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Bruit, fureur et élections de mi-mandat

par David Finkel
é www.flickr.com/photos/secdef/36979517836/

Les résultats très discutés des élections étatsuniennes de mi-mandat représentent, à mon avis, un " rééquilibrage » plus qu'une " transformation ».

Il est bien sûr significatif que la mainmise républicaine d'extrême droite sur les deux chambres du Congrès ainsi que sur la présidence soit brisée par la nouvelle majorité démocratique à la Chambre des représentants. Mais après le bruit et la fureur, il est également important d'en comprendre certaines limites.

Synthèse

Pour commencer, imaginons le scénario si l'élection de 2016 n'avait pas produit une victoire plutôt due à un coup de chance de Donald Trump dans le collège électoral. Dans ce cas, après deux années de néolibéralisme stagnant sous une présidence impopulaire d'Hillary Clinton, nous aurions probablement assisté à une " vague rouge » massive des Républicains, consolidant leurs très larges majorités au Congrès et à la Chambre des représentants (surtout avec plus de deux dizaines de sièges des démocrates au Sénat en jeu).

Au lieu de cela, le facteur clé de ce mois de novembre a certainement été la répulsion de masse contre la performance grotesque du régime Trump - un spectacle que sa base adore mais qui rebute quasiment tous les autres. C'est important que la participation des électeurs afro-américains et latino-américains ait augmenté, par réaction contre la modification raciste des listes électorales et les atrocités anti-immigrés de Trump, de même que l'impressionnante participation électorale des jeunes, qui offre un potentiel progressif pour l'avenir. Les plans des Républicains visant à " réformer » (c'est-à-dire détruire) la sécurité sociale, les assurances santé Medicare et Medicaid ainsi qu'à éliminer ce qui restait des protections de soins de santé de l'Obamacare ont à l'évidence constitué un facteur très important de leur défaite.

L'augmentation du nombre de femmes élues au Congrès est certes positive, même si leur proportion reste médiocre au regard des normes de la plupart des pays " avancés » et de certains pays du " tiers monde ». Ce qui serait essentiel pour qu'un résultat électoral soit perçu comme un facteur de transformation, c'est un contexte de forte mobilisation sociale. Qui n'a pas eu lieu lors de cette élection.

Malgré la participation héroïque aux manifestations contre l'interdiction de voyager imposée par Trump aux musulmans, aux marches des femmes et à #MeToo, au Movement for Black lives (Mouvement pour la vie des Noirs), aux actions en faveur des immigrés et à bien d'autres, c'était surtout des flambées épisodiques qui n'ont pas encore généré de puissantes campagnes autonomes. Plus important encore, il n'y a pas une toile de fond de militantisme ouvrier massif, même si les grèves des enseignants, le rejet par la base d'UPS d'un accord pourri, la lutte généralisée pour les 15 dollars et les autres efforts d'organisation sont des signes vitaux très encourageants.

Le fait qu'un important groupe d'électeurs de la classe ouvrière blanche reste dans le camp de Trump reste une réalité politique qui donne à réfléchir, pour laquelle le Parti démocrate dirigé par les entreprises n'a pas de message alternatif significatif.

D'autre part, le fait que la suppression d'électeurs soit maintenant reconnue et discutée ouvertement, après avoir été si longtemps sous le radar, est à mon avis une évolution majeure. Au moment d'écrire ces lignes, une élection majeure - celle du gouverneur de Géorgie - a été volée par le retrait frauduleux de dizaines de milliers de citoyens noirs des listes électorales. Sous le feu des projecteurs, il devrait être plus difficile de répéter ce niveau de tricherie flagrante malgré le fait que la Cour suprême a vidé de sa substance la loi sur le droit de vote.

Quels que soient les résultats contestés en Floride cette fois-ci, le rétablissement du droit de vote des ex-détenus changera la démographie électorale de cet État.

Dans mon État d'origine, le Michigan, les propositions référendaires visant à garantir l'accès au vote et à mettre fin à la manipulation partisane absurde des circonscriptions législatives ont été adoptées à une large majorité (tout comme la légalisation de la consommation de marijuana). Reste à savoir si la défaite de l'exécrable gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, pourrait soulever la question de la suppression des électeurs.

La réalité générale de ce rééquilibrage à mi-parcours est que les électeurs sur lesquels les stratèges démocrates ont bêtement compté en 2016 - caricaturés en tant que " femmes blanches diplômées des banlieues » - se sont vraiment détournés d'eux cette année après deux ans du spectacle Trump. Ce qui s'est retourné en 2018 peut bien sûr se retourner la prochaine fois - mais à l'heure actuelle, penser à des scénarios pour 2020 est plus que ce que l'auteur peut supporter.

Pour un aperçu incisif des résultats mitigés à mi-parcours et de ce qu'ils peuvent laisser présager, un article utile de Matt Karp est paru dans Jacobin (1).

La gauche et l'avenir

Qu'en est-il de la gauche dans ces élections ? Avec regret, nous devons noter que le Parti vert n'a pas obtenu de bons résultats, bien que le candidat socialiste des Verts au poste de gouverneur de New York, Howie Hawkins, mérite des félicitations pour avoir préservé par son score le statut du parti.

