Diplomatie suisse pro-israélienne

par Pirat Timide
Viola Amherd et Ignazio Cassis lors de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, 24 septembre 2024. La première a prononcé un discours affirmant qu’il faut considérer « le droit international humanitaire comme une priorité absolue »…

Le mois passé a été riche en décisions droitières et pro-israéliennes de la part des autorités fédérales: abstention à l’Assemblée de l’ONU sur le vote relatif à la fin de l’occupation en Palestine; coupe de tout budget à l’UNRWA au Conseil national; volonté réitérée par le Conseil fédéral d’interdiction du Hamas, malgré les critiques de la société civile lors de la consultation.

Jusqu’ici les élites suisses ont toujours profité d’une forme de neutralité pro-occidentale, mais tolérante envers les mouvements de libération nationale. Les milieux dirigeants suisses prétendaient servir un certain droit international humanitaire, tout en défendant en pratique leurs intérêts nationaux propres, notamment économiques: exportations de produits manufacturés, y compris d’armes, ainsi que de services diplomatiques, bancaires ou de négoce de matières premières.

Par son dernier vote à l’ONU, le Conseil fédéral refuse de donner corps à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice, qui déclare l’occupation et l’annexion des territoires palestiniens et de Jérusalem-Est illicites. La diplomatie suisse s’aligne ainsi sur le belligérant israélien sans rien dire de sérieux sur le bombardement et l’extermination de dizaines de milliers de civils gazaouïs, sur la destruction systématique de leurs habitations, écoles, hôpitaux et universités, sur la famine organisée. Elle se tait aussi sur l’utilisation d’engins explosifs dans des lieux publics et privés pour terroriser les populations libanaises et sur les frappes massives d’Israël dans la région.

UNRWA définancée

Depuis ses déclarations de 2018 dans lesquelles M. Ignazio Cassis posait la question «l’UNRWA fait-elle partie de la solution ou du problème?», le Directeur du DFAE reprend les éléments de langage de la diplomatie israélienne et s’aligne sur le gouvernement de Benyamin Netanyahou, dans une complicité unilatérale lourde de conséquences. Le résultat est le triomphe des arguments de l’UDC et du PLR et de leurs attaques contre l’Office de secours des Nations unies pour les réfugiés de Palestine: La contribution suisse avait été suspendue sans vérifier les accusations portées par Israël, se rangeant immédiatement de son côté. Elle a ensuite été réintroduite, mais rabotée de moitié. Finalement, le Conseil national souhaite sa totale suppression, malgré les conclusions relativement positives du rapport Colonna. L’affaire est désormais pendante au Conseil des États. 

Interdiction du Hamas
pour criminaliser le soutien au peuple palestinien

L’interdiction du Hamas est absurde, insoutenable et elle-même dangereuse. Absurde puisqu’elle s’appliquera sur le territoire Suisse qui n’a subi aucune activité hostile de la part du Hamas et puisque tout soutien, financier ou matériel, destiné à des activités terroristes peut d’ores et déjà être incriminé par un juge sur la base de l’article 260ter ou quinquies du Code pénal. 

Insoutenable puisqu’elle desservira la recherche d’une autonomie étatique palestinienne, en niant ce qui, de fait, est l’expression de la souveraineté palestinienne à Gaza. Enfin, le projet de loi est dangereux puisqu’il violente le principe de l’État fondé sur le droit qui exige une loi claire et prévisible plutôt que des délégations au gouvernement de dire ce qui est légal ou non. Le caractère flou du projet du Conseil fédéral en fait une mesure autoritaire et arbitraire qui pourra être utilisée contre une multitude d’activistes et de situations.

La Suisse aux côtés des régimes autoritaires

Notre camp social ne peut être celui de la charité religieuse et des criminel·les de guerre, notamment par l’extermination et la prise d’otages de civil·es. Mais l’objet de cette loi est tout autre. La loi d’interdiction ne sera qu’un outil de plus pour criminaliser la solidarité internationale envers les Palestinien·nes. Elle viendra consolider la position d’une Suisse ancrée dans une politique internationale aveugle à la violence coloniale, et la placera aux côtés des régimes libéro-­autoritaires: l’Italie et l’Inde se sont abstenus lors du vote de la résolution onusienne, alors qu’Israël, les États-Unis, l’Argentine et la Hongrie s’y sont opposés.

solidaritéS dénonce cette interdiction inutile et sécuritaire. De concert avec les autres organisations de solidarité avec la Palestine, nous appelons à continuer la mobilisation pour la fin immédiate de la guerre contre les Palestinien·nes et le Liban. Nous continuons à demander la libération des Palestinien·nes du joug colonial, la fin de l’apartheid religieux infligés aux musulman·nes et chrétien·nes et la fin de l’occupation israélienne. 

Ce sont les conditions essentielles de la possibilité d’une souveraineté étatique qui protège tou·tes les citoyen·nes égaux·ales en droit, du Jourdain à la Méditerranée. 

SolidaritéS dénonce l’orientation pro-iraélienne de la politique de la Suisse défendue par Ignazio Cassis, qui se fait au mépris du droit international et dans une indifférence totale au sort des palestinien·nes.

Publié par Solidarités le 27 septembre 2024