Le parti Alliance Sahra Wagenknecht déplace les données de la situation politique… mais dans la mauvaise direction.
Pour ceux qui ont été, pendant les deux dernières décennies, des membres actifs du parti Die Linke et de l’une des organisations qui l’ont précédé, l’« Alternative électorale travail et justice sociale » (WASG), la plupart du temps dans des fonctions dirigeantes, le congrès de fondation du parti Bündnis Sahra Wagenknecht (BSW), qui s’est tenu fin janvier 2024 à Berlin, avait l’air d’une réunion de famille où tout le monde se connaissait fort bien. Il y avait là près de 450 personnes, pour la plupart assez âgées, actives depuis plus de vingt ans dans Die Linke, le WASG et le PDS1, principalement des hommes et majoritairement « bio-Allemands »2. Beaucoup d’entre eux ont occupé jusqu’à ces derniers temps des fonctions rémunérées ou des places importantes au sein de l’appareil du parti ou de ses structures parlementaires ou gouvernementales.
Cette assemblée de membres fondateurs du nouveau parti a été soigneusement composée par un cercle de préparation sans légitimité démocratique : toutes les personnes qui voulaient en devenir membres n’ont pas été autorisées à le faire, loin de là – même des membres de longue date du Bundestag, comme Diether Dehm3, ont été refoulés. Mais ceux et celles qui ont été admis avaient pour la plupart un passé commun au sein de Die Linke. Il y a eu quelques exceptions exotiques, présentées comme des nouveaux venus avec une qualité particulière.
Une évolution droitière et bureaucratique
Dans un laborieux processus de différenciation, en grande partie opéré dans des luttes pour des postes ou pour des motions et amendements défendus à titre individuel lors des différents congrès de Die Linke, et prenant le plus souvent la forme de déclarations à la presse, d’interviews et de mises en cause personnelles, le groupe qui a abouti au projet BSW avait de facto décidé de ne plus vouloir être de gauche. Cela n’a pas été soutenu par un texte programmatique cohérent, il n’y a pas eu non plus de motions de principe ou de contre-propositions de fond présentées devant les conférences et les instances de Die Linke. La seule chose que l’on pouvait sentir, c’est une désolidarisation progressive vis-à-vis de Die Linke. Le manque de succès électoraux et les délétères batailles internes pour les places au sein du parti ont régulièrement alimenté cette frustration.
Les grandes questions politiques de l’époque – les menaces de guerre grandissantes, la destruction accélérée des conditions climatiques et de la biosphère, la progression des partis de droite, autoritaires et racistes, l’augmentation des migrations et des exodes à l’échelle mondiale en raison des conditions de vie que le capitalisme impose partout, les phénomènes de paupérisation même dans les pays à hauts salaires – ont bien sûr joué un certain rôle dans le processus d’érosion de ce parti de masse qui avait auparavant remporté des succès. Mais seulement de manière très indirecte, car au cœur de cette évolution se développaient, parmi les personnes salariées par Die Linke, ses groupes parlementaires et ses structures annexes, des luttes bureaucratiques.
Vers la différenciation et la rupture
On a assisté à la lutte de pouvoir entre l’appareil des groupes parlementaires et celui du parti, un phénomène qui a caractérisé la descente aux enfers de tous les partis de gauche l’ayant précédé. Dans ces affrontements, les regroupements changeaient au gré des considérations politiques du jour. Pendant plusieurs années, l’alliance, qu’on appelait le « fer à cheval », entre la gauche gouvernementale réformiste modérée – qui depuis les temps de la fondation de Die Linke n’était pas satisfaite du programme d’Erfurt (adopté au congrès de 2011) et aurait aimé y trouver une plus grande acceptation du capitalisme et du militarisme – et la tradition de la Plateforme communiste, figé dans la nostalgie de l’ex-RDA, ainsi que les partisan·es social-démocrates de la théorie du « capitalisme monopoliste d’État », a marqué le destin du groupe parlementaire et imprimé sa marque aux campagnes électorales. À un rythme plus rapide que les groupes parlementaires, les organes de direction du parti se sont transformés – un processus choisi consciemment et défendu contre toutes les tentatives de démocratisation – mais ont toujours été plus faibles que le pouvoir des groupes parlementaires. La grande majorité des 60 000 membres de Die Linke s’est trouvée de plus en plus mise à l’écart de toutes ces évolutions. Le parti comporte encore plus de 50 000 membres mais elles et ils sont toujours exclu·es des débats.
