
Avant même sa tenue, le « congrès des élu·es » de la Martinique se voyait attribuer ces qualificatifs contradictoires.
L’ironie de l’histoire, c’est qu’il s’est ouvert sur un incident saugrenu. La grande assemblée vote à l’unanimité un ordre du jour excluant les « représentants des maires absents », puis vote tout juste après, avec la même unanimité leur intégration ! Plus insolite encore, le congrès s’est achevé au bout d’une journée au lieu des deux prévues, signe d’une unanimité que certain·es verront comme preuve de son caractère historique, d’autres de son inutilité tout aussi historique.
Notre avis est qu’il ne mérite sans doute ni « cet excès d’honneur, ni cette indignité ». Il sera aussi et surtout, ce que les forces agissantes du mouvement d’émancipation seront disposées à en faire, et son sot dépendra de l’énergie qu’elles mettront pour peser sur la suite des évènements. Ces forces ne décident pas des conditions de la lutte, celles-ci découlant du rapport des forces entre les classes, et de leurs expressions politiques. L’action, elle, dépend de nos choix et de notre détermination.
Bien entendu, le peu d’enthousiasme et le scepticisme dans les masses vis-à-vis de cet exercice de la représentation politique officielle de la population est un élément important de la situation. Nous ne commettrons pas l’erreur de nous aligner sur l’indifférence d’un certain nombre.
Nous inviterons au contraire les masses à mettre leur nez dans ce qui les regarde, à questionner, interpeller, débattre et agir en fonction de leurs propres intérêts, en toute autonomie, dirons-nous sans jeu de mots. Il faudra lire la résolution votée dans la belle unanimité, s’intéresser « aux groupes de travail » prévus pour entrer dans les détails où, comme on dit, se cache le diable. Il faudra investir les « débats citoyens » programmés. Il ne faudra pourtant surtout pas se limiter à cela. Le peuple est certes « consulté » par les élu-e-s, mais n’a pas été associé dans des structures et des procédures le mettant sur un pied d’égalité. Disons la vérité. Les organisations populaires ont une grande part de responsabilité dans le rôle subalterne attribué aux masses, car elles n’ont pas suivi, ni sur le plan syndical, ni sur le plan politique, les propositions d’un congrès ouvrier et populaire s’imposant, surtout depuis le grand mouvement inachevé de février 2009.
La période qui s’ouvre, avec les consultations un peu pompeusement baptisées « congrès du peuple », avec les menaces qui pèsent sur notre existence en tant que peuple, avec la crise politique en France, avec les périlleuses poussées de l’extrême droite fascisante ici et là, avec les bruits de bottes qui se font entendre sur fond de génocide en Palestine, de tueries sans fin en Ukraine et ailleurs, avec l’arrivée à grands pas du moment (dix ans, disent les scientifiques !) où la dégradation du climat à l’échelle planétaire deviendra irréversible, est une période où le débat et l’action commune ne sont plus un luxe ou une coquetterie, mais une urgence vitale, à notre échelle, comme à celle du monde.
On a compris que nous ne nous tairons pas.
Paru dans Révolution socialiste n°417 du 20 octobre 2025