Multipolarité : une doctrine au service des autoritarismes

par Kavita Krishnan
Une manifestation à Calcutta contre la guerre en Ukraine (27 février 2022). L'opposition de la gauche à l'invasion a souvent été occultée (DR)

La multipolarité est la boussole qui oriente la façon dont la gauche comprend les relations internationales. Tous les courants de la gauche en Inde et dans le monde plaident depuis longtemps pour un monde multipolaire par opposition à un monde unipolaire dominé par les États-Unis impérialistes.
Dans le même temps, la multipolarité est devenue la clé de voûte du langage commun des fascismes et des autoritarismes mondiaux.

La multipolarité est un cri de ralliement pour les despotes, qui leur sert à déguiser leur guerre contre la démocratie en guerre contre l’impérialisme. Le déploiement de la multipolarité pour déguiser et légitimer le despotisme est vraiment rendu possible par l’acceptation retentissante par la gauche mondiale de la multipolarité en tant qu’expression bienvenue de la démocratisation anti-impérialiste des relations internationales.
En définissant sa réponse aux confrontations politiques au sein ou entre les États-nations comme une option à somme nulle entre l’approbation de la multipolarité ou de l’unipolarité, la gauche perpétue une fiction qui, même à son meilleur moment, a toujours été trompeuse et inexacte. Mais cette fiction est dangereuse aujourd'hui, car elle sert d’artifice narratif pour mettre en scène des fascistes et des autoritaires dans des rôles flatteurs.
Les conséquences malheureuses de l’engagement de la gauche en faveur d’une multipolarité sans valeur sont illustrées de manière très frappante avec sa réponse à l’invasion russe de l’Ukraine. La gauche mondiale et la gauche indienne ont légitimé et amplifié (à des degrés divers) le discours fasciste russe, en défendant l’invasion comme un défi multipolaire à l’impérialisme unipolaire dirigé par les États-Unis.

 

La liberté d’être fasciste


Le 30 septembre [2022], tout en annonçant l’annexion illégale de quatre provinces ukrainiennes, le président russe Vladimir Poutine a précisé (1) ce que multipolarité et démocratie signifiaient dans sa conception idéologique. Il a défini la multipolarité comme la libération des tentatives des élites occidentales d’établir leurs propres valeurs « dégradées » de démocratie et de droits humains comme valeurs universelles, des valeurs « étrangères » à la grande majorité des gens en Occident et ailleurs.
Le stratagème rhétorique de Poutine consistait à déclarer que les concepts d’un ordre fondé sur des règles, la démocratie et la justice, ne sont rien de plus que des diktats idéologiques et impérialistes de l’Occident, servant simplement de prétextes pour violer la souveraineté d’autres nations.
Lorsque Poutine mettait en scène une indignation justifiée par la longue liste des crimes commis par les pays occidentaux – y compris le colonialisme, l’impérialisme, les invasions, les occupations, les génocides et les coups d’État – il était facile d’oublier que son discours n’était pas un discours exigeant la justice, des réparations et la fin de ces crimes. En fait, en affirmant le fait évident que les gouvernements occidentaux n’avaient « aucun droit moral d’intervenir, ni même de dire un mot sur la démocratie », Poutine a habilement exclu les êtres humains de l’équation.
Les peuples des nations colonisées ont combattu et continuent de se battre pour la liberté. Les peuples des nations impérialistes descendent dans la rue pour exiger la démocratie et la justice, ils protestent contre le racisme, les guerres, les invasions, les occupations commises par leurs propres gouvernements. Mais Poutine ne soutenait pas ces personnes.
Au lieu de cela, il a indiqué aux forces « partageant les mêmes idées » partout dans le monde – des mouvements politiques d’extrême droite, suprémacistes blancs, racistes, antiféministes, homophobes et transphobes – qu’il fallait soutenir l’invasion, dans le cadre d’un projet avantageux pour eux tous : renverser « l’hégémonie unipolaire » des valeurs universelles de la démocratie et des droits de l’homme et « acquérir la vraie liberté, une perspective historique ».
Poutine utilise une « perspective historique » de son choix pour soutenir une version suprémaciste d’une « civilisation paysanne » russe où les lois déshumanisent les personnes LGBT et où les références à des événements historiques sont criminalisées au nom du « renforcement de la souveraineté » de la Russie. Il affirme la liberté de la Russie de nier et de défier les normes démocratiques et les lois internationales définies « universellement » par des organismes comme les Nations unies. Le projet d’« intégration eurasienne », que Poutine projette comme un défi multipolaire opposé à l’UE « impérialiste » et à l’unipolarité occidentale, ne peut être correctement compris que comme une partie de son projet idéologique et politique explicitement antidémocratique. (Une autre affaire est l’aspect de la concurrence entre les États-Unis et la Russie en tant que grandes puissances, rendu compliqué ici par le projet politique partagé par Trump aux États-Unis et Poutine en Russie) (2).

