Revue et site sous la responsabilité du Bureau exécutif de la IVe Internationale.

Suède : La voix du peuple : « Les gens s’engagent dans des causes qui leur tiennent vraiment à cœur »

par Mesir Taki
Représentants de Folkets Röst (La voix du peuple) : à gauche Mesir Taki, au centre Fayyad Assali et à droite Dina Shnino

Les turbulences au sein de la gauche donnent naissance à diverses nouvelles initiatives. Internationalen s'est entretenu avec Mesir Taki, membre du nouveau mouvement La voix du peuple (Folkets Röst) , qui mène une campagne de collecte de signatures pour promouvoir des revendications de gauche en vue des prochaines élections.

Quel type d'organisation est la Voix du peuple et où est-ce qu'elle est implantée ?

— La Voix du peuple est un mouvement qui s'unit autour d'une liste de revendications antiracistes, décoloniales et anticapitalistes élaborées en commun et qui cible la politique des partis. Cela signifie que tant les individus que les organisations peuvent faire partie de la Voix du peuple en adhérant à ces revendications. L'analyse fondamentale est que les personnes racisées n'ont pas eu le droit, ou ne sont pas autorisées, à s'approprier leur propre discours dans la politique suédoise. Au lieu de cela, on attend de nous que nous soyons des destinataires reconnaissants d'un discours politique qui, dans le meilleur des cas, nous subordonne et, dans le pire des cas, remet en question notre droit d'exister. À travers Folkets Röst, nous voulons permettre aux personnes victimes de discrimination raciale, aux musulmans et aux personnes les plus vulnérables de la société de faire entendre leur voix dans le débat politique. Nous sommes actuellement présents à Malmö, Göteborg, Norrköping, Linköping, Stockholm et Umeå.

Êtes-vous d'accord pour dire que la tâche la plus importante du mouvement ouvrier, des mouvements sociaux et de l'ensemble de la gauche est de contribuer à ce que leur principal adversaire, les bleus-bruns, soit relégué aux oubliettes lors des élections de 2026 ?  — Il y a un mécanisme de chantage dans cette analyse, car elle repose sur le fait que nous devons nous contenter d'un fascisme plus maquillé et moins intense, mais qui, à long terme, fait plus de dégâts. Le système bipartite en Suède ressemble de plus en plus au système bipartite américain, où le peuple est invité à voter pour des options qui servent fondamentalement les intérêts de l'élite, mais de différentes manières. Lorsque les partis représentés au Parlement cherchent à tout prix à obtenir le pouvoir et n'ont pas de lignes rouges, il n'y a plus de protection politique pour les personnes défavorisées de la société. Les bleu-bruns sont le produit de la défaillance intentionnelle des rouge-verts à représenter le peuple. Auparavant, les rouge-verts dirigeaient le pays avec le budget de la droite, cette fois-ci, ils se présentent aux élections avec une variante de la politique bleu-brune. Il se peut que vous remportiez les élections, mais vous perdrez la société.

Aujourd'hui, Folkets Röst mène la campagne « Nos voix ne sont pas gratuites ». Que voulez-vous dire par là ? — Nous voulons dire que nous ne nous contentons plus de voter « stratégiquement » ou de choisir « le moins mauvais », surtout lorsque nous constatons l'effondrement idéologique complet des rouges-verts. Un effondrement qui menace tous les groupes vulnérables de la société, mais qui touche particulièrement les personnes racisées, qui continuent d'être déshumanisées. Pour les personnes racisées, ce n'est pas seulement une question de classe, mais une question d'existence, car l'histoire montre clairement où mène finalement cette montée du racisme.

Le temps passe vite et vous voulez rassembler 300 000 signatures pour établir une liste de revendications qui conditionnera votre vote aux élections de 2026. Vous avez déclaré que c'est vous « qui déciderez des élections de 2026 » et que vous « imposerez donc un changement structurel ». Quelles ont été les réactions à vos revendications ? Est-ce un objectif réaliste de rassembler autant de signatures ? Que ferez-vous si votre objectif n'est pas atteint ? — Le plus intéressant dans cette collecte de signatures, c'est le tollé qu'elle a suscité tant chez les représentants de la droite que chez ceux de la gauche. Jonas Sjöstedt et le journal Flamman ont par exemple inventé un mensonge selon lequel nous inciterions les gens à ne pas voter. Je pense que cela en dit long lorsqu'une nouvelle organisation politique qui ose être critique est attaquée sur des bases fallacieuses. Nous sommes sur la bonne voie. Nous n'influençons pas la politique uniquement par le biais d'une collecte de signatures, nous travaillons sur plusieurs fronts. À l'approche des élections législatives, nous espérons voir émerger une alternative radicale de gauche qui rassemble plusieurs partis et mouvements engagés dans la lutte contre le racisme, le colonialisme et le capitalisme.

Si nous comprenons bien, la lutte contre le racisme est l'une de vos principales revendications et vous souhaitez influencer la politique des partis dans une direction antiraciste. Comment inciter un plus grand nombre de personnes « racisées » à s'engager dans la lutte contre la progression du racisme ?

— C'est une question qui est souvent posée au sein des partis rouge-vert, où le raisonnement repose sur une idée aux connotations racistes selon laquelle les personnes racisées n'ont pas les connaissances ou la compréhension nécessaires pour savoir pourquoi elles devraient s'engager. La réponse est simple : les gens s'engagent dans des causes qui ont réellement du sens pour eux, où ils peuvent prendre le contrôle de leur propre discours. Cela a été pratiquement inexistant au sein des partis représentés au Parlement. Le mouvement palestinien est un exemple clair qui montre le contraire.

Le régime sioniste israélien est désigné comme responsable de génocide et est de plus en plus isolé en raison de la solidarité avec le mouvement palestinien dans le monde entier. Comment renforcer encore davantage le mouvement pour la Palestine ? — Le mouvement aurait pu être encore plus fort si ceux qui prétendent nous représenter au Parlement n'avaient pas agi comme le bras armé de la droite. Le Parti de gauche, les sociaux-démocrates et les Verts ont ouvert la voie à la diabolisation et y ont eux-mêmes contribué. Pourquoi ? Pour servir leurs propres intérêts. Le mouvement pro-palestinien se trouve renforcé par une approche antisioniste et le courage de qui parle en son nom.

Propos recueillis par Alex Fuentes.

Publié par internationalen le 2 octobre 2025, traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l'aide de DeepLpro