La nécessité de relire aujourd’hui Frantz Fanon n’est pas seulement liée au besoin de commémoration, elle nous permet surtout de revenir sur les enjeux sociaux, culturels et politiques qui prévalaient et qui structuraient le combat d’un peuple pour sa liberté, son émancipation et la quête de son indépendance.
Cette année 2025 correspond au centenaire de la naissance de Fanon et, pour nous Algérien·nes, l’hommage à son engagement corps et âme dans la révolution algérienne, alors que rien ne le prédestinait à cette tâche, relève d’un devoir moral et politique. Mais la relecture de son œuvre nous permet aussi, en ces temps de règne des révisionnismes de tout bord, de replacer ce combat dans sa dimension locale et régionale mais aussi universelle et historique. Car, si les combats d’hier pour l’indépendance anticoloniale ont porté leurs fruits, les contradictions, les crises et les conflits d’aujourd’hui ne sont que le prolongement de ces systèmes de domination et d’exploitation qui remontent en surface comme le « retour du refoulé », dirait le psychiatre Fanon.
Il y a aussi, pour toute action militante, des raisons d’ordre programmatique de revenir au « fanonisme ». Dans le passé, il a donné aux « élites anti-élitistes » (formule de Mohamed Harbi 1 une présentation des lois du développement social différente de ce qu’énonçait le marxisme vulgaire et dégradé du stalinisme de l’époque. Il a défendu le tiers-monde en mettant en avant « les damnés de la terre » comme substitut à « la classe ouvrière ». Ce n’est plus au prolétariat des pays occidentaux d’entraîner les peuples opprimés dans la lutte, c’est la lutte de ces peuples qui leur permettra de s’émanciper du joug colonial du moment et déterminera la cause révolutionnaire du prolétariat mondial. Cette vision a fait des adeptes, y compris en Europe. Mais Fanon n’a pas défendu cette vision en partant d’un point de vue conceptuel et programmatique, mais en partant d’une lecture pragmatique de la réalité coloniale. Fanon ne se contente pas d’une analyse purement économique du colonialisme. Il théorise aussi le conflit identitaire et culturel et tente de montrer que les vrais « damnés de la terre », les exploité·es absolu·es, ce sont les colonisé·es.
L’idée fondamentale qui structure son travail est celle de la révolution, c’est-à-dire celle d’une rupture radicale, jusqu’à la violence sur le plan politique, avec les pratiques dominantes de son temps. On la retrouve dans toute son œuvre comme une nécessité impérative aux dominé·es et aux exploité·es, ou plus exactement aux « damné·es de la terre », pour abolir tous les aspects du système de domination et d’exploitation qui régnait et qui continue à régner sur le monde.
L’idée de révolution a donc accompagné sa pensée et sa pratique dans le domaine de la psychiatrie, son univers professionnel, au niveau de sa production scientifique comme sur le plan politique.
L’évolution du psychiatre Fanon
C’est en psychiatre, sa profession, qu’il engage la compréhension de la folie, celle qui touche les hommes au sens clinique du terme et celle de la société. Car, pour lui, les maux de l’homme sont ceux de la société où il vit. Toute sa thèse s’appuie sur l’idée que « l’aliénation ne peut se réduire à des troubles de la constitution organique ou de l’histoire individuelle, hors de tout lien social » 2, souligne Jean Khalfa.
Il est contemporain de Michel Foucault qui traite lui aussi, et à la même période, de la folie. Beaucoup de chercheurs tentent un rapprochement. Tous les deux, dans des contextes différents, pensent la possibilité d’une nouvelle science des pathologies mentales. Ils dénoncent en effet les deux grands courants qui partagent la psychiatrie. D’une part, la psychiatrie dite positive qui pense les maladies mentales comme des essences éternelles : la schizophrénie, la paranoïa ou la dépression sont considérées comme des abstractions qui pénètrent et altèrent le psychisme du malade. D’autre part, la psychiatrie dite existentielle qui refuse de voir la maladie comme un problème organique.
Mais, contrairement à Foucault, Fanon n’est pas connu en tant que philosophe de la folie et de la psychiatrie. Il est plus connu comme penseur politique pour ses écrits sur la violence. Toutefois, avec la publication de ses écrits psychiatriques, cette vision des choses a commencé à changer. Ces textes, une fois connus et disponibles, ont provoqué un regain d’intérêt pour l’interaction entre sa psychiatrie révolutionnaire et sa politique révolutionnaire.
