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La crise de représentation de la classe ouvrière en débat

par

Greg Tucker est un militant de longue date du syndicat du Rail, de la Marine et des Transports RMT, un ancien membre de sa direction nationale. Membre de la direction de l'International Socialist Group, section britannique de la IV<sup>e</sup> Internationale, il fait partie du comité de rédaction de la revue soeur d'<i>Inprecor</i> en langue anglaise, <i>International Viewpoint</i> www.internationalviewpoint.org . Cet article est paru dans <i>International Viewpoint Online magazine</i> en mai 2006.

Le RMT, syndicat du Rail, de la Marine et des Transports, joue depuis longtemps un rôle crucial dans la politique britannique. Il fait partie des syndicats qui sont à l'origine de la création du parti travailliste en Grande-Bretagne au début du vingtième siècle (1). Depuis la montée du New Labour, il est devenu de plus en plus véhément dans sa critique aussi bien au niveau politique qu'industriel.

Alors que ce syndicat a soutenu le Parti socialiste écossais (SSP) en Écosse et l'organisation non conformiste Forward Wales au Pays de Galles, il n'a pas soutenu RESPECT (2). Néanmoins le syndicat a organisé une importante conférence cette année en janvier pour discuter de la question de la représentation de la classe ouvrière. Si ce ne fut pas une conférence décisionnelle avec des délégués élus et si ceux qui y ont participé étaient surtout des militants d'extrême gauche, elle a représenté malgré tout un événement important.

On a dû refuser du monde à la conférence du RMT sur la crise de représentation de la classe ouvrière. Le RMT avait loué une petite salle du Friend's Meeting House, trois cents personnes s'y sont entassées et une centaine est restée dehors. Ceux qui ont pu entrer ont participé à une discussion limitée mais utile sur l'avenir de la gauche en Grande-Bretagne. L'échec de la campagne pour la renationalisation des chemins de fer, la privatisation partielle du métro de Londres et le maintien par le Parti travailliste de la législation antisyndicale mise en place par les conservateurs, sont autant de faits qui remettent en cause pour les militants du RMT leur relation avec le Parti travailliste.

Le Parti travailliste a tranché la question en excluant le RMT à cause de son soutien au Parti socialiste écossais (3). C'est pourquoi, aux deux dernières conférences annuelles du RMT, les délégués ont approuvé des résolutions appelant à élargir le débat sur le problème de la représentation politique. Cette conférence en était le résultat. Elle a été mise en oeuvre un peu à contrecoeur, mais représente malgré tout un pas historique en avant. N'ayant pas mandat pour prendre des décisions, la conférence ne pouvait être que limitée.

La longue liste d'intervenants de la tribune a failli empêcher un réel débat venant de la salle mais finalement un nombre impressionnant de personnes ont pu prendre la parole. Presque unanimement elles ont rejeté le travaillisme sous toutes ses formes.

Le secrétaire général du RMT, Bob Crow, avait ouvert la réunion en refusant d'engager le RMT dans le lancement d'un nouveau parti politique mais argumenta pour qu'un nouveau mouvement de délégués de base (shop stewards) permette la reconstruction d'un mouvement syndical combatif. Selon cette logique, l'émergence d'un tel mouvement de délégués de base est une précondition pour construire un véritable nouveau parti à la gauche du Labour.

A l'opposé, Colin Fox, dirigeant du SSP, intervint ensuite pour retracer le développement du Parti socialiste écossais, et montrer qu'il était pratiquement possible de combiner deux tâches stratégiques construire une gauche unifiée et combative et construire un nouveau parti de gauche. La clé étant d'avoir à ce sujet des discussions ouvertes et fraternelles.

Alors que John Marek de Forwards Wales, Jean Lambert des Verts et Liz Greene du Socialist Labour Party (4) n'avaient que peu de choses à dire, Dave Nellist du Socialist Party (5) plaida pour le soutien à la campagne du SP pour un nouveau parti des travailleurs. Il indiqua que ce parti devait avoir un programme clairement anti-guerre, anti-privatisations et fit du battage pour leur prochaine conférence de mars 2006. Cependant son appel semblait aller au-delà d'une propagande pour sa propre organisation et être quelque chose que le SP ressentait vraiment comme une nécessité pratique. Même si on peut garder des soupçons à leur encontre, compte tenu de leur comportement passé, il est vraiment nécessaire de participer avec eux à cette discussion.

On aurait put s'attendre à ce qu'un autre intervenant de la tribune, le député travailliste de gauche John Mc Donnell (secrétaire du groupe parlementaire Socialist Campaign) défende le travail au sein du Parti travailliste. Il n'en fit rien. A la place, il parla du besoin de construire des fronts unis pour combattre le capitalisme. Dénigrant le débat sur les formes d'organisation, il insista pour que nous nous concentrions à travailler ensemble dans des campagnes concrètes. De nouvelles formes peuvent émerger dans la lutte dit-il, mais il donna l'impression que, tant qu'on lui laisserait un espace de liberté au Parlement, il ne serait pas très pressé pour les créer de lui-même.

