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Le moment Mamdani : nouveaux espoirs et nouveaux dangers pour la gauche new-yorkaise

par BC Hamilton
Zohran Mamdani lors d'une réunion de DSA à New York. © Bingjiefu He / CC BY-SA 4.0

BC Hamilton analyse les dynamiques et limites de la candidature de Zohran Mamdani à la mairie de New York et son projet plus large de réforme du Parti démocrate. Il met l’accent sur les luttes réelles et les mouvements sociaux qui ont permis à un candidat comme Mamdani d’occuper le devant de la scène à ce moment particulier de l’histoire de New York.

Sans aucun doute, la victoire de Zohran Mamdani aux primaires du Parti démocrate a représenté un référendum concernant les luttes clés de notre époque, luttes sociales et de classe – un référendum sur le néolibéralisme tardif, sur un monde en flammes et le moment Trump tel que le vit la classe ouvrière multiraciale de New York. Ce fut un vote basé sur l’expérience de la crise sociale vécue pour les travailleur·ses de la ville : l’accès au logement, à une alimentation abordable et aux soins de santé, aux transports publics et à l’éducation publique. Mamdani était opposé aux milliardaires 1 et à la classe dirigeante new-yorkaise qui a profité de la guerre des classes menée à New York depuis 50 ans et qui a massivement soutenu ses adversaires passés et futurs, notamment l’actuel maire, Eric Adams, et l’ancien gouverneur, Andrew Cuomo 2.

Plus important encore, on ne peut pas comprendre l’énergie générationnelle de la campagne de Mamdani sans le vaste mouvement de soutien à la Palestine. Le soutien à Mamdani est en grande partie une réaction à une campagne virulente de manipulation psychologique cherchant des boucs émissaires parmi les migrant·es, les New-Yorkais·es transgenres et queer, et visant surtout toute personne (qu’elle soit arabe, musulmane, juive, etc.) qui s’est opposée au génocide à Gaza et à la dissimulation sioniste des meurtres de masse. Cela revêt un caractère particulièrement pernicieux à New York, l’un des berceaux de cette politique réactionnaire, financée à grands frais et à laquelle participent tant le Parti démocrate que le Parti républicain.

C’est dans ce contexte que les socialistes doivent analyser les limites, les contradictions et les défis stratégiques de la campagne électorale de Mamdani et de son probable mandat de maire. Le soutien apporté à sa campagne par une large partie de la gauche new-yorkaise est indissociable des luttes sociales, économiques et politiques substantielles qui se déroulent à l’intérieur (et au-delà) de la ville de New York et de l’enthousiasme qu’elles suscitent. Il va sans dire que la gauche révolutionnaire doit soutenir activement ces luttes.

Notre responsabilité immédiate est de continuer à construire un mouvement organisé capable de s’attaquer aux forces du capital et aux réactionnaires à New York. Cela nécessite une évaluation sérieuse de la stratégie et une connaissance des précédents historiques. Les objectifs politiques de Mamdani – dont la plupart méritent que nous nous battions sans condition – seront difficiles à atteindre. Sa stratégie de réforme du Parti démocrate est au mieux erronée, et au pire un projet confus qui sapera l’énergie et l’enthousiasme du soutien à sa campagne. Néanmoins, l’espace politique créé par la campagne de Mamdani représente une opportunité pour la construction d’une coalition et d’un mouvement qui peuvent – et doivent – viser au-delà des limites d’une seule élection ou d’un seul candidat, pour chercher à atteindre l’objectif plus large et plus profond d’un changement social systémique – une coalition prête à lutter pour les réformes nécessaires.

