Budget : Le " Non » de Franco Turigliatto

par Franco Turigliatto
Franco Turigliatto. Photothèque Rouge/JMB

<p class="biographie"><b>Franco Turigliatto</b> est sénateur de la Gauche critique. Nous reproduisons ici le sténogramme de son intervention au Sénat au cours du débat sur la loi des finances.</p>

Monsieur le Président,

Le débat à la Chambre sur la loi de finances et son retour devant le Sénat n'ont pas changé mon avis sur cette manœuvre économique. Je synthétiserai ma position ainsi : en premier lieu, je suis en profond désaccord avec le fait que, depuis 2007, les entreprises, les banques et les assurances se sont vu octroyer le plus grand cadeau fiscal de l'histoire : 7 milliards en un an. En 2008 cette politique de détaxation à été confirmée et de plus on a ajouté l'abattement relatif à l'IRES et l'IRAP (1). Mais en lisant la loi financière, il me semble qu'il y a beaucoup d'autres dégrèvements, facilités et faveurs prévus pour les entreprises et ce à hauteur de centaines de millions d'euros. Par contre je ne vois aucune mesure de taxation des revenus financiers et encore moins une quelconque intervention significative en faveur des salaires, réduits désormais à une peau de chagrin.

Ces dernières sont continuellement repoussées. Au cours du débat de la première session, l'on m'a dit, en repoussant mes amendements, que la loi avait pour objectif d'apporter à la jeunesse un peu de sécurité grâce au salaire social et à faire bénéficier les travailleurs d'une compensation de la progression de l'impôt à froid (2) : " Nous verrons, s'il y a un résidu budgétaire nous interviendrons peut-être ». Ainsi nous sommes bien loin du dédommagement social promis. Et justement au cours de ces derniers jours, nombre de travailleurs et de travailleuses m'ont dit avoir reçu des salaires et des treizièmes mois plus faibles que précédemment.

Qu'en est-il des difficultés de survie des familles ? Qu'en est-il de la misère à la fin de chaque mois ? On parle à juste titre de l'augmentation des prix, parce que c'est très grave, qui pèse sur la quatrième semaine, et même sur la troisième, mais il était temps d'intervenir, et non de promettre quelque chose pour demain. Il est curieux que les organisations syndicales demandent la restitution de la progression fiscale à froid pour janvier, comme par hasard, alors que la manœuvre financière est terminée. Et beaucoup prennent déjà des précautions, à commencer par le ministre de l'économie lui-même, qui se dépêche de déclarer à propos du prochain excédent budgétaire — s'il y en a un — qu'il faut d'abord assainir le déficit. La Cour des comptes exige l'emploi de l'excédent budgétaire précédent pour l'assainissement des comptes seulement, alors que la Banque européenne, par la bouche de Trichet, justement aujourd'hui, dit que si l'inflation augmente il faudra faire attention à ce que les salaires n'augmentent pas. C'est un autre discours que celui concernant la misère de la fin du mois. Toutes ces déclarations semblent vraiment coordonnées, juste au moment où 7 millions de travailleurs et travailleuses sont encore en train de lutter, se mobilisant pour renouveler leur contrat de travail.

Cette réponse du gouvernement à propos des salaires des travailleurs et travailleuses n'est- elle pas déjà une réponse aux requêtes de vérification en janvier avancées par les forces de la gauche arc-en-ciel ?

Troisième élément de désaccord, qui est peut-être celui qui me passionne entre tous et me rend très préoccupé. Comme l'a soutenu et témoigné Alex Zanotelli (3), dans le silence général non seulement des journaux et des médias mais aussi des secteurs pacifistes, on est en train de programmer d'énormes dépenses militaires et des achats d'armement, alors que l'on refuse de l'argent pour l'école et les services sociaux, sous prétexte du manque des ressources. Il s'agit de 23,5 milliards d'euros pour les dépenses militaires. En particulier pour l'acquisition des Eurofighter on planifie 318 millions d'euros cette année, 468 millions l'année prochaine, 918 millions l'année suivante et ainsi de suite. Pendant que nous dépensons tout cet argent pour les armes, avec de nombreux sénateurs nous avons eu le plus grand mal à faire attribuer 30 millions aux victimes de l'amiante. C'est une situation absolument incroyable.

Pour toute ces raisons, également liées à ce que je dirai plus tard sur le protocole du bien-être, mon avis et mon vote sont négatifs. ■

notes
1. IRES, acronyme de l'Impôt sur le revenu des sociétés, est un impôt proportionnel sur les bénéfices. Son taux était de 33%. A partir du 1er janvier 2008 ce taux a été abaissé à 27,5% (Art. 1, alinéa 33 de la Loi n° 244 du 24 décembre 2007). IRAP, acronyme de l'Impôt régional sur les activités productives, a été instituée avec le décret législatif du 15 décembre 1997 n.446. C'est un impôt de compétence régionale qui, dans son application commune, frappe la valeur de la production nette des entreprises. Son taux de base de 4,25 % pouvait être augmenté de 1 % par les autorités régionales. La loi de finances de 2007 (gouvernement Prodi) a introduit une déduction pouvant atteindre 5 000 euros pour les entreprises employant des salariés sous contrat à durée indéterminée. La loi des finances de 2008 a abaissé le taux de base à 3,9 %.

2. La notion de progression à froid désigne une conséquence de la progressivité de l'impôt dans une situation d'inflation. Lorsque le coût de la vie augmente, les salaires sont généralement indexés à cette augmentation. Or, si l'impôt est progressif (donc si le taux de l'impôt augmente avec le revenu), un salaire indexé sera taxé selon un taux plus élevé (comme un salaire plus élevé), alors que sa valeur réelle n'augmente pas. Autrement dit, le pouvoir d'achat diminue.

3. Alessandro (dit Alex) Zanotelli, religieux, membre de l'ordre missionnaire des Comboniani de Vérone, est l'inspirateur et le fondateur des mouvements pacifistes italiens et des mouvements en faveur d'une société solidaire assurant la véritable citoyenneté aux plus démunis.