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Martinique : APVC, CIOM, table ronde, congrès… Seule l’audace sera réaliste !

par Groupe Révolution Socialiste
La Table Ronde sur la vie chère à la Collectivité Territoriale de Martinique le jeudi 10 octobre. ©Alain Rivori

 On peut être surpris du rapprochement fait ici entre des démarches politiques distinctes,menées par des actrices et acteurs biendistincts, et parfois bien opposés. Il y a en effet bien des différences, mais il y a malgré tout un point commun, plus ou moins marqué. Il est dans la façon de produire la synthèse des échanges réalisés.

Derrière la nouveauté, une certaine routine

La publication du bilan des Assises Populaires de la vie chère montre, non pas le manque d’intérêt d’une initiative tout à fait positive, mais les limites dans la réalisation de l’exercice. Lorsqu’après deux jours d’échanges, une synthèse est tentée en petit comité, le résultat est forcément frustrant, même après des consultations du public en ligne menées par ce comité : les contradictions ne sont pas traitées, et il est probable que plus d’un auront du mal à yreconnaître leurs petits. Et pour le moment, on ne peut pas dire que les députés aient reçu un mandat très précis du peuple représenté, pour défendre telle ou telle revendication.

Le Comité Interministériel des Outremers, que nous n’avons pas porté au baptême, mais qui indique bien dans son intitulé ce qu’il est, a provoqué des protestations courroucées à cause des exclusions qu’il a pratiquées. En réalité, le problème n’est pas tant que les ministres fassent, comme d’habitude, leur cuisine dans leur coin. Il est, que le peuple ne fasse pas la sienne pour définir de son côté, ses propres positions.

Serge Letchimy nous apprend, à la faveurd’une émission télévisée, que «le congrès» suitson cours et prépare son projet à présenter à l’État. On imagine qu’il s’agit de formuler desorientations suite aux consultations menéestous azimuts, il y a quelques mois par la CTMincluant syndicalistes, État, patrons. Cettesorte de «table ronde» bis présentait certes lanouveauté d’inclure les syndicats, mais comportait un double vice fondamental : d’une part ces rencontres prétendaient faire émerger les intérêts de «la Martinique», comme si laditeMartinique n’était pas traversée par des antagonismes incontournables entre le peuple et l’oligarchie. Chimère tenace aussi vieille quele capitalisme lui-même. D’autre part, on retrouve le même système de construction d’une «synthèse» par un arbitre unique : l’organisateur de la démarche, placé en quelque sorte au-dessus des classes sociales composant la société, et libre de choisir tout seul, lespropositions qu’il retient.

L’audace première : la construction d’un projet prolétarien et populaire

Dans une intervention au nom du GRS lors de la rencontre internationale du cercle Frantz Fanon, Philippe Pierre-Charles prenait le contre-pied d’une opinion répétée, çà et là, suivant laquelle : «nou ja palé asé».

Non ! Trois fois non! Nou pôkô palé asé ! Tantque nous n’aurons pas forgé un programme simple mais cohérent, réfléchi et partagé au-delà de petits groupes plus divisés qu’unis, nou ké ni pou palé ! Trop de critiqueurs et critiqueuses qui prennent plaisir à critiquer le grand et beau mouvement de février 2009, refusent de combler encore aujourd’hui la lacune principale de 2009 : l’absence d’un programme revendicatif suffisammentdéveloppé et discuté à une large échelle dans la population.

Si nous avions avancé d’un iota sur ce sujet depuis 2009, n’importe quel·le militant·e de la cause émancipatrice pourrait dire sans hésiter les 5 ou 6 ou 7 revendications fondamentales sur lesquelles on se bat, au-delà des nuances ou des divergences entre les forces populairesengagées. Classer le monde militant en deux camps «autonomistes» ou «indépendantistes», résumer un programme politique en uneposition sur le statut politique de la Martinique, n’est que le degré 0,5 de la politique.

Sans surestimer prétentieusement notreréunion du 13 juillet {voir le résumé dans le précédent RS), nous affirmons que la tâcheurgente du mouvement ouvrier et populaire et des forces qui prétendent le représenter, est d’engager le débat, de prendre à bras le corps les propositions des un·es et des autres pour faire émerger un programme de lutte, unestratégie de luttes sans lesquelles lesconciliabules avec les CIOM et Cie ne seront quede vains bavardages.

« Réglez vos problèmes et unissez-vous pour la lutte »

La veille de son assassinat en prison, GeorgesJackson, écrivait ce cri aux fractions rivales des mouvements Afro-américains. Et si nous décidions ici de suivre cette exhortation ? Et si nous décidions d’en finir avec les sectarismes rances qui ont freiné la lutte dans le passé et dont les traces, même très affaiblies, restent encore perceptibles, constituent un mauvais exemple pour les nouvelles générations qui s’engagent ?

Cet effort de dépassement est une condition pour un débat fructueux. L’autre effort qui va de pair, c’est de mener les luttes immédiates que l’impératif de la survie commande, quel que soitle degré d’élaboration du programme. Le temps presse. Il presse chez nous. li presse dans les colonies. Il presse en France. li presse dans le monde.

L’un des premiers débats à mener est d’ailleurs probablement celui sur l’urgence du moment, sur la réponse à la question vitale du «Où en sommes-nous ?». Nous y reviendrons.

Le 28 juillet 2025