La radicalisation anticoloniale
Après sa formation, Fanon s’est rendu en Algérie en 1953, encore sous occupation coloniale, pour travailler à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville. Dans ses recherches psychiatriques, il a mis l’accent sur les contextes socio-historiques des tendances psychologiques supposées pathologiques chez les colonisés et a abordé les défis posés par la pratique psychiatrique au sein de la société coloniale. Radicalisé par ses travaux en psychiatrie, Fanon a rejoint le Front de libération nationale (FLN) en 1955. Lorsque sa position à Blida est devenue intenable, il a démissionné et il s’est installé en Tunisie en 1956.
C’est là, en 1958, qu’il a ouvert la première clinique d’Afrique du Nord, où il commence la construction d’un cours de psychopathologie sociale très politisé, « La rencontre entre la société et la psychiatrie » (1959-60), explorant les interconnexions entre la folie, la normalité, le travail, la protestation, le système de justice pénale et le racisme. Peu avant sa mort, Fanon a publié les Damnés de la terre (1961). Le chapitre « Guerre coloniale et troubles mentaux » présente des croquis psychopolitiques de cas cliniques de Blida et de Tunis, ainsi qu’une critique de l’École d’Alger. Jacques Derrida dit de lui qu’il était « tout à fait exceptionnel et atypique » au sein de la psychiatrie nord-africaine française pour avoir constamment « soulevé la question de sa propre pratique dans ses dimensions politiques ». C’est précisément à cause de ces dimensions que, selon Foucault, personne ne s’intéressait à son travail avant Mai 68.
Une psychiatrie dynamique
Partant de sa discipline et de son objet scientifique qui est la psychiatrie, Fanon agit comme un intellectuel de son temps touchant sur le plan théorique et méthodologique d’autres sphères des sciences sociales et humaines, notamment l’ethnologie, très présente en ce moment-là dans la politique coloniale. Il prend comme référence Freud. Mais il n’agit pas comme simple disciple. « Ni Freud, ni Adler, ni même le cosmique Jung n’ont pensé aux Noirs, dans le cours de leurs recherches […]. On oublie trop souvent que la névrose n’est pas constitutive de la réalité humaine. Qu’on le veuille ou non, le complexe d’Œdipe n’est pas près de voir le jour chez les nègres », écrit-il dans Peau noire, masques blancs 3. Pour Fanon, Freud s’est contenté d’expliquer qu’un état présent ne saurait se trouver que dans le passé de l’individu, renonçant à introduire dans sa vision une dimension essentielle : celle de son avenir. Tout fait humain, y compris les maladies psychiques, ne saurait être compris que comme un état concret de tension entre les forces d’équilibration dynamique orientées vers l’avenir et leur blocage par des forces agissant en sens contraire qui tendent à empêcher ce développement.
Prenant comme repère les travaux de Jacques Lacan, il marque sa dissidence par rapport au concept de « constitution » pour lui substituer celui de « structure » 4. Mais, en même temps, il se démarque de l’usage de la notion de « structure » chère à l’école structuraliste à la mode en France en ce temps-là. Claude Lévy-Strauss, le principal représentant en France de cette école, considère les structures des sociétés primitives comme permanentes, comme des structures universelles non significatives. De même pour le structuralisme marxiste de Louis Althusser. Pour Fanon, les structures constitutives du comportement humain ne sont pas des données universelles, mais des faits spécifiques nés d’une genèse passée et en train de subir des transformations qui ébauchent une évolution (ou une révolution) future.
Dans la même période en Algérie, ce sont les travaux d’ethnologie de Germaine Tillon sur la population berbère des Aurès (Chaoui) et ceux de Pierre Bourdieu sur les populations kabyles, chacun dans son domaine et son univers, qui le concurrencent. Tous les deux présentent la structure sociale et la culture de la société algérienne dans son essence et non dans son existence historique 5. Pour Fanon, les structures qu’il analyse sont le fruit d’un processus de structuration et de formation. Dans le cas de ses études sur la société noire et sur la société algérienne, elles sont le résultat de la déstructuration coloniale. Face à cette déstructuration, il revendique la nécessité d’une restructuration nouvelle et non un retour à l’ancienne structure. D’où son adhésion à l’action révolutionnaire engagée par le FLN.