Le contexte d’une victoire écrasante

La série d’événements qui a conduit à la victoire de celui qui se décrit comme un socialiste démocratique commence par une crise liée à la personne que Mamdani espère remplacer : le républicain devenu démocrate puis courtisan de Trump, le maire de New York Eric Adams. La victoire d’Adams il y a quatre ans a été causée par la réaction sociale de la droite à la suite de la pandémie de Covid-19 : une campagne de désinformation incessante, dans le New York Post et dans les journaux télévisés du soir, s’est appuyée sur des affabulateurs tels que l’ancien commissaire de police de New York Dermot Shea 3 pour répandre un récit mensonger faisant état de chaos et de désordre. Les New-Yorkais ont été bombardés quotidiennement d’affirmations selon lesquelles les rues de la ville étaient à feu et à sang.

Cette opération bien organisée a eu l’effet recherché : Adams, un ancien policier, a remporté la victoire avec seulement 7 200 voix d’avance (en comparaison, Mamdani a obtenu une avance massive de près de 117 000 voix sur Cuomo, tout en recueillant environ 140 000 voix de plus qu’Adams lors des primaires de 2021, grâce en grande partie à sa capacité à élargir l’électorat des primaires) 4. Adams a construit une coalition composée de vieux propriétaires conservateurs et de certaines franges de la classe ouvrière noire organisée – notamment dans le sud du Queens, à Brooklyn et au sein de la police et du service pénitentiaire de New York, où il disposait d’une base solide. Une fois en fonction, les politiques réactionnaires et autoritaires d’Adams ont séduit l’élite de la ville. Les New-Yorkais·es de la classe ouvrière ont alors très souvent été les victimes des politiques d’Adams. Celles-ci consistaient à lâcher la police sur les sans-abri et les jeunes « Black and Brown », tout en cherchant à transformer en boucs émissaires  une grande partie de la population immigrée de la ville. Son actuelle commissaire de police, Jessica Tisch, une héritière milliardaire 5, est fervente défenseuse de cette violence policière et de ces meurtres 6. Les habitants ont vu Adams superviser la hausse continue des loyers, les attaques contre des institutions fondamentales comme les bibliothèques et le système scolaire, ainsi que l’aggravation de la crise générale du logement bon marché. Cela allait alimenter la future campagne de Mamdani.

Si l’establishment du Parti démocrate pouvait tolérer les politiques d’Adams, il a toutefois jugé qu’un pas de trop avait été franchi lorsqu’il a été inculpé en septembre 2024 pour corruption par le procureur fédéral 7, en partie en raison de ses liens de longue date avec le président autoritaire turc Recep Tayyip Erdoğan 8. Lorsque Adams est ensuite revenu à ses racines républicaines en se rapprochant de Trump pour obtenir le rejet des accusations portées contre lui, il est véritablement devenu un paria auprès des dirigeants du Parti démocrate et de ses bailleurs de fonds.

Le consensus post-mortem établi par les dirigeant·es du parti à la suite de leur échec cuisant à l’élection présidentielle de l’année dernière, a également eu un effet au niveau local. Des personnalités telles que le sénateur Chuck Schumer 9 et le représentant Hakeem Jeffries, tous deux originaires de New York et à la tête de leurs minorités respectives au Congrès, ont fait écho au discours 10 amplifié par la grande presse, selon lequel les démocrates ont perdu parce qu’ils ont embrassé des « thématiques woke » 11 trop à gauche pour l’électorat, à savoir le droit à disposer de son corps, la réforme de la police, l’immigration et le génocide israélien à Gaza 12.

Lorsque cette analyse a conduit la direction du parti à « faire le mort » 13 face au régime de terreur de Trump, une grande tension s’est développée avec une large partie de la base électorale du Parti démocrate. Pour de nombreux électeur·rices, ce que la direction du parti prônait et décidait était intolérable.

Mamdani et le Parti démocrate

Le 1er juillet, après le dépouillement de tous les votes, effectués par le système électoral à vote préférentiel 14, Mamdani est arrivé en tête, devançant Cuomo de 12 %. Alors que Cuomo réfléchit actuellement à se présenter aux élections générales sur une liste financée de manière indépendante 15, le résultat des primaires renforce la position de favori de Mamdani pour l’élection de novembre, dans une ville où les démocrates détiennent une avance écrasante en termes d’inscriptions sur les listes électorales.