Il y avait un grand absent à la tribune, la coalition RESPECT n'avait pas été invitée. Quelles que soient les raisons de cette erreur sectaire, l'absence d'un orateur officiel pour RESPECT a malgré tout été compensée par le choix des orateurs de la salle. En plus d'un certain nombre de membres du Socialist Party qui parlèrent de la nécessité pour le RMT de faire un pas vers eux en appelant à la création d'un nouveau parti, une série de membres de RESPECT furent invités à parler.

Ils furent tous capables de présenter RESPECT comme un parti sérieux de la gauche, après sa percée aux élections. Même si le secrétaire national de RESPECT s'est montré plutôt triomphaliste, ce qui est tombé à plat, d'autres orateurs de RESPECT ont mis en évidence le besoin de s'engager derrière l'appel de Bob Crow à reconstruire un mouvement de la base dans les syndicats, tout en construisant en même temps un nouveau parti en participant à RESPECT.

La conférence s'est terminée par un engagement de la direction du RMT de prendre au sérieux ce qui a été dit en considérant comment poursuivre le débat avec d'autres initiatives. La participation à cette journée a surtout été le fait de l'extrême gauche. Les membres du RMT étaient en faible minorité et d'autres syndicalistes indépendants n'étaient pas présents en grand nombre. L'assistance était donc principalement blanche, âgée et masculine.

Cependant, le fait qu'un tel événement ait pu être organisé par un véritable syndicat a eu pour effet de discipliner tous les orateurs ainsi que la discussion. A part quelques sous-entendus concernant l'émission de télé réalité Big brother (6), le débat a été conduit de façon fraternelle avec des réponses sérieuses aux arguments des uns et des autres. Il y a clairement une potentialité afin d'organiser de nouvelles réunions pour traiter du problème du comblement du vide laissé par le Labour. Les militants du RMT vont demander à sa direction de mettre en place un tel processus de discussions.

Mais si on veut avancer, la direction du RMT doit être plus sérieuse, obtenir la participation d'autres forces syndicales, se préparer préalablement elle-même à la réunion, inclure toutes les forces y compris RESPECT. Si elle le fait ainsi, il sera alors possible de progresser à un plus haut niveau que ce qui a été fait jusqu'à maintenant.

1. Le Parti travailliste a été fondé en février 1900 par une conférence appelée par des syndicats afin d'envoyer au Parlement des représentants ouvriers. Il n'avait pas de membres, seules des organisations pouvaient s'y affilier.
2. La coalition de gauche radicale RESPECT acronyme des termes suivants : Égalité, Socialisme, Paix, Environnementalisme, Communauté et Trade-unionisme (syndicalisme) a été fondée le 25 janvier 2004 par des militants de la Stop the War Coalition (Coalition pour arrêter la guerre) et des forces qui avaient déjà agi en commun au sein de l'Alliance socialiste. Exclu du Parti travailliste pour son opposition à la guerre, le député George Galloway est devenu l'un des porte-parole de RESPECT. Aux législatives de 2005 RESPECT a réussi à faire élire Galloway au Parlement il est ainsi devenu le premier député élu à gauche du travaillisme depuis 1945 et ses 26 candidats avaient totalisé 68 071 voix, soit une moyenne de 6,9 %. Parmi les forces organisées qui agissent au sein de RESPECT il faut noter le Socialist Workers Party (SWP, principale organisation d'extrême gauche en Grande-Bretagne, qui anime la Tendance socialiste internationale), l'International Socialist Group (ISG, section britannique de la IVe Internationale) et aussi l'Association musulmane de Grande-Bretagne (MAB), dont la dirigeante, Salma Yaqoob, animatrice du mouvement antiguerre, a été élue conseillère municipale à Birmingham Sparkbrook avec 55 % des suffrages exprimés. Il dispose de 17 conseillers municipaux.
3. Le Parti socialiste écossais (SSP) a été lancé en septembre 1998 à l'initiative des militants du Scottish Militant Labour. En 1999 il a réussi à faire élire son porte-parole au Parlement écossais. Regroupant l'ensemble de la gauche radicale en Écosse il a été finalement rejoint en mai 2001 par les militants écossais du Parti socialiste ouvrier (SWP), section britannique de la tendance socialiste internationale le SSP a réussi à faire élire en mai 2003 six des siens au parlement écossais avec 7,68 % des suffrages.
4. Le Parti travailliste socialiste (SLP) a été créé par le dirigeant des mineurs Arthur Scargill lorsque le Parti travailliste a commencé à s'adapter au néolibéralisme. Dépourvu de démocratie interne, il a rapidement été dominé par les courants staliniens et n'a pas réussi à apparaître comme rénovant la gauche britannique.
5. Le Parti socialiste (SP) est la section britannique du Comité pour une Internationale ouvrière. Il a été construit par les militants issus de la Tendance Militant exclus du Parti travailliste. Le SP, après avoir été une des principales forces de l'Alliance socialiste en Angleterre, visant à regrouper la gauche radicale, l'a délaissée lorsque le SWP s'y est investi. Il n'a pas rejoint RESPECT. Il a réussi à faire élire cinq conseillers municipaux.
6. Le député de RESPECT George Galloway, expulsé du Labour pour son opposition à la guerre d'Irak, a participé à l'émission de télé réalité " Big Brother » afin " de montrer à une large audience qui je suis vraiment ». Cette participation a été très diversement commentée au sein de la gauche radicale.

Synthèse sur la Grande-Bretagne

traducteur
Jack Radcliff (de l'anglais)

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