de marché, fédéraliste et laïque (13 députés). L'Alliance nationale républicaine (ANR), favorable à plus de privatisations, a été fondée par l'ancien Premier ministre, Redha Malek, en 1995 (6 députés).

2. La liste du PST dans la wilaya de Bejaia a obtenu 3 610 voix (4,28 % des suffrages exprimés) et aucun élu. Ces élections législatives ont été marquées, à Bejaia, par une très forte abstention qui a atteint les 81,49 % soit 431 473 électeurs inscrits qui n'ont pas jugé utile de se rendre aux urnes.