Revue et site sous la responsabilité du Bureau exécutif de la IVe Internationale.

Contre Trump le dictateur, l’histoire ne se répète pas toujours comme farce !

par Yorgos Mitralias

Tandis que Trump multiplie frénétiquement les mesures, les initiatives et les faits accomplis qui sont en train de préparer l’instauration aux Etats-Unis d’un régime authentiquement dictatorial, les dirigeants du Parti Démocrate nord-américain, les chancelleries du monde entier, suivies par les médias internationaux, ainsi que par l’écrasante majorité des « politologues » et autres experts de think tanks persistent à ne rien voir de tel. Ou plutôt, tout ce beau monde persiste à n’y voir que des actes « incompréhensibles », des « caprices » ou des « accès d’humeur » de ce président américain d’ailleurs « insondable ».

Par exemple, quand Trump déploie la Garde Nationale ou même l’armée dans des grandes villes comme Los Angeles, Washington ou Chicago gouvernées par des Démocrates, l’establishment du parti Démocrate ne voit pas la tentative du président de tester les réactions de ses adversaires, ni d’accoutumer la population à la militarisation de la vie publique et à une éventuelle imposition de la loi martiale. Non, la direction des Démocrates, suivie par les médias sympathisants, Times de New York en tête, ne voient pas tout ça, mais plutôt une… « diversion » de Trump, pour éviter que l’attention du public se concentre sur le scandale Epstein qui risque de l’éclabousser !

C’est ainsi que les réactions inexistantes ou tout au plus molles de la direction du parti Démocrate, des maires Démocrates de ces villes et des médias qui leur sont proches, ne doivent ni surprendre ni étonner. Refusant d’appeler à la mobilisation générale des populations concernées pour contrer dans la rue les provocations antidémocratiques de Trump et entretenant ostensiblement l’illusion que le salut ne peut venir que des…juges, ils ne peuvent qu’encourager Trump à durcir et à élargir son offensive fasciste qui fait ouvertement fi de toute loi et de toute constitution1, même à un secteur aussi important et ultra névralgique comme la santé de ses compatriotes. Et ce n’est pas un hasard qu’un médecin légendaire aux Etats-Unis comme le directeur du Centre pour l'immunisation et les maladies respiratoires des CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) Demetre Daskalakis a présenté sa démission de son poste rappelant opportunément que son grand père crétois -dont il porte le nom- est mort combattant les fascistes et dénonçant la logique eugéniste des politiques trumpiennes !

Alors, comment ne pas se rappeler d’une autre provocation fasciste cette fois, voulant aussi tester les réactions des adversaires, il y a 92 ans ? Il s’agit évidemment de la parade des nazis SA et SS devant l’énorme quartier générale du PC allemand à Berlin (appelé Karl Liebknecht Haus) le 22 janvier 1933. Une parade qui n’a provoqué la moindre réaction des communistes qui se sont contentés de demander -en vain- l’intervention de la… police, bien qu’elle était considérée la veille « impensable » et « impossible » tant par la direction du KPD qua du parti nazi.

Commentant cet événement dans son journal, Goebbels ne cachait pas sa surprise face à la « paralysie » du KPD, mais aussi son enthousiasme débordant, concluant que personne n’allait réagir contre l'ascension au pouvoir des nazis. Chose d’ailleurs faite une semaine plus tard quand Hitler est devenu chancelier et les nazis ont accédé au pouvoir sans qu’il y ait la moindre manifestation de rue ni du SPD social-démocrate ni du KPD communiste ! Quant au Karl Liebknecht Haus, les nazis l’ont occupé un mois plus tard pour en faire leur propre quartier général…

