
Les forces armées indiennes ont lancé l’opération Sindoor, qui a consisté en neuf frappes, réparties dans trois villes du Cachemire occupé par le Pakistan et dans la province du Pendjab, tandis qu’une contre-attaque du Pakistan, également condamnable, a fait des victimes à Poonch. Tout cela constitue une évolution extrêmement préoccupante, même si elle n’est pas tout à fait inattendue.
Après l’attentat terroriste de Pahalgam, qui doit être condamné sans réserve et de manière unanime, le gouvernement Modi aurait dû rendre publiques et transparentes les informations dont il dispose sur les auteurs présumés, accepter la demande d’une enquête internationale à laquelle l’Inde devrait participer de manière centrale, et exiger que le gouvernement pakistanais participe à la recherche de la vérité afin que les coupables puissent être arrêtés et punis au nom de la justice. Un refus pakistanais de coopérer de cette manière l’aurait mis sur la sellette au niveau international et aurait justifié diverses mesures diplomatiques et matérielles que l’Inde aurait pu prendre à l’encontre du gouvernement, mais pas à l’encontre du bien-être de la population pakistanaise en général.
La stratégie du BJP
En effet, l’approche la plus sensée – et la plus dommageable pour le gouvernement d’Islamabad – est précisément de creuser un fossé encore plus grand entre la population pakistanaise et un gouvernement déjà profondément impopulaire. Au lieu de cela, en suspendant illégalement le traité sur les eaux de l’Indus et en appelant tous les citoyens pakistanais présents dans le pays (à l’exception des non-musulmans titulaires d’un visa de longue durée) à quitter immédiatement le territoire, ce gouvernement hindouiste choisit la voie de la souffrance économique collective du peuple pakistanais et du principe de la « culpabilité collective » de tou·tes les citoyen·nes musulman·es pakistanais·es.
Premièrement, cela ne fait que renforcer le chauvinisme anti-indien au Pakistan et accroître le soutien de la population à l’establishment militaire qui gouverne et cherche à étouffer toutes les voix progressistes et dissidentes, sapant ainsi les efforts visant à instaurer les libertés démocratiques plus importantes souhaitées par la grande majorité des citoyens.
Deuxièmement, ces deux mesures prises par New Delhi visent également à attiser la frénésie hypernationaliste au niveau national (ce qui est également l’objectif des exercices militaires civils pan-nationaux) afin de profiter au BJP lors des prochaines élections dans l’État du Bihar et, plus généralement, au-delà. En menant ces attaques transfrontalières par ses forces armées officielles, New Delhi s’est engagé dans des « actes de guerre » illégaux au regard du droit international. C’est la deuxième fois après Balakot que cela se produit 1. Cela crée un précédent militaire qui risque de se répéter à plusieurs reprises, à un niveau de plus en plus élevé, si des groupes (c’est-à-dire des acteurs non étatiques) commettent des actes terroristes similaires, ce qui est malheureusement très probable malgré nos espoirs.
Danger de guerre
De plus, depuis l’aube de l’ère nucléaire en 1945, il n’y a qu’en Asie du Sud que deux puissances nucléaires se sont attaquées – pour l’instant avec des armes militaires conventionnelles –, créant ainsi une possibilité effrayante d’escalade des représailles pouvant aller jusqu’à une confrontation nucléaire.
Une grande partie de la population indienne, ainsi que des médias de droite très belliqueux, communautaristes et bruyants, réclament vengeance depuis l’acte horrible commis à Pahalgam. Cela crée les conditions propices à des appels à la guerre beaucoup plus forts, tant à l’extérieur – contre le Pakistan – qu’à l’intérieur – contre l’ennemi imaginaire, à savoir les musulman·es en général et les Cachemiris en particulier. Pahalgam a poussé presque tous les partis politiques à se rallier au BJP. Sans surprise, les principaux membres du Congrès ont appelé à une action militaire. Malheureusement, les déclarations publiées par les principaux partis de gauche, CPI et CPI(M), après le lancement de l’opération Sindoor ont refusé de s’opposer à une telle action militaire. Une situation similaire s’est produite en 2019, lorsque l’Inde a fait monter les enchères et frappé des cibles à l’intérieur des frontières du Pakistan souverain. Nous avons eu la chance que la situation ne dégénère pas alors. Mais rien ne garantit aujourd’hui que le Pakistan agira de manière à ce que l’Inde et le Pakistan puissent tous deux revendiquer la victoire et laisser les choses s’apaiser. Si ce n’est pas le cas et si nous nous engageons dans la voie de la guerre, cela ne signifiera qu’une nouvelle perte de vies humaines des deux côtés de la frontière et d’intenses souffrances pour ceux qui souhaitent le moins la guerre.
Radical Socialist s’oppose à ces frappes militaires, qui ne s’attaquent pas au cœur de la crise politique sous-jacente au Cachemire, exacerbée par le régime Modi depuis 2019. Nous condamnons l’attisement des flammes de l’islamophobie par une grande partie des médias et des forces organisées de droite, ainsi que la culpabilité dont le gouvernement a fait preuve sur ce front. Outre la perte de vies innocentes (terrorisme d’État de part et d’autre), ces affrontements militaires renforcent les haines religieuses et politiques en Inde et au Pakistan. Nous espérons que les travailleurs et les citoyens ordinaires des deux pays se rangeront du côté de la paix et d’une résolution politique du conflit au Cachemire, plutôt que de rechercher des solutions militaires.
Le 8 mai 2025
Cet article est disponible notamment sur International Viewpoint. Les intertitres et la traduction sont de la rédaction.
- 1
Le bombardement de Balakot a lieu le 26 février 2019 dans le district de Mansehra, au Pakistan. Des Mirage 2000 indiens frappent un camp d’entraînement du groupe islamiste Jaish-e-Mohammed à la suite de l’attentat de Pulwama. Cette frappe en territoire pakistanais déclenche la confrontation indo-pakistanaise de 2019.