Ce processus d’érosion de Die Linke est désormais arrivé à un point de rupture. Un groupe autoproclamé d’anciens responsables s’est réuni à Berlin pour la réunion constitutive d’un nouveau parti. Des personnes politiquement très différentes se retrouvent, alors qu’elles n’avaient presque rien à se dire ces dernières années et ne se rencontraient que dans le cadre d’alliances tactiques.
La grande outsider Sahra Wagenknecht
Sahra Wagenknecht est la seule d’entre elles et eux à avoir, tout au long de ce cheminement, fait des choix affirmés et des déclarations programmatiques claires. Elle a décidé, au cours d’un long parcours de recherche personnelle, qu’une gauche qui se réclame du mouvement ouvrier, du marxisme, des processus révolutionnaires d’expropriation et de réappropriation, n’est plus adaptée à notre époque. Elle affiche haut et fort son « contre-programme » en tant que force « conservatrice de gauche », comme elle le définit elle-même, qui défend l’économie de marché, la méritocratie, le repli de la politique sur la nation, la réglementation de l’immigration, s’oppose au « délire sur les quotas et le genre », à la « protection exagérée du climat » et à tout ce « bric-à-brac ». Sur le plan théorique, elle pille sans vergogne les prédicateurs bourgeois de « l’économie sociale de marché », les maîtres à penser de la social-démocratie de droite et même parmi les positions nationalistes de la nouvelle droite dans sa lutte pour une « Allemagne normale ».
Par ailleurs, Sahra Wagenknecht n’a jamais mis en discussion ce « contre-programme » au sein de son parti. Aucun congrès du parti, aucune réunion du comité directeur, aucune assemblée générale de fédération locale n’a eu la possibilité d’en discuter avec elle. Il n’y a pas même pas eu de réunions fractionnelles des franges de Die Linke qui pouvaient faire siennes les nouvelles thèses de Wagenknecht.
Une star pour un projet droitier
La seule caisse de résonance aux thèses politiques de Sahra Wagenknecht, ce furent les grands médias qui n’ont rien à voir avec la gauche et qui, en Allemagne, sont traditionnellement antisocialistes et anti-communistes, tant dans le monde analogique que numérique. Par sa manière de se présenter, sa forme particulière de fermeture politique, mais aussi par ses talents rhétoriques, Sahra Wagenknecht possédait de nombreux atouts pour devenir une vedette médiatique néanmoins aujourd’hui presque usée jusqu’à la corde.
Cette vedette médiatique joue brillamment tous les rôles à la fois : témoin clé contre la vieille gauche conventionnelle et le mouvement ouvrier, caution de gauche à la terrible politique d’expulsion et de verrouillage à l’encontre des migrant·es, opposition aux protestations sociales contre la destruction du climat et pour la justice sociale à l’échelle mondiale, et prêtresse d’une nouvelle « promotion du bon sens », ancrée dans les années cinquante en lieu et place de la lutte des classes. Sa « critique » du « mauvais » capitalisme, du capitalisme avide, est volontiers appréciée dans les séminaires de managers et les réunions de lobbyistes.
La vedette médiatique Sahra Wagenknecht a des centaines de milliers de partisans ; la grande majorité d’entre eux sont aussi « conservateurs de gauche » que Wagenknecht elle-même, mais plus crûment et grossièrement. Avec son attitude et ses théories, elle ne permet aucune évolution vers la gauche, seulement une cristallisation de positions politiques dans l’espace politique de droite. Elle couvre un champ qui a été individualisé et atomisé par la réalité capitaliste, qui est imprégné de déceptions sociales et pour qui le style vulgaire de l’« Alternative für Deutschland » est inacceptable.
« Nous ne voulons plus être de gauche »
Parmi les anciens responsables de Die Linke qui se sont réuni·es à Berlin pour la fondation de BSW, rares sont ceux qui trouvent convaincant la bouillie indigeste que constituent les thèses politiques de Sahra Wagenknecht. Mais tous et toutes apprécient l’éclat médiatique qui l’entoure.