Exister par la lutte
Sur le plan heuristique 6, Fanon s’appuie sur Freud, Hegel et Marx. Mais comme le souligne Francis Jeanson, « on commettrait l’erreur d’y chercher un système de concepts » 7. Sans être dans un total empirisme, il procède plus par induction, par une lecture de la réalité, que par déduction d’un quelconque modèle théorique. De Freud, comme nous l’avons souligné plus haut, il se démarque de l’explication œdipienne non valable dans l’histoire de la société noire africaine. Il se démarque surtout de l’absence de la dimension de l’avenir face à ce complexe.
De Hegel, il reprend l’idée que « L’homme n’est humain que dans la mesure où il veut s’imposer à un autre homme, afin de se faire reconnaître par lui » 8. Dans l’analyse qu’il fait de la société antillaise, il considère « qu’historiquement, le nègre, plongé dans la servitude, a été libéré par le maître. Il n’a pas soutenu la lutte pour la liberté. Le nègre est un esclave à qui on a permis d’adopter une attitude de Maître » 9. Le nègre, disait-il, ignore le prix de la liberté, car il ne s’est pas battu pour elle. « L’individu qui n’a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais… n’a pas atteint la vérité de cette reconnaissance d’une conscience de soi indépendante » 10
Mais il change vite de conclusion en notant que « les Noirs américains vivent un autre drame. En Amérique, le nègre lutte et il est combattu. Il y a des lois qui, petit à petit, disparaissent de la Constitution. Il y a des décrets qui interdisent certaines discriminations. Et nous sommes assurés qu’il ne s’agit pas alors de dons ». « S’il y a bataille, il y a défaites, trêves, victoires » 11. Mais, il n’y a qu’une solution : la lutte. Et cette lutte, il l’entreprendra et la mènera non pas après une analyse marxiste ou idéaliste, mais parce que, tout simplement, « il ne pourra concevoir son existence que sous les espèces d’un combat mené contre l’exploitation, la misère et la faim » 12.
De Marx, il fait sienne l’une des thèses sur Feuerbach « Il ne s’agit plus de connaître le monde, mais de le transformer » 13. Ce qui l’amènera à une adhésion sans aucun état d’âme à la lutte des Algérien·nes pour leur indépendance. Il le fait, non pas en guise de soutien, mais comme étant sa propre lutte. Il dit « nous » quand il parle du FLN.
En Algérie, il applique ses thèses dans sa vie professionnelle, dans sa démarche théorique, ce qui l’amènera par conséquent à l’action politique. Pour lui, l’enjeu clé est dans la transformation structurelle du pays et de la société. Et cette transformation, il la voyait se réaliser dans la révolution enclenchée par l’appel du FLN en 1954.
Ce passage à la lutte est pour Fanon la clé de voûte pour une compréhension dynamique et dialectique de la société algérienne. Car, comme il l’a souligné « L’homme n’est humain que dans la mesure où il veut s’imposer à un autre homme, afin de se faire reconnaître par lui ». Il prend pour étayer ses assertions trois exemples que nous allons présenter succinctement.
Le voile
Dans son chapitre intitulé « L’Algérie qui se dévoile », Frantz Fanon explique comment la femme, dans une famille recroquevillée sur elle-même et une société repliée dans un long désespoir, voyant dans l’appel à la lutte armée du FLN la voie de l’émancipation, commence à se dévoiler. Parmi les éléments du système de signification, le voile – initialement une tenue vestimentaire exprimant l’appartenance à une aire culturelle donnée, appelée à changer et évoluer au rythme de l’évolution du monde – se transforme en un emblème de résistance et de combat. Il va devenir l’enjeu d’une bataille grandiose. Les forces d’occupation mobiliseront leurs ressources les plus puissantes. Le colonisé déploiera une force étonnante d’inertie. Mais il faut remonter aux origines.
L’histoire de la conquête française en Algérie relatant l’irruption des troupes dans les villages, la confiscation des biens et le viol des femmes, la mise à sac d’un pays, a contribué à la naissance et à la cristallisation de la même image dynamique. L’évocation de cette liberté donnée au sadisme du conquérant, à son érotisme, crée, au niveau des stratifications psychologiques de l’occupant, des failles, des points féconds où peuvent émerger à la fois des conduites oniriques et dans certaines occasions des comportements criminels. 14
C’est ainsi que le viol de la femme algérienne dans un rêve d’Européen est toujours précédé de la déchirure du voile. On assiste là à une double défloration. De même la conduite de la femme n’est jamais l’adhésion ou l’acceptation, mais la prosternation.
