C’est un fait depuis que Georges-Louis Bouchez, alias GLouB, est devenu président du parti. Ce changement de stratégie est dû au fait que, grâce au cordon sanitaire médiatique et la nullité navrante (mais tellement jouissive) de l’extrême-droite en Belgique francophone, le sud du pays est relativement épargné par la peste brune.
Cette absence de partis fascistes a donc été vue comme une opportunité pour le MR de capter un grand nombre de voix. Conscient que le débat médiatique extrêmement droitier en France a pollué les esprits dans la francophonie belge, le MR a choisi de surfer sur la lutte contre l’épouvantail du “wokisme” pour capter les voix réactionnaires en manque de représentation politique, damant ainsi le pion aux listes N-VA et Chez Nous présentes au sud du pays lors des législatives.
Cette stratégie de la droitisation semble faire l’unanimité, puisqu’aucune voix dissidente au MR ne s’est présentée pour opposer au populisme réactionnaire un visage plus libéral, avec un score de 95% pour Bouchez lors de sa réélection. Tout au plus a-t-on vu certaines figures du parti abandonner le navire pour aller s’échouer avec l’épave qu’est devenue DéFI ou pour les plus chanceux, chez Les Engagés.
Il y a toujours eu des figures extrêmement réactionnaires au sein du MR mais elles avaient été laissées un peu de côté, voire publiquement condamnées (Charles Michel dirait “recadré”) lorsqu’elles disaient un peu trop fort ce qu’elles pensaient. Ainsi, on évoquera entre autres les Godefridi, Destexhe ou Ducarme.
Désormais, toute critique vis-à-vis de militant·e·s MR vous garantit une volée de bois vert de la part de Georges-Louis Bouchez en personne. Celui-ci n’hésite plus à lâcher les affabulations les plus créatives pour salir ses adversaires, qu’iels soient journalistes, militant·e·s politiques ou membres de l’associatif. Ainsi, on se souviendra du recrutement de Marc Ysaye et de ses saillies sur Twitter, appelant, entre autres choses, “à renvoyer tous les migrants” tout en relayant des Tweets de Bardella ou de Marion-Maréchal Le Pen ou plus récemment, Jeholet qui invite Nabil Boukili à ne pas rester en Belgique.
GLouB lui-même s’est illustré à de nombreuses reprises comme étant facho-curieux : il loue la “constance” de Zemmour, retweete des publications du site de propagande français “Fdesouche”, reprend le concept maurrassien de “pays réel”, explique la victoire de Meloni par le wokisme (et non, comme on pourrait s’y attendre, par le racisme) et est applaudi par les néo-nazis du groupuscule “Nation”.
Certains politologues ont objectivé la transformation droitière du MR qui s’est fortement rapproché de l’extrême-droite, devenant très clairement, et de loin, le parti le plus réactionnaire du côté francophone.(8)
TRANSMANIA, PAMPHLET TRANSPHOBE QUI MANIPULE LA RÉALITÉ
Arrive donc David Clarinval, qui vient éclairer cette macabre scène avec une lumière aveuglante.
Sur Twitter, Clarinval a recommandé le livre “Transmania” des militantes transphobes Dora Moutot et Marguerite Stern. Stern qui ne cache plus sa proximité avec l’extrême-droite, notamment le dessinateur néo-nazi Marsault ou des militantes de la Manif pour Tous ; Moutot qui se fait inviter pour diffuser son film transphobe par le média d’extrême-droite Omerta et qui appelle à sanctionner les plannings familiaux pour avoir inclus des personnes transgenres dans leur communication. Pour en savoir plus sur ces militantes, nous vous recommandons cet article de la commission LGBTI de notre organisation.
Ce livre, comme tous les torchons qui cherchent à justifier la persécution des minorités, s’appuie sur des faits déformés et des narratifs imaginaires qui collent avec les préjugés. Il ne peut s’empêcher de taper plus large que sa cible initiale, s’en prenant non seulement aux personnes transgenres mais également aux personnes LGBTI en général.
Ainsi ce livre met en scène une caricature particulièrement haineuse de femme transgenre, réduite à un ensemble de fantasmes sexuels forcément pervers, masturbatrice compulsive, appelée “Robert” tout au long de l’ouvrage. Il y a dans cet ouvrage une fixation bien homophobe sur la sexualité passive masculine, vue comme une “pente glissante” menant à penser qu’on serait transgenre.
Elles planchent ensuite sur les “causes” de la transidentité, évoquant autant de théories comme des scénarios pour captiver l’imagination des transphobes, avec, pêle-mêle : les perturbateurs endocriniens, les mangas homo-érotiques, les micropénis, l’autisme ou encore un complot visant à stériliser la population (on retrouve ici un lien évident avec la théorie fasciste du grand remplacement). Évidemment, le but n’est pas de trancher le vrai du faux comme le ferait, comme elles le prétendent, une vraie enquête journalistique. Il s’agit ici d’imaginer des narratifs transphobes et de voir lequel collera dans le débat public.
Elles font ensuite le lien, très populaire alors lorsqu’il s’agissait d’attaquer les droits des hommes gays, avec la pédophilie, assimilant les Prides à des espaces d’exhibition sexuelle aux yeux des enfants vulnérables.
Bref, très clairement, ce n’est pas “un livre à lire d’urgence” comme le déclare David Clarinval, vice premier ministre fédéral mais de la propagande transphobe et haineuse.
Suite à cette recommandation, Georges-Louis Bouchez a bien sûr pris la défense de son cher ministre, amalgamant les critiques du torchon transphobes à de la censure nazie. En effet, dans le chef du président du MR, les personnes transgenres, victimes de la barbarie nazie dès 1933, seraient désormais devenues comparables à leurs bourreaux. C’est pourtant le même Georges-Louis Bouchez qui, en 2018, attaquait les gens qui “donnent du nazi à tout va” lorsqu’il s’agissait de défendre son copain Théo Francken, surnommé Xerox par le Vlaams Belang pour sa capacité à photocopier leur programme.
MR ET N-VA, HORS DE NOS PRIDES !
Ce parti qui défilait à la Pride il y a alors quelques mois “contre la transphobie” est donc en même temps capable de défendre publiquement des ouvrages transphobes, haineux et manipulateurs.
Il n’y a pas de place dans nos manifestations pour les partis qui soufflent le chaud et le froid. Il est temps que les grandes organisations LGBTI belges commencent à acter que non, les gens qui s’essuient les pieds sur nos revendications et nos droits n’ont pas à se voir offrir de tribune au prétexte qu’il faut discuter avec tout le monde ou parce que leur char finance l’organisation de la Pride !
Le mouvement LGBTI doit renouer avec une autonomie politique vis-à-vis de l’État et du capital en assumant porter des mesures qui résolvent concrètement les problèmes des personnes LGBTI sans chercher à faire plaisir aux conservateurs.
Nous devons pour cela mettre en chantier un pôle large, ouvert mais néanmoins radical qui puisse faire exister les luttes LGBTI tout au long de l’année et pas juste durant le mois des fiertés.
Face au retour de bâton transphobe mondial (dont la promotion du livre “Transmania” par Clarinval est un signal d’alarme qu’il arrive en Belgique), nous devons nous doter d’organisations en mesure de nous défendre et de conquérir de nouveaux droits, sans avoir à compter sur la stratégie de lobbying du monde associatif, qui, en 2024, n’a strictement rien obtenu alors que la Vivaldi se vendait comme un gouvernement progressiste.