Fini le suspens : appelés à se prononcer, les membres du SPD social-démocrate ont accepté que leur parti participe en tant que en partenaire junior et pour la troisième fois à un gouvernement mené par la CDU/CSU (conservateurs chrétiens), dirigé par la chancelière Angela Merkel.
À peu près trois quarts des membres du SPD ont participé au scrutin qui s'est terminé par près de 240 000 voix pour le " oui » et 123 000 pour le " non ». Donc 66 % contre 34 % des membres ayant participé au vote ont soutenu le projet de la 3e " grande coalition ». Cela peut paraître une majorité confortable et les dirigeants du SPD ont réagi en exprimant leur soulagement. Mais en même temps tous les commentateurs - et les dirigeants du SPD le concèdent dans les interviews sur le vif - soulignent que le parti reste divisé sur les choix à faire. Une grande partie des membres s'étant prononcéÃes pour le " oui » l'ont très probablement fait non pas en étant convaincuÃes du projet, mais pour éviter une crise potentiellement mortelle de leur parti. Et Sven Kühnert a souligné que " la critique reste en vigueur ».
Synthèse
En effet, il ne coule pas de source de voir le SPD surmonter sa crise électorale en participant au gouvernement. Andrea Nahles, anciennement située sur la gauche du parti et dans son centre actuellement, est désignée à la fois en tant que dirigeante de la fraction au Bundestag et chef du parti. Son rôle sera de défendre le profil du parti, puisqu'elle ne sera pas membre du gouvernement. Mais comment imaginer la réussite de ce projet alors que les six ministres SPD dans le nouveau gouvernement agiront en toute discipline avec la chancelière chrétienne-démocrate Angela Merkel qui, en politicienne habile, saura réclamer tout succès pour elle-même et son parti, tandis que toutes les mesures antisociales et impopulaires seront imputées au SPD par son électorat.
Olaf Scholz, situé bien à la droite du SPD, est désigné ministre des Finances, prenant la succession de Wolfgang Schõuble de la CDU. Or, dans ce domaine surtout, il n'y aura pas de changement de ligne politique, mais continuité de politique néolibérale de " discipline budgétaire de fer », tant pour la politique intérieure que au sein de l'UE. Les quelques petites promesses d'amélioration dans le domaine du social dans le contrat négocié avec la CDU/CSU sont mises sous réserve de financement. Et en matière de politique vis-à-vis des réfugiés, le SPD n'a presque rien obtenu dans les accords. Pour la politique climatique, les accords signifient même une régression, en comparaison avec la politique de l'ancienne coalition, car les objectifs climatiques déjà largement insuffisants sont repoussés aux calendes grecques.
À noter la déclaration de Dietmar Bartsch - porte-parole de la fraction parlementaire de Die Linke (La Gauche) avec Sahra Wagenknecht, se situant sur la droite gouvernementaliste de son parti - disant que " le projet de la coalition rouge-rouge-verte est mort » avec la décision du SPD de poursuivre la " grande coalition ». L'option à terme d'un gouvernement de coalition du SPD, des Verts et de Die Linke, n'est donc plus ressentie comme réaliste… même par ses plus chauds partisans au sein de Die Linke.
Bernd Riexinger, porte-parole de Die Linke au côté de Katja Kipping, a appelé à un nouvel élan, une nouvelle offensive de la gauche. C'est vrai que c'est l'enjeu majeur. Mais la manière de le faire est controversée au sein du parti. Sahra Wagenknecht et Oskar Lafontaine proposent un nouveau " mouvement de gauche » (à l'image de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon), tout en faisant des concessions à la démagogie de l'AfD ultra-droitière en déclarant que " les frontières ouvertes » sont un " slogan néolibéral » et qu'il faut " défendre les intérêts » des salariés et des laissés-pour-compte allemands. Les courants de droite et de gauche dans Die Linke sont d'accord pour rejeter une telle politique, qui mettrait le parti lui-même en danger.
Synthèse
Par ailleurs, jusqu'à nouvel ordre, il n'y a pas de signes qu'un nombre un tant soit peu important de membres du SPD (ou d'autre partis) se montrent enclins à suivre la voie proposée par Wagenknecht et Lafontaine. Une opposition sérieuse au sein du SPD devrait mettre en avant une rupture claire et nette avec la politique de l'agenda 2010 de Gerhard Schröder. Les partisans du NoGroko joueront-ils un tel rôle ? Ce n'est pas encore acquis. ■
Cologne, 4 mars 2018
* Manuel Kellner est membre de l'Internationale Sozialistische Organisation, section allemande de la IVe Internationale et de Die Linke ainsi que rédacteur de la Sozialistische Zeitung (SoZ).