Engagées dans une politique d’austérité, les nouvelles autorités kenyanes ont été obligées de s’asseoir à la table de négociations suite à un conflit social de près de deux mois avec le personnel médical.
Déclenchée le 15 mars la grève des docteurs, appelée par le syndicat KMPDU (Kenyan Medical Practitioners, Pharmacists, and Dentists Union) vient de prendre fin, suite à un accord conclu avec le ministère de la santé.
La dette contre la santé
Les revendications des grévistes portaient sur plusieurs points. Le respect des conventions collectives car le Collective Bargaining Agreement (CBA) signé en 2017 et son protocole d’accord de 2021 n’ont jamais été appliqués, les conditions de travail, l’affectation des médecins stagiaires (l’équivalent des internes en France) et le refus de la baisse de leur salaire décidée autoritairement par les autorités. Pourtant comme le souligne Muinde Nthusi, président du Kenya Medical, Dental and Pharmacy Interns Liaison Committee, ces internes représentent 70% de la main d’œuvre des établissement publics.
Ces exigences s’inscrivent dans un mouvement de protestation populaire plus large contre la politique d’austérité que tente d’appliquer William Ruto le nouveau président élu en septembre 2022.
Il s’est fait élire sur une base populiste et aime aussi se faire remarquer pour ses prises de positions en défense du Sud global. Mais la réalité de sa politique dans le pays est toute autre. Pour remédier à l’endettement du Kenya, Ruto a passé un accord avec le FMI et applique à la lettre ses recommandations qui reprennent les anciennes recettes des politiques d’ajustements structurels.
L’argument du manque d’argent pour justifier la politique de régression sociale contre les personnels de santé est mis à mal par les choix du gouvernement de rembourser coûte que coûte les intérêts d’une dette colossale qui s’élève à plus de 65 milliards de dollars.
Répressif et corrompu
Avant que la Haute Cour de justice de Nairobi enjoigne aux autorités de négocier, la réponse de William Ruto aux revendications des personnels de santé, outre le mépris en déclarant que les personnels doivent apprendre à vivre selon leurs moyens, reste la répression. Ainsi le dirigeant syndical, le docteur Davji Bhimji Attellah a été grièvement blessé d’une balle dans la tête tirée par les forces de l’ordre lors d’un rassemblement. Près d’une centaine de médecins ont été licenciés. Ruto est coutumier des faits. Lors des manifestations contre sa politique d’austérité, la répression avait provoqué plusieurs morts et des centaines d’arrestations.
La commission contre la corruption au Kenya a classé en deuxième position après le ministère de l’intérieur, celui de la santé pour ses « conduites non éthiques ». Un exemple entre autres, est le détournement de fonds de plus de 17 millions de dollars dans la lutte contre le Covid.
L’accord
Si, selon les déclarations du secrétaire du KMPDU Attellah : « la question très controversée du détachement et de la rémunération des médecins stagiaires n’est toujours pas résolue » puisque l’affaire est désormais laissée aux mains de la justice, des avancées ont été obtenues sur les conditions de travail et de formation, le paiement des arriérés de salaire résultant de l’application de la CBA de 2017 et la levée de toutes les sanctions liées au conflit.
Les résultats de cette grève ont un double effet positif montrant qu’il est possible d’obliger le gouvernement à négocier et que les politiques d’austérité ne sont pas inéluctables pour peu que le chemin de la lutte soit emprunté.