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Victoire électorale étroite de la droite

par Anders Svensson
Photothèque Rouge/JMB

Pour la première fois en trente ans la Suède aura un gouvernement de droite majoritaire, même si la victoire des conservateurs lors des élections législatives du 17 septembre 2006, qui n'ont dépassé les partis de gauche que de 2 %, fut étroite. L'alliance conservatrice disposera ainsi de 178 sièges, contre 171 pour la coalition de gauche.

 

Bien qu'il obtienne son plus mauvais résultat électoral depuis 1928, c'est le Parti social-démocrate (Socialdemokratiska arbetarpartiet, SAP) qui reste le premier parti avec 130 élus. Les sociaux-démocrates perdent 14 sièges alors que le Parti conservateur (Moderaterna) en gagne 42 et avec 97 sièges réalise son meilleur résultat depuis 1928. Une amélioration de 2 sièges pour les Verts et une perte de 8 sièges pour le Parti de gauche (une mutation du PC suédois) confirment l'échec de la gauche gouvernementale.

 

Les sociaux-démocrates ont gouverné au cours des dernières 12 années, en privatisant et en réduisant les dépenses publiques, bref, adoptant l'orientation néolibérale, même s'ils l'ont fait prudemment et lentement. Au cours de ces années le taux de chômage s'est accru jusqu'à être un des plus élevés en Europe et le plus élevé parmi les pays nordiques. Au cours de toute la campagne électorale les sociaux-démocrates se sont réfugiés dans le déni, prétendant que tout allait pour le mieux. Ils ont ainsi permis à l'alliance autour des conservateurs de se présenter comme une alternative… capable de créer plus d'emplois ! La privatisation des biens publics, y compris les hôpitaux, par le gouvernement social-démocrate intégrant des Verts et le Parti de gauche a aussi ouvert la voie aux conservateurs, légitimant leur orientation néolibérale plus radicale encore.

 

Des failles ont aussi fait leur apparition au sein de la social-démocratie. Ainsi à Göteborg, la seconde ville du pays, la social-démocratie locale autour du populaire leader Göran Johansson a réalisé aux élections locales un résultat de 7 % supérieur à celui des élections nationales, préservant de cette manière le contrôle de la mairie. Mais le parti local a critiqué depuis plusieurs années la politique du gouvernement et dans sa campagne électorale a refusé l'orientation du " tout va pour le mieux ", indiquant une autre politique pour créer plus d'emplois et exigeant plus de droits pour les immigrés et les réfugiés.

 

Le recul du Parti de gauche n'est que le résultat naturel de son incapacité à créer une alternative de gauche à la social-démocratie. L'Initiative féministe — un parti féministe dirigé par l'ancienne dirigeante du Parti de gauche, Gudrun Schyman — n'obtient que 1 % des voix aux élections nationales et n'attire pas l'électorat qui s'est détourné du Parti de gauche. Ce dernier a soutenu sans cesse le gouvernement social-démocrate, même lorsque ce dernier privatisait, délaissant les intérêts des travailleurs. Cette attitude a contribué à repousser des secteurs de la classe ouvrière dans les bras de l'extrême droite raciste.

 

Car le succès du parti raciste d'extrême droite des Démocrates suédois dans les élections locales constitue un autre signe inquiétant de ces élections. Ces derniers ont eu beau jeu de rendre les immigrés responsables du chômage, d'autant plus que la social-démocratie avait choisi de ne rien dire. L'extrême droite n'est pas parvenue cette fois-ci à entrer dans le parlement, mais si la gauche et l'extrême gauche très éclatée n'apprennent pas à lui faire front, les racistes pourront sans doute y réussir la fois prochaine. Ils ont déjà gagné de nombreux sièges aux élections locales et leurs résultats dans le sud de la Suède, près de la frontière danoise, sont particulièrement inquiétants (ils y obtiennent 10 % aux élections nationales, contre 3 % en moyenne nationale ; et dans certaines élections locales ils dépassent les 20 %).

 

Contrairement à l'extrême droite, l'extrême gauche, qui ne se présentait qu'aux élections locales, n'obtient pas de bons résultats. Les deux petits groupes staliniens perdent six sièges dans les élections locales, alors que les deux organisations trotskistes en gagnent ensemble autant. C'est la section suédoise du Comité pour une Internationale ouvrière, Rõttvisepartiet Socialisterna, qui obtient le plus de conseillers municipaux (8 dont 3 nouveaux). Le Socialistiska Partiet, section suédoise de la IVe Internationale, en obtient 4 (dont 3 nouveaux) dans 4 villes différentes. En comparaison des plus de 200 sièges de conseillers municipaux remportés par l'extrême droite, il s'agit là de résultats insignifiants.

 

La victoire de la droite bourgeoise annonce de nouvelles attaques brutales contre les acquis de la classe ouvrière, déjà en voie de démantèlement par les gouvernements sociaux-démocrates précédents. Il y aura sans doute des coupes plus draconiennes dans les budgets publics, en particulier dans les allocations de chômage. La plupart des hôpitaux qui en sont bénéficiaires seront sans doute privatisés, comme les autres entreprises de l'État. Les lois protégeant les travailleurs contre les licenciements vont être remises en cause, en particulier en ce qui concerne les jeunes. L'alliance conservatrice a déjà annoncé qu'elle va présenter des lois visant à éloigner les femmes du marché du travail et des lois limitant les droits des réfugiés. Le gouvernement conservateur va également réduire l'impôt foncier, ce qui bénéficiera surtout aux riches. La fiscalité des entreprises, déjà une des plus basses en Europe, doit être encore réduite, de même que l'impôt sur les grandes fortunes.

 

Les projets de la droite victorieuse trouveront-ils un front des travailleurs capable de les bloquer ?

 

 

Résultats des élections législatives du 17 septembre 2006

 

 

Alliance conservatrice (Alliansen) 178 sièges

 

Parti conservateur (Moderata Samlingspartiet) 26,2% 97 sièges

 

Parti libéral (Folkpartiet liberalerna) 7,5% 28 sièges

 

Démocrates chrétiens (Kristdemokraterna) 6,6% 24 sièges

 

Parti du centre (Centerpartiet) 7,9% 29 sièges

 

 

Bloc de gauche 171 sièges

 

Parti Vert (Miljöpartiet) 5,2% 19 sièges

 

Parti ouvrier social-démocrate (Socialdemokratiska Arbetarpartiet) 35,0% 130 sièges

 

Parti de gauche (Võnsterpartiet) 5,8% 22 sièges

 

 

Démocrates suédois (Sverigedemokraterna, extrême droite) 2,9%

 

Initiative féministe (Feministiskt Initiativ) 0,7%

 

Parti pirate (Piratpartiet, parti des groupes anti-copyright) 0,6%

 

Liste de juin (Junilistan, avait obtenu 14 % aux européennes de 2004) 0,5%

 

 

Synthèse sur la Suède

 

 

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