Il leur est bien utile dans leurs efforts, qui ne relèvent pas du conservatisme de gauche mais du conservatisme organisationnel, pour poursuivre ou relancer une carrière de fonctionnaire. Il alimente les rêves de voir le succès politique revenir sans se donner trop de mal. En même temps, les « théories » et les apparitions publiques de cette vedette médiatique sont si ambivalentes et opportunistes qu’elles donnent à un large éventail d’options politiques l’espoir que, tôt ou tard, les choses iront à nouveau dans la direction souhaitée : les éternels social-démocrates formé·es à l’école du capitalisme monopoliste d’État, les ancien·es permanent·es de la Plateforme communiste et du Parti communiste d’Allemagne de l’Ouest fidèle à la RDA, les stalinien·es membres du SED pendant des décennies, les ancien·es responsables de syndicats qui croit toujours autant aux lubies sur le partenariat social.
Lors de cette réunion berlinoise, il n’a été question ni de réfléchir ni de poser des fondations, mais seulement d’applaudir et de confirmer ce qui avait été convenu lors des discussions antérieures. Le reste n’était que mise en scène médiatique. La dernière décision prise lors de ces réunions préliminaires fut de ne plus s’adresser les uns aux autres en utilisant le terme de « camarade », mais de s’appeler « ami·e ». Le plus effrayant n’était pas ce nouveau vocabulaire, mais le fait que ce changement de costume se soit déroulé sans accroc. Personne n’a fait la moindre erreur, même celles et ceux qui, la veille encore, utilisaient couramment les dénominations anciennes.
Une dérive sans retour
Les autres conclusions du congrès fondateur étaient également écrites à l’avance. Il n’y a pas eu de candidats alternatifs aux postes de direction ni concernant la liste pour les élections européennes. Aucune question n’a été posée aux candidat·es. À l’exception de celui de l’ex-maire de Düsseldorf Thomas Geisel (qui n’a obtenu que 66 %), visiblement perçu comme un social-démocrate réactionnaire inhabituel, tous les votes ont été « gagnés » à plus de 90 %. Le programme pour les élections européennes a été approuvé sans débat ni vote contre.
Une assemblée de gens qui hier encore se réclamaient de la gauche a donc décidé qu’à partir d’aujourd’hui, ils ne veulent plus être de gauche, mais seulement des gens « raisonnables ». C’est ce genre d’abjuration qui, d’une part, est appréciée du monde des médias bourgeois parce qu’ils aiment la trahison mais pas les traîtres, et qui, d’autre part, signifie que l’on s’engage sur une piste glissante qui ne ramènera en aucun cas à des positions de gauche, solidifiée, mais conduira au contraire à des positions toujours plus droitières et à la validation du système en place.
Processus politiques et dynamiques sociales
Lorsque à la fin des années soixante-dix, les fondations du parti Les Verts ont été établies, son cri de guerre était également « Nous ne sommes pas à droite, pas à gauche, mais en avant ». Un nombre important d’ancien·es dirigeant·es d’organisations de gauche le proclamaient également, même si leur force de persuasion était moindre que celle de Petra Kelly par exemple. Mais cette rupture avec le passé s’est heurtée à un large sentiment, marqué par les mouvements anti-nucléaire, écologiste, pacifiste et féministe, qui garantissait que le nouveau parti ne pouvait se développer que vers la gauche. Les forces de droite se sont très vite détachées et, jusqu’en 1986, Les Verts n’ont cessé globalement d’évoluer vers la gauche. Ce n’est qu’ensuite que cette tendance a commencé à s’inverser pour en arriver à l’officine militariste que sont désormais les Verts.
La création de Die Linke a également démarré par la rupture de nombreux sociaux-démocrates et conservateurs du PDS avec leur tradition, et plus d’un craignait que l’union de la WASG et du PDS conduise à un abandon des positions bien établies et à une évolution vers la droite. C’est le contraire qui s’est produit : sur fond de luttes sociales effectives contre Hartz IV et aussi contre la destruction de l’environnement, Die Linke est devenue une force capable d’obtenir des succès, dont la seule perspective de développement se trouvait sur la gauche. Ce processus n’a été inversé que par la croissance des forces structurellement conservatrices au sein du parti et le recul des mouvements sociaux, ce qui a redonné vie aux anciennes forces de droite au sein du parti, une évolution que nous, le courant du parti appelé Gauche anticapitaliste, avons largement décrite et critiquée.