Bien que Mamdani ait été présenté par la droite comme un communiste fanatique 16, il n’a pas parlé de révolution dans son discours électoral prononcé le soir des primaires. Il a clairement indiqué que ses objectifs étaient beaucoup plus modestes, présentant sa campagne comme s’inscrivant dans l’effort des « progressistes » pour remodeler le Parti démocrate à leur image. Il a déclaré à la foule rassemblée que sa victoire représentait « un modèle pour le Parti démocrate » – populiste sur le plan économique, intransigeant sur les positions populaires parmi sa base, comme l’opposition au génocide israélien à Gaza – et un rejet de l’immobilisme de l’establishment.

La réaction immédiate de la direction du Parti démocrate à New York a été révélatrice : l’absence de soutien à Mamdani, ou le soutien à Cuomo, sont monnaie courante. C’est la sénatrice novice de New York, Kirsten Gillibrand, qui a le plus attiré l’attention en débitant des arguments sionistes et en tentant de présenter Mamdani comme un apologiste du Hamas dans une émission de radio très écoutée 17. Cela a été repris par d’autres démocrates de premier plan, dont le chef de la minorité à la Chambre, Hakeem Jeffries 18. Le fait que Gillibrand ait ressenti le besoin de s’excuser pour avoir « mal parlé » en dit long sur la situation actuelle. Par leurs paroles et leurs actes, les dirigeant·es démocrates au niveau local et national ont clairement montré qu’ils n’avaient, au mieux, que peu d’intérêt pour Mamdani. Et en cela, comme cela a trop souvent été le cas ces dernières années, la direction du Parti démocrate prépare le terrain politique pour des politiques réactionnaires encore plus dangereuses. Ainsi, Trump a accueilli l’élection de Mamdani en proclamant : « Je ne laisserai pas ce communiste fou détruire New York. […] Je tiens toutes les ficelles et j’ai toutes les cartes en main. Je sauverai New York » 19.

C’est dans le contexte de cette division entre la direction du Parti démocrate et une grande partie de son électorat historique que se sont déroulées les primaires démocrates pour la mairie. Adams étant devenu un représentant de Trump, la direction démocrate s’est mise en quête d’un candidat qui se conformerait à sa doctrine du statu quo. C’est là qu’Andrew Cuomo entre en scène. Malgré sa réputation de « tueur de vieux » 20, l’ancien gouverneur en disgrâce incarnait une candidature défendant des positions politiques pratiquement identiques à celles d’Adams, en particulier en matière de criminalité, tout en garantissant la présence sur les bulletins de vote d’une personne connue dans les sphères politiques démocrates de New York. C’est ce qui a finalement constitué l’essentiel de la stratégie de campagne de Cuomo, ce qui ne semblait pas déranger les nombreux responsables du Parti démocrate, milliardaires et partisans de Trump qui se sont ralliés à lui, le considérant comme une option sûre, sensée et non socialiste, malgré ses défauts 21.

Ces mêmes élites avaient laissé passer une série d’autres petits candidat·es démocrates qui, bien qu’occupant ou ayant occupé des fonctions municipales, n’avaient pas fait grand-chose pour se distinguer, si ce n’est par leur différence avec Andrew Cuomo. Mamdani était l’exception : en tant que socialiste démocrate convaincu, il a mené une campagne militante en contradiction directe avec le sionisme complaisant envers le génocide, et le néolibéralisme éculé représenté par Cuomo.