 

Un langage commun


Le langage de la « multipolarité » et de « l’anti-impérialisme » trouve également une résonance dans le totalitarisme hyper-nationaliste chinois.
Une déclaration conjointe (3) de Poutine et Xi en février 2022, peu avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine, a affirmé leur rejet commun des normes universellement acceptées de la démocratie et des droits humains, en faveur de définitions culturellement relativistes de ces termes : « Une nation peut choisir de telles formes et méthodes de mise en œuvre de la démocratie qui conviendraient le mieux à ses (…) traditions et à ses caractéristiques culturelles uniques (…). Il n’appartient qu’au peuple du pays de décider si son État est démocratique ». Ces idées ont été explicitement reliées par la déclaration aux « efforts déployés par la partie russe pour établir un système multipolaire juste de relations internationales ».
Pour Xi (4), les « valeurs universelles » de liberté, de démocratie et de droits de l’homme ont été utilisées pour provoquer la désintégration de l’Union soviétique, les changements drastiques en Europe de l’Est, les « révolutions de couleur » et les « printemps arabes », tout cela étant causé par l’intervention des États-Unis et de l’Occident. Tout mouvement populaire qui revendique des droits humains et une démocratie selon les critères largement acceptés, est traité comme une « révolution de couleur » impérialiste intrinsèquement illégitime.
La revendication d’une démocratie répondant aux normes universelles, portée par les manifestants du mouvement chinois contre la répression menée au nom du « Zéro-Covid », est significative à la lumière des normes culturelles relativistes édictées par le gouvernement chinois. Un livre blanc de 2021, sur « L’approche de la Chine en matière de démocratie, de liberté et de droits de l’homme », a défini les droits humains comme un « bonheur » acquis grâce au bien-être et aux avantages sociaux, et non comme des protections contre un pouvoir gouvernemental sans limites (5). Il omettait manifestement le droit de remettre en question le gouvernement, le droit à la dissidence ou celui de s’organiser librement.
Définir la démocratie « spécifique à la Chine » comme une « bonne gouvernance » et les droits humains comme un « bonheur » permet à Xi de justifier l’élimination des musulmans ouïghours. Il affirme que les camps de concentration pour « rééduquer » ces minorités et remodeler leur pratique de l’islam afin qu’elle soit « d’orientation chinoise », ont procuré une « bonne gouvernance » et un plus grand « bonheur » (6).
Parmi les dirigeants hindous-suprémacistes en Inde, il y a de forts échos du discours fasciste et autoritaire d’un « monde multipolaire » – où les puissances civilisationnelles renaîtront pour réaffirmer leur ancienne gloire impérialiste, et où l’hégémonie de la démocratie libérale ouvrira la voie au nationalisme de droite.
Mohan Bhagwat, chef du Rashtriya Swayamsevak Sangh (7), a déclaré avec admiration que « dans un monde multipolaire » qui défie les États-Unis, « la Chine s’est maintenant relevée. Elle ne se soucie pas de ce que le monde en pense. Elle poursuit son objectif… [revenant à] l’expansionnisme de ses anciens empereurs ». De même, « dans le monde multipolaire actuel, la Russie joue également son jeu. Elle essaie de progresser en supprimant l’Occident ».
Le Premier ministre Narendra Modi a également attaqué à plusieurs reprises les défenseurs des droits humains comme anti-indiens alors même qu’il déclare que l’Inde est la « mère de la démocratie » (8). Ceci est rendu possible en voyant la démocratie indienne non pas à travers une lentille « occidentale », mais dans le cadre de son « ethos civilisationnel » (9). Une note diffusée par le gouvernement établit un lien entre la démocratie indienne et « la culture et la civilisation hindoues », « l’État hindou», et les conseils de caste traditionnels (souvent régressifs) qui appliquent et imposent les hiérarchies de caste et de genre (10).
De telles idées reflètent également les tentatives d’incorporer les suprémacistes hindous dans un réseau mondial de forces d’extrême droite et autoritaires (11). L’idéologue fasciste russe Aleksandr Dugin (un peu comme Poutine) déclare que « la multipolarité […] prône un retour aux fondements civilisationnels de chaque civilisation non occidentale (et un rejet de) la démocratie libérale et l’idéologie des droits de l’homme » (12).
L’influence va dans les deux sens. Dugin favorise la hiérarchie des castes en tant que modèle social (13). Incorporant directement les valeurs brahmaniques du Manusmriti au fascisme international, Dugin voit « l’ordre actuel des choses », représenté par « les droits de l’homme, l’anti-hiérarchie et le politiquement correct » comme le « Kali Yuga » (14) : une calamité qui entraîne le mélange des castes (un métissage également provoqué par la liberté des femmes, un autre aspect calamiteux du Kali Yuga) et le démantèlement de la hiérarchie. Il a décrit le succès électoral de Modi comme représentant une victoire pour la « multipolarité », une affirmation bienvenue des « valeurs indiennes » et une défaite pour l’hégémonie de « la démocratie libérale et l’idéologie des droits humains » (15).
Pourtant, la gauche continue d’utiliser la notion de « multipolarité » sans manifester la moindre compréhension de la façon dont fascistes et autoritaires formulent leurs propres objectifs dans le même langage.