La stratégie coloniale de désagrégation de la société algérienne, au niveau des individus, accordait une place de premier plan à la femme. L’acharnement du colonialiste, ses méthodes de lutte vont naturellement provoquer chez le colonisé des comportements réactionnels. Face à la violence de l’occupant, le colonisé est amené à définir une position de principe à l’égard d’un élément autrefois inerte de la configuration culturelle autochtone. C’est la rage du colonialiste à vouloir dévoiler l’Algérienne, c’est son pari de gagner coûte que coûte la victoire du voile qui vont provoquer l’arc-boutant de l’autochtone. Le propos délibérément agressif du colonialiste autour du haïk donne une nouvelle vie à cet élément mort, parce que stabilisé, sans évolution dans la forme et dans les coloris, du stock culturel algérien. Nous retrouvons ici l’une des lois de la psychologie de la colonisation. Dans un premier temps, c’est l’action, ce sont les projets de l’occupant qui déterminent les centres de résistance autour desquels s’organise la volonté de pérennité d’un peuple. 15
« C’est le blanc qui crée le nègre. Mais c’est le nègre qui crée la négritude »
À l’offensive colonialiste autour du voile, le colonisé oppose le culte du voile. Ce qui était élément indifférencié dans un ensemble homogène acquiert un caractère tabou, et l’attitude de telle Algérienne vis-à-vis du voile sera constamment rapportée à son attitude globale vis-à-vis de l’occupation étrangère. Le colonisé, face à l’accent mis par le colonialiste sur tel ou tel secteur de ses traditions, réagit de façon très violente.
Le déclenchement de la guerre de libération crée de nouvelles conditions et de nouvelles réactions. Jusqu’en 1955, le combat est mené exclusivement par les hommes. Pendant toute la période de domination incontestée, la société algérienne – et principalement les femmes – ont tendance à fuir l’occupant. La ténacité de l’occupant dans son entreprise de dévoiler les femmes, d’en faire des alliées dans l’œuvre de destruction culturelle, a renforcé les conduites traditionnelles. Mais ce caractère quasi tabou pris par le voile dans la situation coloniale disparaît presque complètement au cours de la lutte libératrice. Même les Algériennes non activement intégrées dans la lutte prennent l’habitude d’abandonner le voile.
Voile enlevé puis remis, voile instrumentalisé, transformé en technique de camouflage, en moyen de lutte. […] Dans certaines conditions, surtout à partir de 1957, le voile réapparaît. Les missions deviennent en effet de plus en plus difficiles. L’adversaire sait maintenant, certaines militantes ayant parlé sous la torture, que des femmes très européanisées d’aspect jouent un rôle fondamental dans la bataille. De plus, certaines Européennes d’Algérie sont arrêtées et c’est le désarroi de l’adversaire qui s’aperçoit que son propre dispositif s’écroule. La découverte par les autorités françaises de la participation d’Européens à la lutte de libération fut l’une des dates de la Révolution algérienne. À partir de ce jour, les patrouilles françaises interpellent toute personne. Européens et Algériens sont également suspects. Les limites historiques s’effritent et disparaissent. Toute personne qui possède un paquet est invitée à le défaire et à en montrer le contenu. N’importe qui peut demander des comptes à n’importe qui sur la nature d’un colis transporté à Alger, Philippeville ou Batna. Dans ces conditions, il devient urgent de dissimuler le paquet aux regards de l’occupant et de se couvrir à nouveau du haïk protecteur. 16
Ici, le port du voile en ville prend une nouvelle dimension et une autre signification. Porter sous le voile un objet assez lourd, « très dangereux à manipuler » 17, il faut donner l’impression d’avoir les mains libres, qu’il n’y a rien sous ce haïk, sinon une pauvre femme ou une insignifiante jeune fille. « Il ne s’agit plus seulement de se voiler. Il faut se faire une telle “tête de Fatma” que le soldat soit rassuré ». Dans le cerveau ce dernier, « celle-ci est bien incapable de faire quoi que ce soit ».