En réalité, les propositions politiques de Mamdani s’inscrivent dans le cadre d’un programme progressiste conventionnel. Si certaines améliorations par rapport au statu quo sont bienvenues – notamment, et c’est peut-être le plus important, l’assurance que la commission des loyers n’augmente pas les loyers d’environ un million de logements à loyer stabilisé 22 –, ses autres propositions sont très modestes (des épiceries publiques, c’est une bonne idée, mais cela ne suffira pas à résoudre l’insécurité alimentaire à New York) et nécessitent souvent l’accord d’autres branches du gouvernement hostiles à toute politique socialiste, même modérée (les nouvelles taxes et la gratuité des bus doivent être approuvées par l’État de New York) et elles ne vont vraiment pas assez loin (20 000 logements relativement abordables financés par des fonds publics par an, cela semble beaucoup jusqu’à ce que l’on se souvienne que 60 000 New-Yorkais vivent dans des refuges chaque nuit) 23.

Le message sans concession de Mamdani lui a valu peu d’allié·es parmi les dirigeants du Parti démocrate, mais il a eu un effet galvanisant sur l’électorat. Bien qu’il ait d’abord été ignoré, puis plus tard ridiculisé 24, Mamdani disposait de ce qu’aucune autre campagne ne pouvait offrir : une opération de collecte de fonds massive avec des centaines de donateur·trices individuel·les 25, une armée de bénévoles capable de s’étendre bien au-delà de ses bases électorales et, surtout, un message qui s’adressait directement à des dizaines de milliers d’électeur·rices de la classe ouvrière dégoûtés et lassés de la façon dont les démocrates agissent, en particulier sous les assauts quotidiens du régime Trump.

Les électeur·rices démocrates des élections primaires de 2025 votent à la Community Health Academy of the Heights. © SWinxy / CC BY 4.0.
Les électeur·rices démocrates des élections primaires de 2025 votent à la Community Health Academy of the Heights. © SWinxy / CC BY 4.0.

Un socialiste démocratique à la tête de New York ?

Au lendemain des primaires, Mamdani et le parti qu’il s’est engagé à réformer ne semblent pas sur la voie de la réconciliation 26. Pendant ce temps, l’inévitable offensive islamophobe 27 et anticommuniste 28 de la droite a commencé à s’intensifier. Alors que la campagne entre dans la phase des élections générales, le plus grand défi de Mamdani n’est pas la campagne indépendante de l’actuel maire Adams, ni la candidature du républicain Curtis Sliwa, agitateur et aspirant chemise brune 29, qui est éternellement vouée à l’échec. C’est la guerre à laquelle il doit faire face, en tant que futur maire de la plus grande ville des États-Unis, face à la direction de son propre parti, convaincue de laisser la droite faire le sale boulot en le discréditant sans relâche.

Le saut que Mamdani s’apprête à franchir est sans précédent dans la politique moderne. Les victoires remportées par d’autres candidat·es proches de DSA l’ont toutes été dans des circonscriptions relativement progressistes et pour des sièges individuels au sein d’organes législatifs. À New York, cela s’est traduit par l’accès d’une poignée de socialistes démocratiques, déclarés sous la bannière démocrate, au conseil municipal de New York, à l’assemblée de l’État – où Mamdani siège depuis 2021 –, et jusqu’au Sénat de l’État. La députée Alexandria Ocasio-Cortez était jusqu’à présent la candidate soutenue par DSA la plus connue, ayant remporté une victoire en tant que démocrate (voir plus bas), mais cela ne concernait qu’un des 435 sièges de la Chambre des représentants des États-Unis.

Mamdani est en passe de devenir non seulement le maire d’une ville de 8,5 millions d’habitants, qui, malgré les statistiques d’adhésion au parti, ont des opinions politiques et sociales aussi variées qu’ailleurs. Il va également devenir le chef de l’exécutif municipal, chargé de gérer la structure bureaucratique extrêmement complexe de la ville, qui comprend le plus grand district scolaire du pays et la plus grande force de police du pays, dont il sera désormais le patron. Le maire se trouve au sommet de la hiérarchie des employé·es municipaux. Il est également le gestionnaire financier de la ville, et il lui incombera de mener à bien la tâche impossible qui consiste à hiérarchiser les politiques populaires dans le cadre d’un processus budgétaire impitoyable. C’est une chose de parler d’augmenter les impôts des riches, mais réaliser cette tâche est un immense défi car la ville de New York n’a qu’un pouvoir limité 30 pour lever unilatéralement des fonds avant de devoir aller mendier à Albany pour obtenir le soutien de l’État. Une perspective aussi sombre que l’opinion de la gouverneure démocrate Kathy Hochul sur Mamdani lui-même 31.

