Vingt ans après la restauration du capitalisme, à l'issue d'une campagne présidentielle polarisée entre les deux principaux partis restaurationnistes — la Plateforme civique (PO), néolibéral, et Loi et Justice (PiS), libéral-conservateur — Bronislaw Komorowski (PO) a été élu président de la République le 4 juillet dernier. Il a obtenu 28,97% des voix des inscrits contre Jaroslaw Kaczynski (PiS), frère jumeau du président défunt, qui n'en n'a obtenu que 25,68%. Les abstentionnistes (45,34 % au second tour, 44,06 % au premier tour) ont été encore une fois les plus nombreux.
Les élections passées, le gouvernement, dirigé par PO, a dévoilé sa politique pour l'année à venir : pas d'augmentation des retraites ni des salaires dans le secteur étatique (sauf pour les enseignants, semble-t-il, en vue de diviser les résistances) et un nouveau droit de licencier pour les entrepreneurs dans les zones économiques spéciales (où les entreprises bénéficient des réductions d'impôt et des aides étatiques pour " créer l'emploi ! »). Le président polonais du Parlement européen, Jerzy Buzek (PO), a pour sa part déclaré qu'il faut travailler plus et partir plus tard à la retraite partout en Europe " pour envoyer un signal fort aux marchés financiers », confirmant ainsi la volonté de reculer l'âge de la retraite à 67 ans pour satisfaire les fonds de pensions… L'austérité, soigneusement écartée des débats électoraux, revient en force.
La campagne électorale fut à l'excès une caricature de la présidentielle états-unienne : alors que dix candidats avaient été enregistrés, les médias ont mis en avant deux d'entre eux, omettant de présenter les autres ou les qualifiant d'inutiles. Une exception, celle de Grzegorz Napieralski, présentée par l'Alliance de la gauche démocratique (SLD, social-démocratie post- stalinienne), disposant encore de relais médiatiques, en particulier au sein de la TV publique dont le SLD s'était partagé le contrôle avec le PiS dans le passé, et dont la candidature a été présentée et qui a réussi à arriver en troisième position à l'issue du premier tour avec 13,68 % des suffrages exprimés.
Pour la première fois lors d'une présidentielle, un candidat de la gauche anticapitaliste, Boguslaw Zietek du Parti polonais du travail (PPP) et du Syndicat libre " Août 80 », a pu se présenter (en 2005, Daniel Podrzycki avait été tué pendant la campagne électorale dans un accident de voiture resté inexpliqué). Il n'a bénéficié que de peu d'accès aux médias - lors de la campagne du premier tour il a été mentionné 19 fois dans les principales chaînes de TV, contre 141 fois pour Komorowski, 111 fois pour Kaczynski et 100 fois pour Napieralski - et sa candidature resta inconnue pour la grande majorité des électeurs, même s'il est parvenu à imposer à ses adversaires quelques sujets. Ainsi, Komorowski a, au cours de la campagne, fait un procès à Kaczynski, qui l'avait, à la suite de Zietek, accusé de vouloir privatiser les hôpitaux ; et plusieurs candidats ont repris la critique de la guerre menée en Afghanistan par l'armée polonaise, alors qu'en dehors de Zietek ils avaient tous soutenu l'envoi des troupes. Le résultat de Zietek — 29 548 voix (0,18 % des suffrages exprimés, avant-dernier des dix candidats) — témoigne de la difficulté d'imposer un débat sur les orientations politiques au cours de cette campagne. L'agréable surprise vient d'une élection complémentaires au Sénat, qui a eu lieu en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle, dans la région minière et industrielle de Katowice : le candidat du PPP, Zbigniew Zdónek, médecin licencié pour avoir dénoncé les malversations de la direction de son hôpital et animateur de la campagne pour la mutualisation du système de santé (1), a obtenu 20,23 % des suffrages. Un succès local significatif pour ce parti anticapitaliste en construction, même si ceux qui ont voté en sa faveur n'ont pas fait le même choix à la présidentielle, si polarisée… et qu'il était dans cette élection partielle le seul candidat non gouvernemental. ■