 

Quand la gauche rencontre la droite


Le langage « multipolaire » de Poutine est censé résonner avec la gauche mondiale. Sa familiarité réconfortante semble empêcher la gauche – qui a toujours fait un excellent travail pour mettre à nu les mensonges qui sous-tendent les affirmations des bellicistes impérialistes américains prétendant « sauver la démocratie » – d’appliquer le même regard critique à la rhétorique anticoloniale et anti-impérialiste de Poutine.
Il est étrange que la gauche ait fait sien le langage de la polarité. Le discours de la polarité appartient à l’école réaliste des relations internationales. Le réalisme voit l’ordre mondial en termes de concurrence entre les doctrines de politique étrangère, supposées refléter des « intérêts nationaux » objectifs, d’une poignée de « pôles » – les grandes puissances ou les aspirants à devenir grandes puissances. Le réalisme est fondamentalement incompatible avec la vision marxiste qui part du principe que « l’intérêt national », loin d’être un fait objectif et neutre en termes de valeur, est défini subjectivement par le « caractère politique (et donc moral) des couches dirigeantes qui élaborent et prennent des décisions de politique étrangère » (16).
Par exemple, Vijay Prashad, l’un des plus éminents partisans et défenseurs de la multipolarité dans la gauche mondiale, observe avec approbation que « la Russie et la Chine recherchent la souveraineté, pas le pouvoir mondial ». Il ne mentionne pas que ces pouvoirs interprètent la souveraineté comme une absence de référence aux normes universelles de démocratie, de droits humains et d’égalité.
Un essai récent du secrétaire général du Parti communiste indien marxiste-léniniste (PCI-ml), Dipankar Bhattacharya (17), présente des problèmes similaires en expliquant la décision du parti d’équilibrer la solidarité avec l’Ukraine avec sa préférence pour la multipolarité et sa priorité nationale de résistance au fascisme en Inde. (Scoop : j’ai été militante au PCI-ml pendant trois décennies et membre de son Bureau politique jusqu’à ce que je quitte le parti cette année, en raison de divergences qui ont atteint leur paroxysme avec la tiédeur de la solidarité du parti envers l’Ukraine.)
La formulation de Bhattacharya est que « indépendamment du caractère interne des puissances mondiales concurrentes, un monde multipolaire est certainement plus avantageux pour les forces et mouvements progressistes du monde entier dans leur quête d’inversion des politiques néolibérales, de transformation sociale et d’avancée politique ». Reformulons : le PCI-ml salue la montée des grandes puissances non occidentales même si elles sont fascistes ou autoritaires en interne, car il estime que ces puissances permettent un défi multipolaire à l’unipolarité américaine.
Une telle formulation de gauche n’offre aucune résistance aux projets fascistes/autoritaires qui se présentent comme les champions de la « multipolarité » anti-impérialiste. En fait, cela couvre ceux-ci d’un manteau de légitimité.
Bhattacharya pense qu’un soutien sans réserve à la résistance ukrainienne est difficile à concilier avec la « priorité nationale » de « combattre le fascisme en Inde ». Lorsqu’il dit que le devoir de solidarité internationale de la gauche doit s’en remettre à sa perception de la « priorité nationale », l’internationalisme marxiste est brouillé par « l’intérêt national » réaliste, appliqué cette fois non seulement aux États-nations, mais aux partis nationaux de gauche eux-mêmes.