C’est un euphémisme de considérer que le système n’est pas conçu pour une vision socialiste de l’administration municipale comme celle de Mamdani ou ceux qui se situent plus à gauche que lui. Un observateur récent a vu dans le maire Fiorello La Guardia, de l’époque du New Deal, le modèle dont Mamdani devrait s’inspirer 32. Malheureusement, l’analogie la plus probable est plutôt celle du maire Abraham Beame, qui à l’époque « Drop Dead », dans les années 1970, avait fait face à un président républicain hostile et à des dirigeants d’Albany sans compassion 33. Depuis la crise fiscale que Beame a eu le malheur de gérer, la ville a été tenue en laisse par les capitalistes de New York pour tout ce qui concerne les ambitions municipales pour les habitant·es issus de la classe ouvrière, dans un exemple précoce de la politique d’austérité de la stratégie du choc qui allait définir le néolibéralisme 34. Malheureusement pour Mamdani et les habitant·es, depuis cinquante ans ces mêmes intérêts n’ont jamais cessé d’exercer leur emprise et ont la capacité de transformer rapidement toute question budgétaire en cauchemar politique pour un maire qui va à l’encontre de leurs intérêts. L’expérience de Dennis Kucinich en tant que maire de Cleveland dans les années 1970 constitue un exemple similaire 35.

Ces facteurs, et d’autres (il ne trouvera aucune protection contre les attaques de la presse), se combinent pour créer un environnement d’une très grande hostilité. Il est donc urgent que la gauche construise une force extra-électorale capable de s’organiser et de lutter pour obtenir à la fois les réformes minimales promises par Mamdani et les changements beaucoup plus substantiels qui sont nécessaires.

Réformer le Parti démocrate, une stratégie vouée à l’échec

Dans ces conditions, Mamdani, comme tant d’autres avant lui, est déterminé à poursuivre sa quête de réforme du Parti démocrate. Cette quête est vouée à l’échec, comme elle l’a toujours été. Pour deux raisons, dont l’une indique en fait la seule voie à suivre.

Le premier obstacle, qui est infranchissable, est que toute la structure et la raison d’être du Parti démocrate sont de ne pas être réformables. Des candidat·es isolé·es peuvent susciter l’espoir qu’un changement est possible. Mais des décennies de tentatives ont prouvé, à maintes reprises, que ces mêmes candidats démocrates sont généralement absorbés par la direction et la structure du parti, qui ont été achetées et payées par les donateur·rices capitalistes pour lesquels le parti travaille exclusivement. Vous ne pouvez pas changer le Parti démocrate ; c’est le Parti démocrate qui vous change 36.

La députée Ocasio-Cortez, figure réformiste insurgée bien connue des New-Yorkais·es, soutenue par DSA, qui tourmentait la droite et séduisait la gauche, est devenue une démocrate comme les autres, plus soucieuse de protéger la direction de son parti que de défendre des engagements politiques comme le combat contre le génocide 37. En termes simples, la capacité à provoquer un changement au sein du Parti démocrate se heurte toujours à l’adversaire le plus puissant, le mieux financé et le plus ancien : le Parti démocrate lui-même.

