Jaime Pastor, militant d'Espacio alternativo (Espace alternatif, qui regroupe les militants qui se reconnaissent dans la IVe Internationale) a été réélu membre du Conseil Politique Fédéral de la Gauche Unie lors de sa VIII<sup>e</sup> Assemblée fédérale.
Même si le document politique officiel a obtenu 60,6 % de voix en sa faveur, 26,6 % contre et 12,9 % d'abstentions, le soutien obtenu par le texte alternatif (27,8 % oui, 55,4 % non et 16,9 % d'abstentions) que défendaient 21 membres du Conseil politique fédéral (appartenant à la Plate-forme de Gauche, au Courant Critique d'Andalousie et à l'Espace Alternatif) a montré une opposition de gauche assez importante. La discussion sur la nature du nouveau cycle politique, sur la stratégie et la tactique à adopter par rapport au nouveau gouvernement et sur le modèle de formation politique a été au centre des débats dans la plupart des Fédérations et cela a permis que notre document (dont le titre était " Thèses pour une IU anticapitaliste, alternative, fédéraliste, démocratique et pluraliste ") obtienne le soutien majoritaire dans plusieurs d'entre elles.
Mais la division a été plus claire après les résultats obtenus par les trois listes qui se présentaient pour l'élection de la moitié des membres du Conseil Politique Fédéral (l'autre moitié devant être élue par les différentes Fédérations d'IU au cours du mois de janvier 2005). La liste qui avait en tête le Coordinateur Général sortant, Gaspar Llamazares, a obtenu 49,52 % de voix et 54 élu/es ; celle qui avait comme numéro 1 Enrique Santiago (ex-dirigeant des Jeunesses Communistes, soutenu par un secteur de jeunes mais aussi par la direction du PCE et des dirigeants du secteur majoritaire d'Andalousie), 38,1 % et 42 élu/es ; enfin, celle qui avait Sebastián Martín Recio (maire élu à la majorité absolue de la ville de Carmona, près de Séville) comme numéro 1, 12,38 % et 14 élu/es. Cette dernière liste était composée par des membres du Courant Critique d'Andalousie, du Collectif Unitaire des Travailleurs (CUT, secteur lié à un syndicat de travailleurs agricoles avec une réelle présence en Andalousie), d'Espace alternatif et d'une partie de la Plate-forme de Gauche.
Même si les deux dernières listes avaient des divergences de vue entre elles, il y avait une coïncidence dans la critique des méthodes de direction de l'équipe de Llamazares et dans la demande de formation d'une direction plurielle, à plus forte raison étant donné les résultats de cette Assemblée. Mais devant l'éventualité d'une convergence de ces deux listes dans l'élection du Coordinateur Général, le secteur Llamazares avait fait approuver de justesse par l'Assemblée un amendement selon lequel les Coordinateurs/trices Généraux/ales des Fédérations avaient le droit de participer à cette élection au premier tour (le second aura lieu le 22 janvier avec la présence de l'autre moitié des membres élu/es par les Fédérations). La décision de faire appliquer tout de suite cet amendement (puisque le secteur Llamazares avait la majorité parmi les Coordinateurs/trices) a provoqué un débat tendu, poussant Enrique Santiago à reporter la présentation de sa candidature à la séance de janvier, et finalement Llamazares a été réélu. Mais le déficit de légitimité de cette " solution " a eu un effet assez négatif non seulement parmi de nombreux militant/es mais aussi dans l'entourage social et électoral d'IU.
Il nous reste à savoir si, avec Llamazares ou avec Santiago comme Coordinateur Général, on pourra mettre en place une direction qui, tout en respectant les Résolutions adoptées dans cette Assemblée et la proportionnalité obtenue par chaque liste, ne reproduise pas une dynamique de confrontation et puisse aider à recomposer l'organisation dans son ensemble et, surtout, à récupérer sa crédibilité pour conquérir avec les mouvements sociaux un espace autonome et alternatif à la gauche du PSOE.