En somme, l’histoire se répète et – malheureusement – pas toujours comme farce. Comme par exemple, quand ce même Establishment Démocrate, mais aussi ses pareils de par le monde, déclarent, jour après jour, que l’avenir de Trump va se jouer aux élections de mi-mandat dans un an et que comme il y a des fortes chances pour que Trump paye cher ses « folies » antidémocratiques, il ne reste aux Démocrates qu’à tout faire pour gagner ces élections. Leur raisonnement ne manquerait pas de cohérence, s’il n’y avait pas un hic de taille : qui leur garantit qu’il y aura des élections de mi-mandat ? Ou même des élections tout court dans ces Etats-Unis de Donald Trump ? Ou tout au moins, qui leur garantit que ces elections ne seront pas trafiquées, comme le laisse présager par exemple le charcutage systématique des circonscriptions électorales ou l’exclusion massive des listes électorales des votants « indesirables », auxquels s’adonnent déjà à cœur joie les gouverneurs Républicains ?

La « naïveté » des dirigeants du parti Démocrate ou plutôt leur totale incompréhension du danger (mortel) dictatoriale et fasciste représenté par Trump et ses acolytes, leur fait croire non seulement à des mythes comme l’inébranlable « solidité de la démocratie américaine », mais aussi à entretenir des illusions sur leur capacite de …dompter finalement Trump, qui n’est d’ailleurs que chair de leur chair capitaliste. Mais, tout ça fait imperceptiblement penser à un précèdent historique qui a couté trop cher à l’humanité : celui de l’establishment politique bourgeois de droite et d’extrême droite de la République de Weimar, qui croyant « naïvement » pouvoir dompter facilement Hitler et ses nazis, n’a fait finalement que l’installer au pouvoir !

Personnage emblématique de cet establishment bourgeois allemand des années ’30, Franz von Papen s’était démené pour former un gouvernement incluant Hitler, promettant qu’il lui serait facile de le « contrôler », de le « coincer » et de lui faire perdre toute popularité. C’est avec des promesses du genre « dans deux mois, nous aurons Hitler recroquevillé dans un coin », que von Papen a persuadé finalement les autres partis bourgeois et celui qui était le président de la République allemande, le vieux réactionnaire maréchal Hindenburg, de soutenir le nouveau gouvernement dont Hitler était le chancelier et von Papen le vice-chancelier. On connait la suite. Ce n’est pas Hitler mais von Papen qui a été renvoyé de ce gouvernement, lequel fut très vite dominé par les nazis.

Comme on le voit, la bourgeoisie dite libérale des Etats-Unis, est en train de commettre les mêmes erreurs que ses ancêtres allemands des années ’30. S’il n’y avait qu’elle pour faire face à Trump, on pourrait être bien pessimistes pour la suite des évènements. Mais, heureusement il y a une autre Amérique, celle qui descend dans la rue contre Trump, qui affronte ses forces de répression, qui fait grève, qui manifeste sa solidarité aux Palestiniens, qui défend les migrants et qui s’inspire de l’exemple de Zohran Mamdani2, ce jeune ex-migrant, socialiste et musulman qui sera en novembre le prochain maire de New York, si évidemment il ne sera entretemps assassiné, emprisonné ou expulsé du pays comme promis par Trump. Avec cette autre Amérique de plus en plus mobilisée et déterminée de défendre bec et ongles ses droits, on peut être optimistes qu’on assistera bientôt à l’émergence de ce mouvement de masse de ceux d’en bas, seul capable de faire face à ce Trump voyou obscène et vulgaire, raciste et misogyne, obscurantiste, fasciste et apprenti dictateur, dont le négationnisme climatique radical et délirant suffirait largement pout faire de lui le plus grand criminel de l’histoire de l’humanité…

Le 8 septembre 2025

 

Le dernier numéro

المؤلف - Auteur·es

Yorgos Mitralias

Yorgos Mitralias, journaliste retraité, ancien militant de la section grecque de la IVe Internationale et de Syriza, un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM, a animé le site EuropeansForBerniesMassMovement qui fournissait, surtout en anglais et en grec, des informations quotidiennes sur les actions des mouvements sociaux et de la gauche étatsunienne.