Succès électoral de RESPECT

par Alan Thornett
Alan Thornett de Respect Renewal d'Angleterre. Photothèque Rouge/JMB
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Les résultats obtenus par RESPECT aux élection locales du 4 mai ont été qualitativement supérieurs à tout ce que n'importe quel parti de gauche avait pu réaliser dans le passé. RESPECT n'avait avant cela que deux conseillers municipaux — à Preston dans le nord-ouest de l'Angleterre et un à Tower Hamlets, dans le Grand Londres. Avec l'élection de 16 conseillers le 4 mai, il en dispose de 17 (un des deux sièges n'était pas rééligible cette année).

RESPECT s'était donné pour but cette fois-ci de viser deux districts électoraux londoniens, celui de Newham et celui de Tower Hamlets dans la banlieue est de la capitale, où il avait obtenu ses meilleurs résultats lors des élections législatives de l'an dernier. Il s'agit de grandes cités, chacune couvrant deux circonscriptions législatives. Newham a 240 000 habitants et Tower Hamlets 196 000. Dans les deux cas il s'agit de concentrations ouvrières pauvres. A Tower Hamlets il y a une importante communauté bengali (mais elle n'est pas majoritaire) et des communautés presque aussi grandes d'Afro-Caribéens et de Somaliens. Newham a une population blanche plus importante (une majorité significative) et diverses communautés immigrées.

C'est dans une circonscription électorale située à Tower Hamlets que George Galloway a été élu député pour le compte de RESPECT l'an dernier. RESPECT a donc présenté Tower Hamlets et pour tous les 62 sièges à Newham. Par ailleurs RESPECT a également présenté quelques autres candidatures à Londres (14 en tout) et dans le reste du pays (25 en tout), ce qui donne 153 candidatures au total.

Une telle stratégie visait à aborder le système électoral britannique qui est particulièrement antidémocratique : il n'y a pas de listes, chaque candidature est individuelle et il n'y a qu'un seul tour — c'est le candidat arrivé en tête qui prend le siège et il est ainsi possible qu'une organisation dont les candidats arriveraient dans l'ensemble du pays en second, avec une seule voix d'écart, n'ait aucun(e) élu(e) ! Un tel système discrimine tout particulièrement les petites organisations, car pour avoir des élus il faut réaliser entre 30 % et 40 % des suffrages exprimés (cela dépend du nombre total des candidats et donc de la dispersion des votes) et donc de jouir déjà d'une forte reconnaissance.

La stratégie de RESPECT s'est avérée efficace. RESPECT a remporté 3 sièges à Newham et 12 à Tower Hamlets. Dans les deux cités il a ainsi totalisé 86 000 votes, soit une moyenne locale de 23 %. Le meilleur résultat fut obtenu pour un des sièges de Tower Hamlets où le candidat de RESPECT fut élu avec 46 % des suffrages exprimés.

En dehors de Londres le seul siège remporté par RESPECT le fut à Birmingham Sparkbrook — une cité ouvrière pauvre où habitent d'importantes communautés pakistanaise et cashmiri. Il a été arraché par Salma Yaqoob — une remarquable jeune femme pakistanaise qui dirige aussi bien le mouvement antiguerre que RESPECT — elle y a obtenu 55 % des suffrages. Les résultats pour ce siège furent en nombre de voix : RESPECT 4 339, Parti travailliste 2 700, Libéraux Démocrates 990, Conservateurs 343, Verts 309, BNP (fasciste) 109.

Par ailleurs RESPECT a échoué de peu à remporter plusieurs autres sièges, à Bristol et à Sheffield par exemple. A Preston il ne manqua que 7 voix à son candidat pour qu'il y dispose de deux élus au conseil municipal (le siège tenu par RESPECT dans ce conseil n'était pas renouvelable cette fois-ci).

Le seul autre parti de gauche qui peut se prévaloir d'avoir progressé (et gagné des sièges) fut le Parti socialiste (ex-Tendance Militant du Parti travailliste, membre du Comité pour une Internationale ouvrière), qui a remporté un siège de plus, totalisant 5 conseillers municipaux.

Le fait que tous les nouveaux conseillers municipaux de RESPECT soient d'origine asiatique et musulmane a suscité des commentaires calomnieux, y compris à gauche, présentant RESPECT comme un parti musulman. RESPECT a rejeté ces commentaires qui relèvent du racisme, il est extrêmement fier de ses candidats et de ses conseillers municipaux d'origine asiatique. Il remarque par ailleurs, que si tous ces élus avaient été blancs et chrétiens d'origine, les remarques similaires auraient été impensables.