Synthèse

Une déclaration des Socialistes démocratiques d'Amérique (2) célèbre une modeste percée victorieuse d'une douzaine de ses membres, dont celle des candidatures à la Chambre fédérale d'Alexandra Ocasio-Cortez à New York et de Rashida Tlaib dans le Michigan, ainsi qu'une liste substantielle des candidatures victorieuses, soutenues par DSA au niveau des États et des localités.

La présence d'une poignée de ceux qui se proclament socialistes démocratiques et d'un nombre important de libéraux de gauche signifie que " l'aile progressiste » du Parti démocrate aura une niche solide dans le parti. Ils offriront un visage attrayant à une partie de sa base électorale et pourront jouer un rôle important dans la rédaction du document le plus insignifiant qu'est la Plateforme 2020 de ce parti.

Rien de tout cela ne changera la réalité du Parti démocrate qui est en pratique subordonné au pouvoir des entreprises et de Wall Street, et qui est leur outil. Ses prises de position relativement progressistes (c'est-à-dire par rapport aux politiques vicieuses des Républicains qui s'alignent sur la droite religieuse fondamentaliste) sur des questions sociales ne font que dissimuler ce fait sous-jacent.

Nous devrons voir si les démocrates progressistes, et tous les autres politiciens qui prennent le premier amendement au sérieux, se révolteront contre la loi interdisant le boycott d'Israël, qui vise à paralyser et à criminaliser le militantisme BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) des étudiants et des communautés.

Il ne fait aucun doute que cette élection sera suivie d'une cacophonie croissante autour des bouffonneries quotidiennes du grand crétin de la Maison-Blanche, des guerres civiles dans son aile ouest, des tentatives d'arrêter les enquêtes de Mueller, des bavardages stériles sur la destitution, et ainsi de suite. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'aussi bien au lendemain de l'élection, lorsque les recomptages des votes et les recours en justice prendront fin, qu'en janvier prochain, lorsque le nouveau Congrès se réunira, les crises fondamentales demeurent.

Synthèse

Sous l'impact des catastrophes causées par les changements climatiques, la Californie brûle et les villes de Floride et des Carolines sont toujours en train de subir la destruction causée par les ouragans, tout comme la nation insulaire de Porto Rico. À la frontière américaine, des crimes d'ampleur mondiale sont commis contre des demandeurs d'asile enfermés dans des camps de détention alors que le règne de terreur de l'ICE (3) souffle sur les communautés immigrées. Au Yémen, des centaines d'enfants meurent chaque jour de faim sous les bombes et les avions saoudiens fournis par les États-Unis. Les étudiants s'endettent, les familles sont dévastées par les saisies immobilières et les coupures d'eau, et les salaires stagnent alors même que le chômage officiel atteint son niveau " record » le plus bas et que les profits des entreprises explosent.

Les élections ne changent pas ces réalités - certainement pas automatiquement. Il faut une mobilisation soutenue et une action de masse pour le faire.

17 novembre 2018

* David Finkel est rédacteur de la revue Against the Current, publiée par l'organisation socialiste étatsunienne Solidarity (sympathisante de la IVe Internationale). Cet article a d'abord paru sur son site web : https://solidarity-us.org/sound-fury-and-the-midterms/

notes
1. Nous reproduisons cet article dans ce numéro.

2. Les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA) ont décidé de soutenir ou présenter des candidatures du Parti démocrate soit au niveau de leur direction nationale, soit au niveau de leurs directions locales. Outre un certain nombre d'élus locaux, ils ont obtenu deux députées au Congrès national des États-Unis et 11 élus dans les chambres haute ou basse des États fédérés (Colorado, Dakota du Nord, Hawaï, Maine, Maryland, New York, Pennsylvanie, Rhode Island). Présentés nationalement par DSA, ont été élus : Alexandria Ocasio-Cortez (députée de New York au Congrès national), Mike Sylvester (Chambre des représentants de l'État du Maine), Gabriel Acevero et Vaughn Stewart (Chambre des délégués de l'État du Maryland), Julia Salazar (Sénat de l'État de New York), Summer Lee, Sara Innamorato et Elizabeth Fiedler (Chambre des représentants de l'État de Pennsylvanie). Présentés/soutenus localement ont été élus : Rashida Tlaib (députée du Michigan au Congrès national), Julie Gonzales (Sénat de l'État de Colorado), Amy Perruso (Chambre des représentants de l'État de Hawaï), Ruth Buffalo (Chambre des représentants de l'État de Dakota du Nord), Sam Bell (Sénat de l'État de Rhode Island). Cf. Déclaration des Socialistes démocratiques d'Amérique : https://www.dsausa.org/statements/npc-statement-on-2018-elections/

3. Immigration and Customs Enforcement (ICE, Contrôle de l'immigration et des douanes) est une agence d'État créée en 2002 par la loi qui a mis en place le Département de Sécurité intérieure et a regroupé plusieurs organismes frontaliers et fiscaux au sein de l'ICE, son organe d'enquête le plus important. Elle fait partie du Groupe de travail conjoint chargé du terrorisme.

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Auteur·es

David Finkel

David Finkel est rédacteur en chef de la revue de l’organisation socialiste Solidarity des États-Unis, Against the Current et membre actif de Jewish Voice for Peace (JVP). Cet article a été publié dans Against the Current n°227, novembre-décembre 2023 (traduit de l’anglais par AL).