Un processus inéluctable
Maintenant, une nouvelle tentative est donc engagée en clamant ne plus vouloir être à gauche, mais seulement « en avant » et raisonnables. Mais cela correspond à une adaptation, à un déplacement vers la droite, en pleine expansion, à une échelle de masse. Cela ne peut pas conduire à un retour à des positions de gauche. Le parti BSW n’est donc pas – contrairement à ce que certains déclarent aujourd’hui – une étape de transition vers un nouveau parti de masse de gauche, mais le début d’un aplatissement théorique et d’une adaptation politique toujours plus poussée vers la droite. La pente glissante vers la droite est toute tracée et de nombreux membres du BSW sont davantage attiré·es par des centaines de milliers de partisans sur la droite que par des positions de gauche qui ont pu être les leurs par le passé.
Toute la construction du BSW en tant que projet médiatique artificiel et la focalisation des débats stratégiques sur les élections et les sondages électoraux ne feront que renforcer cette évolution.
La paix comme thème fédérateur
On prétend – et ce n’est pas totalement faux – que c’est la position commune contre la guerre qui constitue le thème central et fédérateur de BSW. Mais la question est de savoir jusqu’où va cette communauté de vues. Contrairement à Die Linke et à son programme toujours d’actualité – qui, contrairement aux affirmations de BSW, a été confirmé lors de tous les congrès du parti –, BSW, ou plutôt la dirigeante qui lui donne son nom, ne présente pas la guerre comme le résultat des rapports de production capitalistes, mais seulement comme un « échec politique ». Cela se limite donc à une critique morale qui n’a pour ainsi dire aucune portée pratique. L’appel anti-guerre de Sahra Wagenknecht et d’Alice Schwarzer, signé par près d’un million de personnes, a fait long feu. Il n’a permis de créer ou de renforcer aucune initiative durable contre la guerre. Un coup d’œil sur le programme de BSW pour les élections européennes, dans lequel est évoquée une plus grande apparition autonome de l’Union européenne, laisse craindre l’introduction par la petite porte de la vieille proposition d’Oskar Lafontaine relative à la création d’unités militaires propres à l’Union européenne, ou du moins franco-allemandes.
Dans une longue déclaration, le courant Gauche anticapitaliste de Die Linke a qualifié à juste titre BSW de « vaisseau fantôme social-démocrate de droite »4. On y peut lire :
« La réponse que Sahra Wagenknecht et le groupe de membres de Die Linke rassemblés autour d’elle veulent donner à la crise de Die Linke, est fausse à tous égards et on ne peut qu’espérer que le projet qu’il véhicule trouvera une fin rapide.
• L’association qui porte le projet du BSW cherche à se sauver des effets du parlementarisme en se limitant au parlementarisme. Il rassemble autour de lui un groupe de parlementaires dont le lien avec le parti est en grande partie rompu et qui cherchent à compenser cela en vociférant contre le comité directeur du parti. Les initié·es savent que les membres de ce groupe n’avaient pas grand-chose à se dire sur la plupart des questions politiques par le passé. La première hypothèse qui prévaut est donc que ce sont des personnalités de premier plan de Die Linke, bien dotées sur le plan parlementaire, qui sont en train de gérer leur propre avenir.
• La création de l’association BSW est une entreprise opaque pilotée d’en haut, à laquelle ne sont associés que ceux et celles qui sont agréé·es par le sommet. Voilà donc une démolition délirante de ce qui restait de prétention à un fonctionnement régi par les principes de la démocratie à la base. Après 170 ans d’expérience du mouvement ouvrier, on sait qu’il est quasiment impossible de construire un parti de gauche uniquement à travers des campagnes électorales, mais essayer de le faire sur la base de coups médiatiques concoctés par un groupe restreint signifie une seule chose : ce qui en résultera sera tout sauf une organisation de gauche.
• Comme préambule à son programme d’Erfurt, Die Linke avait choisi (à la demande personnelle d’Oskar Lafontaine) le poème de Bertolt Brecht, « Questions d’un ouvrier qui lit ». Il y montre parfaitement que seules les millions de personnes qui s’opposent activement au pouvoir des millionnaires en construisant une alternative pourront le briser. Le récit historique organisé autour du grand dirigeant éclairé n’est qu’un tissu de mensonges. Face à cela, on reste tout simplement stupéfait de voir comment des militant·es de gauche adultes et cultivé·es peuvent adopter pour leur nouvelle association un schéma de construction qui n’a rien à envier au culte de la personnalité.