En réalité certains de ses candidats qui n'étaient pas d'origine asiatique ont eu des bons résultats, même si aucun n'a été élu. Ainsi John Rees, secrétaire national de RESPECT, a obtenu 974 voix à Tower Hamlets, c'est-à-dire à peine moins que le nombre de voix obtenues par les candidats asiatiques de RESPECT, et n'a été dépassé que par le candidat travailliste, les autres candidats pour ce siège arrivant loin derrière (le libéral démocrate avec 876 voix, le conservateur avec 264 et le vert avec 253). De même à Sheffield la candidate de RESPECT arrivée en seconde position était une femme non asiatique et à Bristol le candidat arrivant en second était un homme non asiatique. Ainsi, bien que RESPECT avait choisi d'être présent dans les cités ouvrières pauvres où la population d'origine asiatique est nombreuse, ce qui pouvait avantager les candidats d'origine immigrée, le résultat final tient aussi un peu au hasard et à la personnalité des candidats et de leurs adversaires.

Il serait part ailleurs erroné de penser que toutes les voix pour les candidats asiatiques provenaient d'électeurs asiatiques, ni même que ce fut principalement le cas. La réalité est plus complexe. Cela fut clair lorsque les nouveaux élus ont assisté à la réunion du Conseil national de RESPECT. Ainsi l'une d'entre eux, par exemple, qui est infirmière, pouvait montrer comment la défense du service de santé avait été la pièce maîtresse de sa campagne et comment de ce fait elle avait construit le soutien à sa candidature dans toutes les communautés.

En fait la plate-forme de RESPECT dans ces élections était une plate-forme socialiste et antinéolibérale pas très différente de celles des autres organisations de la gauche radicale qui se sont présentées, y compris de celle avancée par le Parti socialiste. Nous avions mené campagne contre la guerre et contre l'occupation, contre les privatisations et le libéralisme, contre le racisme et en défense des demandeurs d'asile, pour la renationalisation des chemins de fer et des services publics, etc.

Il serait bon aussi d'avoir à l'esprit que la plupart des électeurs asiatiques qui ont cette fois-ci choisi RESPECT avaient jusque-là voté pour les travaillistes. Et qu'il n'est pas surprenant que des musulmans fassent naturellement partie de l'électorat de RESPECT, car nous sommes issus du mouvement contre la guerre et que nous sommes vus comme le plus conséquent et le plus efficace des partis qui y sont opposés.

Néanmoins le succès électoral remporté par RESPECT dans les communautés asiatiques constitue également un défi. Non parce qu'il aurait trop d'électeurs asiatiques — RESPECT voudrait gagner le soutien de nombreux autres — mais parce qu'il doit renforcer son intervention parmi les communautés où il a moins bien réussi. Cela concerne aussi les communautés afro-caribéenne et africaine, les syndicats et les secteurs de la classe ouvrière blanche. Des mesures sont prises pour le tenter.

En même temps RESPECT doit élargir son implantation géographique. Il y aura bientôt une opportunité pour cela, car en Grande-Bretagne une part des conseils municipaux sont renouvelés chaque année par roulement. Au cours des prochaines années Londres ne sera pas concerné par ces élections locales et RESPECT essayera de renforcer sa présence ailleurs dans le pays.

En disposant d'un groupe de conseillers beaucoup plus grand et en étant devenu " l'opposition officielle » dans le conseil de Tower Hamlets (1), RESPECT devra également renforcer ses structures et ses procédures de décision s'il veut pouvoir mener son travail de manière efficace. Là aussi il y a des signes positifs.

Ces résultats constituent donc un grand pas en avant pour RESPECT. Il ont ouvert une nouvelle étape dans sa construction. Ses nouveau conseillers élargissent sa visibilité sur le terrain politique, rendant plus difficile aux médias de le réduire au " parti de George Galloway ». Le futur de RESPECT dépendra de comment il sera capable de prendre appui sur cette base.

1. Dans ce conseil les travaillistes disposent de 26 sièges, RESPECT de 12, les conservateurs de 7 et les libéraux démocrates de 6. Selon les usages britanniques c'est au plus grand des groupes qui sont opposés à la gestion majoritaire que revient la charge de " l'opposition officielle ».