L’image de marque du Parti démocrate a tellement chuté qu’il est étonnant qu’on cherche encore à s’y associer 38. À New York, un État « bleu » (démocrate, NdT), les électeurs non affilié·es à un parti ont dépassé le nombre d’inscrits dans tous les partis ces dernières années 39. Cela explique l’autre raison pour laquelle le projet de réformer le Parti démocrate est voué à l’échec, et pourquoi nous devons en tirer espoir. Une élection n’est pas un mouvement ; le vote n’est pas la démocratie. Oui, plus de 500 000 New-Yorkais·es se sont rendu·es aux urnes pour apporter à Mamdani un soutien suffisant pour remporter les primaires démocrates, mais la victoire du programme qu’il a présenté – aussi modeste soit-il – ne survivra jamais aux nombreux obstacles et détracteur·rices qui s’opposent à lui dans les sphères du pouvoir, simplement parce qu’il a remporté les primaires ou qu’il a été élu à un poste. C’est ce qui pourrait naître de la campagne de Mamdani qui permettra de réaliser les objectifs et les visions qui vont au-delà d’un candidat, d’une campagne ou d’une élection – en s’appuyant sur l’énergie, l’enthousiasme et la volonté d’agir.

Cette même énergie motive aujourd’hui la résistance contre les troupes de choc de l’ICE de Trump qui kidnappent nos voisin·nes. Elle pousse les gens à se mobiliser pour réclamer de meilleurs syndicats dans nos écoles 40 et une rémunération équitable pour nos prestataires de services juridiques 41, et leur donne la force de soutenir les enfants transgenres victimes d’agressions 42. Elle alimente le développement des groupes d’entraide, des réseaux de solidarité avec la Palestine 43 et des initiatives de soutien antiracistes 44. Nous vivons une période de mise en mouvement politique remarquable. Mamdani a été le bénéficiaire de cette grande dynamique démocratique, par en bas et issue de la classe ouvrière. Il est temps de passer à l’étape suivante pour construire un avenir qui ne soit pas tenu par l’échec inévitable des tentatives de réformer le Parti démocrate et de libérer un mouvement capable de réellement changer les fondements de notre société, en commençant ici, à New York.

Une manifestation organisée le 20 octobre 2023 par les Socialistes démocrates d'Amérique de New York et Jewish Voice for Peace. © 4kbw9Df3Tw / CC0
Une manifestation organisée le 20 octobre 2023 par les Socialistes démocrates d'Amérique de New York et Jewish Voice for Peace. © 4kbw9Df3Tw / CC0

Compte tenu de ses racines matérielles, les socialistes ne peuvent que se réjouir de la campagne de Mamdani et de sa victoire. De l’autre côté du spectre, à gauche, certains ont rejeté la candidature de Mamdani  en raison de son appartenance fermement ancrée au sein du Parti démocrate 45. Cet argument s’appuie sur une base réelle, mais sa conclusion est fausse. Mamdani est effectivement pleinement engagé dans le type de programme réformiste qui domine actuellement la réflexion stratégique de groupes tels que les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), dont il est depuis longtemps un membre actif. Il incarne désormais dans la pratique la conviction selon laquelle si nous élisons suffisamment de démocrates de la bonne catégorie, alors le système pourra être sauvé et de bonnes politiques pourront être mises en œuvre.

Malgré cela, il serait tragique et contre-productif de balayer d’un revers de main la vague d’enthousiasme légitime que cette campagne a suscitée, non seulement ici à New York, mais dans tout le pays. Le « moment Mamdani » n’est que la dernière itération (Bernie, la Squad, Brandon Johnson) d’une voie stratégique désormais bien connue de la gauche. Une compréhension lucide des limites de la stratégie électorale de Mamdani, qui consiste à réformer de l’intérieur, doit être associée à une campagne active et solidaire afin de reconstruire les forces capables de renforcer les luttes liées au soutien remarquable dont Mamdani a bénéficié.

Le 7 juillet 2025

Publié par Tempest et traduit par AL. 

 

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المؤلف - Auteur·es

BC Hamilton

BC Hamilton est un écrivain basé à Brooklyn qui a précédemment travaillé comme éditeur de livres avant de couvrir l'actualité locale à New York pendant près d'une décennie. Il est membre du collectif Tempest.