• La focalisation sur le culte de Sahra Wagenknecht – qui est bien plus qu’un simple choix de nom pour attirer l’attention du public – sera en même temps le point de départ funeste à partir duquel les médias – qui font en ce moment la promotion du club BSW avec des accents euphoriques et le caressent dans le sens du poil à coups de sondages – manipuleront sans pitié cette nouvelle formation et finiront par la faire passer à la trappe.
Ce projet, qui sera probablement pire que le précédent, Aufstehen (« debout », NdT), se soldera lui aussi par un désastre politique et une tragédie personnelle.
• Les bases programmatiques de l’association « Alliance Sahra Wagenknecht - pour la raison et la justice » ne semblent pas jouer un grand rôle lors de sa création. Cela a déjà été tour de force de produire un tel ensemble de textes sans contenu ! Quiconque consulte le site web du BSW et fait l’effort de lire les fondements de l’association trouvera, à côté du bâtiment du Reichstag à Berlin décoré de drapeaux allemands (au moins, le BSW n’a pas commis l’erreur embarrassante de la CDU et a pris une vraie photo du bâtiment), de courts textes sur les prétendus “thèmes importants”.
Dans ces textes, tout ce qui établissait un lien programmatique avec la gauche a été effacé. Il s’agit de positions qui peuvent être adoptées aveuglément par n’importe quel parti bourgeois. Il y est question de l’Allemagne en tant que site de production industrielle, de la méritocratie, de salaires qui tiennent compte des performances, d’une économie de marché innovante, d’entreprises allemandes qui inventent les technologies permettant de faire reculer le changement climatique, d’honnêteté et de bon sens – et ainsi de suite, comme si les années cinquante étaient de retour. Un retour vers le futur dans la voiture volante de Wagenknecht. Et bien sûr, l’une des rares exigences concrètes ne doit pas manquer : “l’immigration en Allemagne doit être régulée et limitée”. C’est tellement isolé et concret dans ce fatras de mots que le soupçon naît que cela pourrait bien être le sens principal de toute l’opération ».
Tout est encore valable dans cette critique. Le BSW obtiendra peut-être quelques succès initiaux au niveau électoral, mais ce ne sera pas le succès d’un parti de gauche et cela ne favorisera pas non plus l’émergence d’un tel parti de gauche. En même temps, il est à craindre que toute la structure du projet BSW, conçu fondamentalement comme une opération de relations publiques, l’absence totale de démocratie, les bases et les principes programmatiques et stratégiques totalement déficients, tout cela favorisera les démarches visant à manipuler ce projet de l’extérieur, à augmenter la pression de la droite et à déclarer l’échec ainsi provoqué, malgré tout et une fois de plus, comme un échec de Die Linke. En ce sens, le destin de la gauche allemande et européenne est malheureusement lié à celui du BSW et ses défaites auront des répercussions au-delà du BSW.
Cologne, le 4 février 2024
Thies Gleiss, ajusteur de machine de formation et militant à IG Metall, membre des Amis de la nature, membre fondateur de WASG et Die Linke, membre de la Gauche anticapitaliste.
Traduit par Pierre Vandervoorde.
- 1Die Linke (La Gauche) est un parti de gauche né de la fusion en 2007 du Parti du socialisme démocratique (PDS, ex-SED, parti officiel de la République démocratique allemande) et de l’Alternative électorale travail et justice sociale (WASG, regroupement en 2005 de la gauche social-démocrate, des syndicalistes et de secteur d’extrême gauche ouest-allemande à la suite des mobilisations contre les lois Hartz de contre-réformes du travail).
- 2« Bio-deutsch », terme initialement ironique désignant les Allemands sans origines étrangères, qu’on aurait pu traduire par « Allemands de souche ». Le terme est désormais repris par la droite allemande.
- 3Chanteur, membre du SPD puis de Die Linke, il a été refoulé de l’assemblée mais est cependant membre du BSW.
- 4« Le vaisseau fantôme social-démocrate », « Sozialdemokratisches geisterschiff », site de Antikapitalistische Linke.