Il faut aussi faire mention de l'approbation par l'Assemblée d'un amendement défendu par Espace alternatif qui oblige les directions à pratiquer un référendum interne lors de chaque décision d'une alliance électorale ou gouvernementale avec d'autres forces politiques. Cela a une importance non négligeable étant donné que, à l'heure actuelle, on commence à voir se développer des positions de plus en plus critiques par rapport à la participation dans des gouvernements comme celui du PNV au Pays Basque, ou à la présence des alliés d'Iniciativa per Catalunya dans celui du Parti Socialiste dans cette Communauté Autonome.
Un avenir très incertain
Si le diagnostic sur l'état actuel d'IU est facile à poser — une crise très profonde de projet commun et d'identité politique et, surtout, une tendance à la disparition de la vie politique interne, remplacée par celle des différents secteurs et " familles " politiques — la thérapie pour soigner les blessures, approfondies lors de la dernière période, est difficile à trouver. Car si d'un côté le secteur Llamazares a une idée relativement claire de son projet — être une force politique complémentaire du PSOE au gouvernement et construire un parti qui priorise l'activité institutionnelle et médiatique — dans celui que représente Enrique Santiago il y a des divergences potentielles sur la façon de comprendre l'autonomie que doit avoir IU par rapport au PSOE (le discours sur le " parti de lutte et de gouvernement " continue à être dominant), sur les rapports avec les mouvements sociaux et sur le modèle de formation politique à développer (renouvellement ou non des directions, rôle du PCE par rapport à IU…). En ce qui concerne la liste à laquelle l'Espace alternatif a participé, les divergences se situent plutôt avec le CUT, qui tend à nier les changements produits dans la situation politique après la défaite du Parti populaire (PP) d'Aznar et l'entrée au gouvernement du PSOE, même s'il y a une forte convergence sur la nécessité de lier la question sociale et la question nationale dans une perspective anticapitaliste et démocratique radicale.
Le problème le plus important se trouve précisément dans le fait qu'il n'y a pas encore un nouveau cycle des luttes sociales et politiques (à part le cas des travailleurs des chantiers navals civils de l'entreprise publique Izar, menacée d'être privatisée sous la pression de la Commission Européenne, et le débat permanent sur la question nationale : le conflit basque, la réforme du Statut catalan et la reconnaissance de la réalité plurinationale de l'État espagnol). La droite et l'Église catholique pratiquent une tactique de confrontation qui facilite le contrôle des forces de gauche par le gouvernement de Zapatero. Lors des débats sur les budgets pour 2005, le gouvernement Zapatero a été salué par le patronat pour sa continuité avec la politique économique et sociale de la dernière période et pour son adaptation aux critères du Pacte de Stabilité de l'Union Européenne. Les forces de gauche, par contre, ont brillé par leur mutisme.
La campagne pour le " Non " au Traité Constitutionnel Européen à l'occasion du référendum convoqué pour le 20 février prochain pourrait permettre à IU de retrouver une unité interne et d'apparaître porteuse d'un discours et de propositions alternatifs au PSOE. Mais ni sa situation interne, ni le peu d'intérêt montré par sa direction actuelle à impulser cette campagne, ne donnent beaucoup d'espoir que cela se produise. A cela il faut ajouter le boycott de la majorité des moyens de communication et le refus du parti du gouvernement de débattre avec les partisans du " Non ", parmi lesquels on trouve aussi Esquerra Republicana, Eusko Alkartasuna, le Bloque Nacionalista Galego, Batasuna et des secteurs de base des forces nationalistes bourgeoises en Catalogne et le Pays Basque, en même temps que le syndicat d'origine anarcho-syndicaliste CGT, les syndicats basques ELA et LAB, le secteur critique des Commissions ouvrières (CCOO), Ecologistas en Acción (l'organisation écologiste la plus importante), Attac et d'autres.