Pour comprendre les problèmes que l’on énumère régulièrement ici et là, il est nécessaire de saisir les liens qu’il y a entre eux, au niveau de la Martinique, comme au niveau de la relation entre la Martinique et la France.
Prenons des exemples. La menace de grève des services d’urgence du CHU de Martinique est une excellente nouvelle. (Soit dit en passant, cette initiative fait regretter l’absence d’une action intersyndicale unie...). Car les problèmes sont criants : manque de lits, de personnels, de moyens matériels, failles dans l’organisation. Pendant ce temps, à 8000 km de là, les débats font rage à l’Assemblée nationale française sur le budget du pays et le financement de la sécu. L’appauvrissement de la Sécu, du fait des cadeaux au grand patronat, est directement responsable des problèmes de l’hôpital public. L’argent qui va au grand Capital (directement par les cadeaux multiples, indirectement par les dépenses militaires) ne va pas au service public de la santé.
Autre exemple tiré de l’actualité martiniquaise : la colère gronde à l’Adafae, à l’imfpa, à l’école maritime. Les regards se tournent avec raison vers la CTM, dont les contributions sont en baisse. Les dirigeants de la CTM sont donc mis en cause. Au-delà des questions de gestion de ces structures, que nous devons interpeller (le contraste entre les rémunérations des cadres et les salaires de la base font partie du problème) se pose la question de la réduction sévère des dotations de fonctionnement fournies par l’État.
Poser les problèmes locaux sans poser le problème central, c’est affaiblir la lutte nécessaire pour les conditions de travail des agents, mais aussi pour la formation des apprentis, pour l’encadrement des adolescents, etc. Les syndicats ont la double tâche de mener l’action face aux défaillances locales et d’exiger que l’État fournisse les dotations suffisantes. Pourquoi ne les fournit-il pas ? Parce que l’État aux mains de la grande bourgeoisie refuse de taxer même modestement les plus riches, et réduit drastiquement les dépenses liées à la santé, à l’école, au transport collectif, etc.
Tout le bavardage sur le « matraquage fiscal » parce qu’une taxe dite Zucman proposait 2% sur une petite poignée de gros bonnets aux patrimoines dépassant les 100 millions d’euros, et dont les profits ont doublé depuis l’arrivée de Macron aux affaires, est proprement obscène !
Dans les débats sur la question des institutions en Martinique, il est question de réclamer un pouvoir fiscal. Mais si le pouvoir fiscal est réclamé pour augmenter les impôts indirects qui sont les plus injustes (TVA et même octroi de mer), il faut combattre pour qu’au contraire, la pression fiscale vise d’abord les revenus et les patrimoines. Il s’agit de faire payer une poignée de gros possédants pour permettre le développement des investissements utiles et des services publics dont la dégradation s’étale sous nos yeux.
Dans un précédent numéro, nous avons souligné le rôle vital de la sécurité sociale dans la vie quotidienne du peuple. Ajoutons qu’il y a là, un terrain important de lien solidaire des travailleur·ses des colonies avec les travailleurs·ses de France. Le budget de la Sécu est principalement constitué par les cotisations de l’ensemble de la classe travailleuse. Défendre la Sécu est donc dans l’immédiat une tâche commune.
La ponction opérée en permanence aux dépens de ceux d’en bas, pour financer les capitalistes, empêche aussi bien l’augmentation du pouvoir d’achat des masses, que les investissements collectifs pour le bien commun, pour les mesures indispensables à la protection du climat.
À travers toutes ces questions, c’est une véritable lutte de classes qui se mène. Et c’est parce que la bourgeoisie se sent menacée dans ses privilèges, qu’elle s’oriente de plus en plus vers l’extrême droite, qu’elle a acheté une presse qui est à ses ordres, et dont le matraquage indécent contamine de plus en plus les médias du service public.
Nous vivons un moment crucial où le bon sens commande une radicalité au moins aussi grande que celle de l’ennemi. La ligne de classes reste un critère essentiel du combat politique et social.
Publié dans Révolution socialiste n°419 le 3 novembre 2025