Le Parti révolutionnaire des Travailleurs (Mindanao) — Rebolusyonaryong Partido ng Mangagawa - Mindanao ou RPM-M — a été fondé en 2001. Mais il est le produit d'une histoire qui remonte une décennie plus tôt, à la crise du Parti communiste des Philippines (PCP, maoïste) de 1992-1993.
En vert, l'actuelle région administrative autonome moro
Cette crise se solde par un ensemble de scissions impliquant notamment des commissions sectorielles et des structures territoriales, régionales du parti. Dans le sud de l'archipel, c'est le cas de la Région de Mindanao Centre (Central Mindanao Region ou CMR).
Remontons encore un peu dans le temps. En septembre 1987, le parti communiste a réorganisé ses forces à Mindanao, créant cinq régions, dont CMR. La particularité de cette entité régionale est d'être responsable du travail en direction des Moros et des Lumads - de la solidarité entre les " trois peuples » de la grande île méridionale de l'archipel.
Trois communautés se côtoient en effet à Mindanao.
► La " nationalité majoritaire », constituée des descendants des colons chrétiens venus dans le cadre d'un processus de colonisation " interne » récent : au cours du XXe siècle, le gouvernement philippin a poussé des habitants du nord ou du sud de l'archipel (souvent des paysans) à migrer et à s'installer à Mindanao.
► Les Moros : des populations musulmanes qui ont été converties à l'islam avant la colonisation espagnole (et chrétienne) du XVIe siècle.
► Les Lumads : des tribus montagnardes, autochtones, qui n'ont pas été islamisées.
Le processus de colonisation " interne » et l'arrivée de grandes entreprises (transnationales ou philippines) ont créé de nombreux conflits économiques, sociaux et territoriaux qui peuvent aisément prendre une forme interclaniques (au sein d'une communauté) ou intercommunautaires. La résistance historique des Moros a donné naissance à d'importants mouvements armés : le Front de Libération nationale moro (Moro National Liberation Front ou MNLF), puis le Front de Libération islamique Moro (Moro Islamic Liberation Front ou MILF). En revanche, la résistance des tribus lumades est restée localisée.
Les principales bases territoriales de CMR (et aujourd'hui du RPM-M) se trouvent dans les provinces de Lanao (nord et sud), une partie de Misamis oriental, North Cotabato ou Maguindanao. Elles incluent des centres urbains comme Iligan ou Marawi. Mais ses réseaux s'étendaient partout où se trouvent des populations moros ou lumades, jusqu'à Sultan Kudarat, à Zamboanga et aux îles les plus méridionales. Au-delà, CMR avait aussi la responsabilité du travail en direction des communautés moros ou lumades établies dans les Visayas (au centre de l'archipel) ou à Manille.
Au sein de la gauche philippine, l'expérience de CMR est ainsi fort particulière, située dans la principale zone de conflits militaire de l'archipel, en contact constant avec le MILF, avec une implantation limitée en milieu moro mais beaucoup plus importante parmi les tribus montagnardes lumades présentes dans ses bastions provinciaux, même si bon nombre de ses membres appartiennent à la " nationalité majoritaire ».
Après la scission de 1993, CMR s'est projeté au-delà de ses frontières originelles. Voulant participer à la constitution d'une nouvelle organisation révolutionnaire à l'échelle de l'archipel, il a fondé le Parti révolutionnaire des travailleurs en fusionnant avec d'autres structures issues de la crise du PCP dans les Visayas et à Manille. Malheureusement, cette tentative a avorté, donnant naissance d'un côté au PRT " Philippines » (RPM-P) et au PRT " Mindanao » (RPM-M).
Depuis, le RPM-M a étendu son implantation à Mindanao, notamment vers l'est, à Davao, mais il n'a pas réussi, pour, l'heure, à consolider une organisation dans la capitale (Manille-Quezon City), à Luzon au nord ou dans les Visayas au centre. Le RPM-M reste une formation à l'identité très " mindanaouenne ». Plus généralement, tous les partis révolutionnaires philippins issus de la crise du PCP ont une implantation très inégale suivant les régions ou les secteurs sociaux.
Bien que ses militants soient souvent engagés dans des activités légales, le RPM-M reste une organisation clandestine. Tous les anciens cadres du RPM-M étaient membres du parti maoïste. De même, ses cadres politico-militaires de l'Armée révolutionnaire du peuple (RPA) sont issus de la Nouvelle Armée du Peuple (NPA) du PCP. Mais, depuis 1993, bien des militant-e-s qui n'ont jamais appartenu au mouvement maoïste ont rejoint le RPM-M.
Le rajeunissement du RPM-M est frappant.
Le RPM-M a rejoint la Quatrième Internationale, dont il est la section philippine. ■
* Pierre Rousset, membre du Bureau exécutif de la IVe Internationale, militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France), anime l'association Europe solidaire sans frontières (ESSF) dont le site web est une véritable encyclopédie d'actualité internationale (www.europe-solidaire.org).