Basé sur l'intervention de Dipankar Bhattacharya à la Convention de solidarité avec la Palestine qui s'est tenue au Constitution Club, New Delhi, le 23 février 2024.
Je me tiens ici en totale solidarité avec le peuple souffrant de Gaza et la cause de la libération de la Palestine de la cruelle occupation coloniale d'Israël. Le génocide perpétré sans relâche par Israël sur le peuple désarmé de Gaza et le nombre croissant d'enfants, de femmes, de médecins, de journalistes et d'écrivains palestiniens tués chaque jour sont le reflet le plus brutal et le plus violent du monde d'aujourd'hui.
Il est important pour nous de voir où se situe l'Inde dans le miroir de ce génocide en cours. Nous saluons tous le rôle courageux joué par l'Afrique du Sud dans ce contexte, en obtenant de la Cour internationale de justice une mise en accusation historique d'Israël et un verdict provisoire important contre le génocide en cours. Tout comme l'Afrique du Sud, qui a dû mener une longue bataille pour vaincre le régime de l'apartheid, a pu ressentir la douleur de la Palestine, l'Inde aurait dû pouvoir le faire également. En fait, en tant que pays qui a dû faire face à des siècles de domination coloniale raciste et de répression militaire brutale de la part des dirigeants coloniaux, l'Inde aurait dû défendre hardiment la cause palestinienne et mobiliser la communauté internationale contre la campagne génocidaire d'Israël. Cela aurait été conforme à l'héritage du mouvement pour la liberté de l'Inde et à la revendication actuelle d'être une voix de premier plan du Sud global.
Pourtant, l'Inde de Modi se situe aujourd'hui à l'autre bout du spectre mondial. L'Inde est aujourd'hui perçue comme étant de mèche avec Israël et complice du génocide en cours. Cela n'est pas seulement dû au refus répété de l'Inde d'appeler à un cessez-le-feu immédiat à Gaza dans divers forums internationaux, mais aussi à l'implication d'entreprises indiennes comme le groupe Adani dans l'industrie et le commerce de l'armement israélien et à la convergence stratégique croissante de l'État indien avec Israël. Adani est condamné dans le monde entier pour sa complicité dans le génocide de Gaza. Parmi les nombreuses manifestations de solidarité internationale avec la Palestine, nous avons pu voir des enfants et des parents manifester au Science Museum de Londres contre le parrainage par Adani de la soi-disant "Green Energy Gallery", parce qu'Adani a sur les mains le sang des enfants tués dans le génocide de Gaza.
Nous pouvons voir comment le gouvernement Modi utilise les outils de surveillance israéliens pour étouffer la dissidence et persécuter ses opposants politiques. Ce n'est pas seulement le gouvernement Modi qui a développé des liens étroits avec le régime colonial des colons d'Israël dirigé par Netanyahu, divers gouvernements d'État dirigés par le BJP collaborent également avec Israël et imitent le modèle israélien de gouvernance répressive. En 2018, une délégation dirigée par le ministre en chef de l'Haryana, Manohar Lal Khattar, s'est rendue en Israël pour tirer les leçons de l'assaut israélien contre les manifestations de la Grande Marche du retour. Aujourd'hui, nous pouvons voir ces leçons en action dans l'Haryana, avec le gouvernement de l'Haryana qui attaque les agriculteurs qui manifestent avec des drones, les arrose de gaz lacrymogènes, tire avec des fusils à plomb et même des balles, et bloque les routes avec des barricades en béton, des clôtures en fil de fer barbelé et des clous. Du modèle du bulldozer qui a débuté dans l'Uttar Pradesh et qui est devenu le modèle universel de gouvernance du BJP, à ce modèle émergent de l'Haryana, l'empreinte israélienne est désormais indubitable et omniprésente.
L'État indien a pris sur lui d'assurer l'approvisionnement en travailleurs indiens pour remplacer les travailleurs palestiniens expulsés dans le secteur de la construction en Israël. Profitant de la montée du chômage en Inde, les gouvernements de l'Haryana et de l'Uttar Pradesh, dirigés par le BJP, jouent le rôle d'exportateurs de main-d'œuvre. Le phénomène de la main-d'œuvre sous contrat, qui date de l'époque coloniale, est de retour dans la nouvelle Inde de Modi pour servir les intérêts israéliens. Il est donc temps de cesser de traiter la question de la convergence stratégique de l'Inde avec Israël comme une simple question de politique étrangère. Il s'agit d'une question qui nous concerne au plus haut point. Le mouvement syndical indien doit s'élever avec force contre les implications désastreuses de la soumission stratégique de l'Inde à la machine de guerre américano-israélienne. Il est encourageant de voir la fédération des travailleurs de la construction et maintenant les travailleurs portuaires répondre à l'appel et refuser de servir la machine de guerre israélo-américaine et la campagne génocidaire contre le peuple palestinien.
Dans un passé pas si lointain, l'Inde avait l'habitude de faire cause commune avec les mouvements de libération nationale dans n'importe quelle partie du monde. Les souvenirs des actions de solidarité au Vietnam et au Bangladesh sont encore bien vivants. Aujourd'hui, dans le monde entier, des générations entières s'élèvent contre l'horreur du génocide à Gaza et soutiennent le droit du peuple palestinien à une Palestine libre. À Delhi et dans de nombreuses autres villes d'Inde, les gouvernements dirigés par le BJP empêchent les Indiens d'exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien. En effet, l'hindutva et le sionisme fonctionnent comme des jumeaux idéologiques et les Indiens sont mobilisés pour s'identifier à Israël et soutenir vocalement le génocide.
Les sionistes assimilent toute critique d'Israël à de l'antisémitisme, tandis que la brigade Hindutva qualifie toute critique du régime Modi d'acte anti-national et anti-hindou. Tout comme les universitaires et les écrivains du monde entier qui s'opposent au génocide et soutiennent la cause palestinienne sont accusés d'antisémitisme, les citoyens indiens d'outre-mer qui s'opposent aux politiques du gouvernement Modi et à l'agression fasciste de la brigade Sangh sont accusés d'activités anti-indiennes et d'hindouphobie et se voient retirer leur statut d'OCI. Le fascisme en Inde a trouvé un modèle idéologique et stratégique en Israël, et s'opposer à l'occupation israélienne de la Palestine et en particulier à la phase actuelle de la campagne génocidaire à Gaza doit donc être considéré non seulement comme notre devoir international, mais aussi comme une partie intégrante de notre tâche de vaincre le fascisme en Inde.