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Sans travail, sans maison… mais sans peur !

par
Madrig, Plaza del sol, dimanche 15 mai.

Des milliers de manifestants ses ont rassemblés dimanche 15 mai dans le centre de Madrid, répondant à des appels refuser de payer les frais de la crise. Depuis, ils occupent toujours la place de Puerta del Sol. Le chômage touche 44,6% des moins de 25 ans en Espagne.

Ramón Pedregal : Qu'es-ce que " Juventud Sin Futuro » (JSF) ?

Víctor Valdés : " Juventud Sin Futuro » a été créé comme un espace de coordination entre les associations critiques et de base des universités publiques de Madrid. Dans le passé, nous avons travaillé au coude à coude dans différents mouvements et luttes, comme le mouvement d'opposition au Plan Bologne ou dans la participation active à la grève générale du 29 septembre 2010. Nous avons décidé de faire un pas en avant, de nous organiser à une autre échelle et lancé " Juventud Sin Futuro » comme plateforme capable de rassembler et d'exprimer la rage qui vit dans la jeunesse précaire et estudiantine. Nous voulons clairement faire savoir que nous refusons de payer leur crise.

Ramón Pedregal : Comment en est-on arrivé à l'organisation du dimanche 15 mai par " Democracia Real íya! » et " Juventud Sin Futuro », avec des slogans tels que " Sans Travail, Sans Maison, Sans Peur » et pourquoi une telle initiative ?

Víctor Valdés : L'événement du 15 mai suppose un point de départ et une suite. Le 7 avril dernier, nous étions déjà sortis dans la rue, avec le soutien de plusieurs collectifs sociaux et politiques, afin d'exprimer notre rejet face à toutes les attaques orchestrées par les élites économiques, comme par exemple la réforme des pensions (reculant l'âge de la retraite à 67 ans, NdT), qui frappent durement ceux d'en bas. Le succès du 7 avril a été inespéré.

Nous avons décidé ensuite de soutenir activement la mobilisation citoyenne du 15 mai, lancée par la plateforme " Democracia Real Ya! ». Le travail réalisé jusqu'au 15 mai a été très intense et, comme on l'a vu, il a donné ses fruits. Nous avions décidé de garder les slogans utilisés pour la précédente manifestation, car nous pensons qu'ils correspondent parfaitement aux nécessités et exigences des jeunes dans tout l'État espagnol. A notre agréable surprise, ce furent surtout les mots " Sans Peur » qui ont été très repris et qui sont devenus emblématiques de ce mouvement.

Ramón Pedregal : Il y a eu des milliers de personnes et parmi elles nombreuses sont celles qui n'ont jamais participé aux manifestations contre la crise. On notait sur les pancartes et les calicots certains messages qui le confirment. Quel bilan tirez vous de cette participation ? Peut-on dire qu'on a brisé, ou commencé à se fissurer, l'absence de confiance vis-à-vis de l'action collective qui prédominait chez pas mal de gens ?

Víctor Valdés : Il est évident qu'il y a un secteur social qui a perdu la confiance vis-à-vis des structures traditionnelles de mobilisations. L'exemple le plus clair est celui des syndicats majoritaires et de leur politique de collaboration et de compromission. Autrement dit, quand une organisation syndicale cesse de remplir sa fonction, dans ce cas la défense des intérêts de la classe ouvrière, elle perd son efficacité.

C'est pour cela que ce secteur social s'est levé de sa chaise pour sortir dans la rue et que cette manifestation s'est centrée autour du mot " citoyenneté », car cela est clair pour tout le monde et concerne tout le monde. C'est un mouvement de et par des gens indignés qui ont su canaliser le mécontentement populaire.

D'autre part, avec cette action collective à laquelle un vaste secteur social a participé, il ne fait pas de doute qu'il y a une prise de conscience sur le fait que nous sommes bien plus forts que nous ne le pensions. Je me rappelle qu'un des slogans les plus criés était " le peuple, uni, jamais ne sera vaincu ».

Par rapport à la participation numérique, tout ce que je peux dire personnellement (nous n'avons pas encore fait une évaluation sur ce point dans JSF) c'est que cela représentait au moins la moitié des participants aux manifestations pendant la grève générale.