Mais en quoi la solidarité sans faille avec l’Ukraine contre une invasion fasciste est-elle en contradiction avec la lutte contre le fascisme en Inde ? Le raisonnement de Bhattacharya est forcé, détourné et biaisé. Il fait un détour surprenant par la nécessité pour les mouvements communistes de se méfier des dangers de « donner la priorité à l’international au détriment de la situation nationale ». Bhattacharya attribue à tort (18) l’erreur de 1942 du Parti communiste indien de rester à l’écart du mouvement Quit India (19) au fait qu’il a donné la priorité à son engagement international pour la défaite du fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale, par rapport à son engagement national pour renverser le colonialisme de la Grande-Bretagne, qui était alors un allié dans la guerre contre le fascisme.
Ce calcul alambiqué obscurcit le simple fait : une défaite de l’invasion fasciste de Poutine en Ukraine enhardirait ceux qui luttent pour vaincre le fascisme de Modi en Inde. De même, une victoire pour ceux qui résistent à la tyrannie majoritaire de Xi inspirerait ceux qui résistent à la tyrannie majoritaire de Modi en Inde.
Pour reprendre les mots de Martin Luther King Jr, « L’injustice en quelque endroit est une menace pour la justice partout ». Nous affaiblissons nos propres luttes démocratiques lorsque nous choisissons de voir les luttes des autres à travers une lentille campiste déformante. Notre choix n’est pas un jeu à somme nulle entre unipolarité et multipolarité. Dans chaque situation, nos choix sont clairs : nous pouvons soit soutenir la résistance et la survie des opprimés, soit nous soucier de la survie de l’oppresseur.
Lorsque la gauche s’impose le « devoir » de soutenir la survie de régimes « multipolaires » (en Russie, en Chine et même, pour certains à gauche, en Iran), elle manque à son véritable devoir de soutenir les personnes qui luttent pour survivre au génocide perpétré par ces régimes. Tout avantage que les États-Unis pourraient tirer de leur soutien matériel ou militaire à de telles luttes est de loin compensé par le bénéfice de la survie de personnes qui, autrement, seraient confrontées à un génocide. Nous ferions bien de rappeler que le soutien matériel et militaire des États-Unis à l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale a joué un rôle dans la défaite de l’Allemagne nazie (20).
Les régimes tyranniques interprètent le soutien aux personnes qui leur résistent comme un soutien à « l’ingérence » étrangère ou impérialiste contre la « souveraineté » de ces régimes. Lorsque nous, à gauche, faisons de même, nous servons de catalyseurs et d’apologistes de ces tyrannies.
Ceux qui luttent dans des situations de vie ou de mort, ont besoin que nous respections leur autonomie et leur souveraineté pour décider quel type de soutien moral/matériel/militaire exiger/accepter/rejeter. La boussole morale de la gauche mondiale et indienne a besoin d’une réinitialisation urgente, afin qu’elle puisse corriger son cours désastreux qui lui fait parler le même langage que les tyrans.

