
Le bref séjour en Guadeloupe et Martinique de François Ruffin (ex- député de La France Insoumise en rupture de ban avec celle-ci) avait manifestement un parfum de tournée électorale. La conférence qu’il a tenue à Fort-de-France avec les députée·s Marcellin Nadeau, Béatrice Bellay (et sa suppléante Nadia Chonville), a montré la nécessité de discuter en profondeur des problèmes du pays, entre les forces progressistes de France et d’ici.
Nous avons bien noté le propos de François Ruffin, demandant au public un minimum d’indulgence pour son insuffisante connaissance de notre situation locale. En réalité, c’est davantage son approche de notre mal-développement et de notre dépendance, qui nous interpelle. Nous partageons bien sûr son opposition à la mondialisation libérale, mais pas son refus de considérer l’économie capitaliste comme un tout structuré, basé sur une division fondamentale entre pays dominants (pilleurs) et de pays dominés et dépendants (pillés).
Cela le conduit à établir des parallèles, voire des identifications entre la situation française et la nôtre. Il en résulte une appréhension des problèmes et des solutions de manière à peu près similaire. Exemple : la poussée de protectionnisme trumpien amène la France et l’Europe à se préoccuper de relocaliser et réindustrialiser des secteurs économiques qu’elles avaient hier, pour des intérêts financiers, délocalisés.
La problématique antillaise doit forcément tenir compte d’un point de départ bien différent. François Ruffin ne semble pas le comprendre, tout simplement parce qu’il nous considère non comme peuple martiniquais, mais comme une fraction du peuple français. Or les peuples colonisés comme les nôtres n’ont jamais eu le choix de leur modèle économique et social. Dès sa création, notre système économique est d’emblée et de par sa nature coloniale, dépendant et extraverti, construit pour répondre aux intérêts du capitalisme français. F. Ruffin ne se pose pas la question de l’autodétermination des colonies de la France. Il se contente de faire des constats justes sur le caractère catastrophique de notre situation. C’est insuffisant et peu opérationnel.
Des réponses identiques ne peuvent répondre à des problèmes différents, dans le cadre républicain français. M. Nadeau, tout comme M. Sellaye l’ont montré à partir de la problématique du chlordécone. Le débat devrait se poursuivre. Le positionnement de F. Ruffin dans le combat politique très rude de la France d’aujourd’hui, va-t-il y aider ?
Le 21 avril 2025