Ramón Pedregal : Quelle a été l'attitude des autorités ? Pourquoi, selon toi, lorsque les gens protestent dans la rue, les juges, les policiers et le ministère de l'Intérieur s'attaquent aux jeunes alors qu'ils ne font rien contre les banquiers responsables de la ruine sociale ?

Víctor Valdés : Ceux qui composent " l'État de droit » et qui devraient rendre la justice sont parfois soumis à des groupes de pression capitalistes. A mon humble avis, ils devraient plutôt juger et condamner ceux qui provoquent les injustices sociales vus qu'ils sont, qu'ils le veuillent ou non, ceux qui sont chargés d'administrer la justice. La voix des sans voix doit être représentée à tout moment et respectée. Si ce n'est pas le cas, alors c'est que quelque chose ne tourne pas rond. C'est d'autant plus le cas quand la majorité sociale n'a aucun écho dans les grands médias qui façonnent l'opinion.

Concrètement, par rapport aux jeunes, on a créé un climat de discrédit par rapport à notre situation. Il y a le fameux " ninisme » selon lequel les jeunes dans ce pays ne veulent ni étudier, ni travailler. Il s'agit certainement du plus vil des mensonges depuis des années au vu du fait que nous avons un des taux d'abandon scolaire le plus haut d'Europe et que le chômage des jeunes atteint 45 %. Ce n'est pas que nous ne voulons pas, la réalité c'est que nous ne pouvons pas étudier et qu'ils ne nous laissent pas travailler.

Ramón Pedregal : 24 manifestants ont été arrêtés le 15 mai et il y a eu des charges policières qui ont rappelé l'époque de la dictature…

Víctor Valdés : A " Juventud Sin Futuro » nous condamnons de manière énergique la brutale et démesurée répression policière qui a frappé la fin de la marche et nous nous solidarisons avec les personnes blessées et arrêtées.

Ramón Pedregal : A la tête de la manifestation se trouvait des jeunes avec des pancartes en forme de couvertures de livres et avec des titres d'ouvrages qui défendent une conscience sociale critique. Les livres critiques offrent-ils une perspective, ensemble avec la mobilisation ?

Víctor Valdés : Il faut remarquer que ces pancartes, les " Book Block », sont un clin d'œil aux différentes luttes étudiantes et de la jeunesse précaire qui ont eu lieu dans plusieurs pays d'Europe où ils sont également utilisés dans les luttes.

Les jeunes lisent aussi. Il existe un lien entre la conscience que nous apporte quelque chose d'aussi fondamental qu'un livre et la défense de la culture et du savoir face aux plans de marchandisation de l'université et de l'enseignement en général. C'est pour cela que "Juventud sin Futuro » a décidé de mettre en première ligne un " Book block ».

Ramón Pedregal : Quelle est l'avenir de la jeunesse et de l'ensemble des travailleurs après la mobilisation du 15 mai ?

Víctor Valdés : L'avenir de la jeunesse et des classes populaires passe par la résistance, par la lutte et par l'affrontement clair et direct avec les élites économiques capitalistes et la classe politique dominante.

Il passe par l'exigence de faire marche arrière dans la réforme des pensions, pour une redistribution des richesses, pour donner un coup d'arrêt à la marchandisation de l'enseignement, pour exiger un loyer social et universel pour que nous ayons le droit à un logement digne, pour l'abrogation de la réforme du droit du travail qui permet qu'on se fasse licencier injustement quand nous ne sommes plus rentables pour les entreprises. " Parce que vous nous avez enlevé trop de choses, maintenant nous voulons tout ! »

L'organisation, l'implication et la réappropriation des espaces publics sont autant d'éléments essentiels pour que le mouvement social se cimente correctement et avance uni et sans fissures. ■

* Víctor Valdés est porte-parole du collectif " Juventud sin futuro » (" Jeunesse sans avenir »), membre de la plateforme " Democracia real, ya » (" Véritable démocratie, maintenant »). Cet entretien a été réalisé par Ramón Pedregal pour www.rebelion.org.

traducteur
www.lcr-lagauche.be

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