 

Cet article a d’abord été publié en anglais le 20 décembre 2022 par le magazine The India Forum, puis traduit en français et publié le 24 décembre 2022 par Arguments pour la lutte sociale
Nous avons révisé cette traduction.

1. https://www.miragenews.com/full-text-of-putins-speech-at-annexation-866383/
2. cf. Michael Crowley, « All of Trump’s Russi Tiess in 7 Cherts », Politico Magazine March/April 2017 : https://www.politico.com/magazine/story/2017/03/connections-trump-putin-russia-ties-chart-flynn-page-manafort-sessions-214868/
3. https://en.kremlin.ru/supplement/5770
4. https://www.china.org.cn/english/china_key_words/2018-10/29/content_68857761.htm
5. https://english.www.gov.cn/archive/whitepaper/202112/07/content_WS61af46cdc6d09c94e48a1e49.html
6. cf. K.J.M. Varma, « Islam in China must be Chinese in porientation : President Xi Jinping », The Indian Express du 17 juillet 2022, https://indianexpress.com/article/world/islam-china-chinese-orientation-president-xi-jinping-8033799/
7. RSS, fondé en 1925, organisation paramilitaire fasciste liée au BJP de Modi.
8. cf. The Indian Express du 8 février 2021, https://indianexpress.com/article/india/india-must-save-itself-from-foreign-destructive-ideology-pm-modi-in-rajya-sabha-7179445/
9. cf. The Hindu du 12 octobre 2021, https://www.thehindu.com/news/national/narendra-modi-slams-selective-reading-of-rights-issues/article36958420.ece
10. Kavita Krishnan, « On Constitution Day, the Modi Government is Exacting the RSS’s Revenge on Ambedkar », The Wire du 26 novembre 2022, https://thewire.in/rights/constitution-day-modi-rss-ambedkar-democracy
11. Aleksandr Dugin, Fascism-Borderless and Red (1977) : https://www.stephenhicks.org/wp-content/uploads/2022/03/DuginA-Fascism-Borderless-Red.pdf
12. Aleksandr Dugin, The Indian moment of multipolarity : https://www.india-seminar.com/2020/728/728_aleksandr_dugin.htm
13. Aleksandr Dugin, La Quatrième Théorie politique : la Russie et les idées politiques au XXIe siècle (préfacé par Alain Soral), Éditions Ars Magna, Château-Thébaud 2012.
14. C’est le quatrième et actuel âge de la cosmogonie hindoue, un « âge de fer » ou un « âge noir », tirant son nom du démon Kali, au cours du quel la civilisation humain dégénère spirituellement…
15. A. Dugin, The Indian moment of multipolarity, op. cit. note 12.
16. Achin Vanaik, « National Interest: A Flawed Notion » (Intérêt national : une notion erronée), Economic and Political Weekly vol. 41, n° 49, 9 décembre 2006 (https://www.epw.in/journal/2006/49/perspectives/national-interest-flawed-notion.html).
17. Dipankar Bhattacharya, « On the Current Juncture in India and the International Context », Liberation (organe central du PCI-ml) du 27 septembre 2022.
18. La position du PC indien consistant à considérer les deux premières années de la Seconde Guerre mondiale comme une guerre entre impérialistes était conforme à la directive du Komintern de l’époque. Lorsque le pacte Molotov-Ribbentrop a été signé entre l'URSS et l’Allemagne nazie en 1939, le Komintern a brusquement modifié sa directive de 1935, qui invitait les communistes à former de vastes fronts populaires antifascistes spécifiquement contre le danger fasciste. Il a alors caractérisé la guerre déclenchée par l’Allemagne comme une simple guerre entre puissances impérialistes concurrentes. Le changement de position du PCI correspondait à celui du Komintern : la guerre n’a été qualifiée de « guerre populaire contre le fascisme » que lorsque l'Allemagne nazie a rompu le pacte et envahi l’URSS. Le problème du PCI ne résidait pas dans la difficulté à combiner l'internationalisme avec ses priorités nationales. Il résultait plutôt du fait qu’il s'était laissé guider non pas par une résistance cohérente au fascisme et à l’impérialisme, mais par l’approche sans principe et opportuniste de Staline vis-à-vis de l’Allemagne nazie et de la guerre (note de Kavita Krishnan).
19. Le mouvement Quit India (Quittez l’Inde ou en hindi Bharat chodo) était un appel pour une indépendance immédiate de l’Inde, émis par Gandhi le 8 août 1942. Les Britanniques réagirent le jour suivant par l’emprisonnement de Gandhi, Nehru et d’autres responsables du Parti du Congrès, qui fut interdit.
20. Rappelons, que les États-Unis ont fourni à l’URSS au cours de la Seconde Guerre mondiale 400 000 jeeps et camions, 14 000 avions, 8 000 camions-tracteurs, 13 000 chars, ainsi que plus de 15 millions de couvertures, 15 millions de paires de bottes militaires, 107 000 tonnes de coton, 2,7 millions de tonnes de carburant pour les avions, camions et chars), 4,5 millions de tonnes de nourriture. Le tout financé par un crédit sans intérêt d’un milliard de dollars de l’époque. Lors d’un diner avec les dirigeants alliés pendant la conférence de Téhéran en décembre 1943, Staline déclara : « Les États-Unis (...) sont un pays de machines. Sans l’utilisation de ces machines par le biais du prêt-bail, nous aurions perdu cette guerre ». (https://share.america.gov/america-sent-equipment-to-soviet-union-in-world-war-ii/)

 

Auteur·es

Kavita Krishnan

Kavita Krishnan est une militante et autrice féministe marxiste. Elle était membre du bureau politique du Parti communiste de l’Inde (marxiste-léniniste) et membre de son comité central depuis plus de deux décennies. Elle a également été rédactrice en chef de la publication mensuelle de PCI-ml Liberation. Le 1er septembre 2022, Krishnan a annoncé que le parti l’avait relevée de tous les postes et responsabilités à sa demande à la suite de ses différends avec les dirigeants sur diverses questions, notamment celles liées à la Chine et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Kavita Krishnan a publié Fearless Freedom (La liberté sans peur), Penguin Random House India, Gurgaon 2020.