Après plusieurs attaques de la droite et du patronat contre notre système de retraites, c’est au tour de celui de la santé d’être visé. Le 24 novembre prochain nous voterons sur une modification de la loi sur l’assurance maladie qui, sous ses airs techniques, cache une réelle menace démocratique et sociale.
La réforme EFAS vise à uniformiser le financement des soins de santé. Actuellement les soins stationnaires, prodigués à l’hôpital ou dans une clinique et qui nécessitent que le ou la patient·e reste au moins une nuit, sont financés à 55 % par les cantons et 45 % par les caisses-maladies. Pour les prestations ambulatoires (dans un cabinet médical, un laboratoire ou à l’hôpital sans nuitée) la facture est prise en charge à 100 % par les assureurs maladie. Enfin, en ce qui concerne celle des soins de longues durées à domicile ou en EMS, elle est en moyenne prise en charge à 46 % par les cantons et à 54 % par les assurances maladie. La nouvelle clé de répartition proposée par la réforme limiterait la participation des cantons à 26,9 % dans tous ces secteurs, laissant le financement restant, soit 73,1 %, à la charge des assurances maladie.
À priori, cette réforme semble positive puisqu’elle crée une incitation financière renforçant le «transfert du stationnaire vers l’ambulatoire», moins coûteux. Rien de nouveau, puisque ce programme existe en réalité depuis des années. S’il s’avère peut-être bien pratique pour les personnes jeunes et entourées, il l’est beaucoup moins pour les plus âgé·es, en moins bonne santé ou sans famille.
La santé publique menacée
Avec EFAS, les caisses maladie géreront donc non seulement les primes que nous leur versons chaque mois, qui se montent à un total de 38 milliards par année, mais également une partie de nos impôts, soit 11 milliards de francs supplémentaires. Or, les caisses maladie ont pour mandat de financer les prestations figurant dans le catalogue de l’assurance obligatoire des soins, de négocier les tarifs et de calculer puis encaisser nos primes. Elles n’ont en revanche pas le mandat d’identifier les besoins de santé de la population, ni de piloter l’organisation des soins, ou de définir les objectifs de santé publique. Ce sont des responsabilités à charge des cantons et de la Confédération.
Cette réforme consacre donc, de fait, un désengagement, voulu par certains cantons, des pouvoirs publics dans la gestion du système de santé. Avec pour effet un moindre financement des soins, notamment de longue durée (en EMS et à domicile) par les impôts et un report de charges sur les assureurs maladie. Conséquences : une augmentation des primes et de la participation directe pour les assuré·es et les résident·es d’EMS, comme l’indique d’ailleurs l’une des deux faîtières des assureurs maladie, santésuisse, opposé à cette réforme.
Les femmes, triples perdantes de cette contre-réforme
Avec EFAS, ce sont surtout les femmes qui seront le plus touchées : en tant qu’assurées, travailleuses et résidentes.
Les primes par tête pèsent proportionnellement, même avec un subside, plus lourd sur les personnes à bas et moyen revenu, qui sont le plus souvent des femmes. Elles sont également flouées en tant que salariées : ce sont majoritairement elles qui travaillent dans le secteur des soins et qui verront leurs conditions de travail et leurs salaires mis sous pression par les assureurs maladie qui auront plus de poids dans les négociations tarifaires, notamment dans les soins de longues durée.
De même, quand les services publics, et singulièrement de santé, sont privatisés et rendus inaccessibles pour les personnes les plus précaires, ce sont principalement elles qui assurent le travail de soins aux autres (notamment leur conjoints). Enfin, comme résidentes, car les femmes représentent 65 % des pensionnaires des EMS, chiffre qui monte à 72 % pour celles de plus de 80 ans (près de 90 000 femmes en 2022). Or, avec EFAS, les cantons ne compenseront plus la facture résiduelle, c’est-à-dire les dépenses des soins en EMS non couverts par les assureurs et les résident·es, puisqu’ils pourront bloquer leur participation à 26,9 %. Conséquence : une augmentation de la facture pour les résidentes.
Caisse unique, l’unique solution
En résumé, EFAS ne s’attaque pas aux principaux problèmes du système de santé : ni aux primes par tête indépendantes du niveau de revenu des assuré·es, ni aux profits pharamineux des entreprises pharmaceutiques et encore moins à l’opacité des caisses maladie, liée à leurs conflits d’intérêts entre l’assurance de base et les assurances complémentaires.
Nous militons à l’inverse pour que l’assurance maladie devienne enfin une assurance sociale digne de ce nom avec des cotisations salariales, sur le modèle de l’AVS, administrée par une caisse unique publique, gérée de manière démocratique et qui inclut le remboursement des soins dentaires et les aides visuelles.
Il est donc primordial de rejeter cette réforme de la LAMal pour éviter une privatisation accrue de notre système de santé. La bataille sera difficile avec une gauche divisée.