Le corps de l’Algérienne qui, dans un premier temps s’est dépouillé, s’enfle maintenant. Alors que dans la période antérieure, il fallait élancer ce corps, le discipliner dans le sens de la prestance ou de la séduction, ici il faut l’écraser, le rendre difforme, à l’extrême le rendre absurde. C’est, nous l’avons vu, la phase des bombes, des grenades, des chargeurs de mitraillettes 18.
Les dispositions doctrinales du colonialisme dans sa tentative de justifier le maintien de sa domination acculent presque toujours le colonisé à des contre-propositions tranchées, rigides, statiques. Si au besoin le voile est repris, il est définitivement dépouillé de sa dimension exclusivement traditionnelle. Il prend une autre signification.
Il y a donc un dynamisme historique du voile très concrètement perceptible dans le déroulement de la colonisation en Algérie. Au début, le voile est mécanisme de résistance, mais sa valeur pour le groupe social demeure très forte. On se voile par tradition, par séparation rigide des sexes, mais aussi parce que l’occupant veut dévoiler l’Algérie. Dans un deuxième temps, la mutation intervient à l’occasion de la Révolution et dans des circonstances précises. Le voile est abandonné au cours de l’action révolutionnaire. Ce qui était souci de faire échec aux offensives psychologiques ou politiques de l’occupant devient moyen, instrument. Le voile aide l’Algérienne à répondre aux questions nouvelles posées par la lutte. L’initiative des réactions du colonisé échappe aux colonialistes 19
Ce sont les exigences du combat qui provoquent dans la société algérienne de nouvelles attitudes, de nouvelles conduites, de nouvelles modalités d’apparaître. Cette démarche éminemment dialectique dans les observations de Fanon a-t-elle une valeur universelle ? Autrement dit, ses conclusions sur le voile sont-elles encore valables face à sa réapparition ostentatoire dans la société musulmane d’aujourd’hui, lors de la révolution iranienne de 1979, par exemple, ou encore devant la violence et les stigmatisations que les femmes subissent ? On notera que malheureusement, cette dialectique a toujours la femme comme bouc émissaire !
Quoi qu’il en soit, les observations de Frantz Fanon sont identiques devant d’autres techniques introduites par la colonisation, la radio et la médecine par exemple. Ce phénomène est également perceptible dans l’attitude des colonisé·es vis-à-vis de l’usage de la langue française.
La langue française et les colonisé·es
Derrière l’attitude nouvelle adoptée par les femmes qu’on vient de voir au cours de la lutte de libération, c’est la situation coloniale dans son ensemble qui est mise en question. La contestation du principe même de la domination étrangère, entraîne des mutations essentielles dans la conscience du colonisé, dans la perception qu’il a du colonisateur, dans sa situation d’être humain dans le monde. C’est le cas du rapport avec le poste de radio.
Les postes récepteurs radio sont rejetés par la société algérienne dans son ensemble. Elle refuse cette technique qui met en cause sa stabilité et les types traditionnels de sociabilité ; la raison invoquée étant que les programmes, indifférenciés parce que calqués sur le modèle occidental, ne s’adaptent pas à la hiérarchisation patrilinéaire de type strict, voire féodal, et comportant des interdits moraux multiples, de la famille algérienne.
Mais, dès le début de la guerre d’indépendance, le peuple algérien ressent la nécessité de développer son réseau d’information. C’est à ce moment que se produisent, dans le cadre de l’acquisition de postes récepteurs, dans les attitudes nouvelles face à cette technique précise de l’information, les mutations les plus capitales. L’Algérien, dès les premiers mois de la Révolution, dans un but d’autoprotection et afin d’échapper à ce qu’il considère comme les manœuvres mensongères de l’occupant, cherche ses propres sources d’information. Savoir ce qui se passe devient fondamental. Il a besoin de hisser sa vie au niveau de la Révolution.
Avoir son poste, c’est avoir le droit d’entrer dans cette lutte engagée. Avec le poste de radio, La Voix de l’Algérie combattante aura, sur le plan de la cohésion, une importance capitale. L’utilisation des langues arabe, kabyle et française, eut l’avantage de développer et de renforcer l’unité du peuple, de faire exister toutes les régions du pays.
À partir de 1954, la radio, le poste récepteur, perdent leur coefficient d’hostilité, se dépouillent de leur caractère d’extranéité et s’organisent dans l’ordre cohérent de la Nation en lutte. Dans les psychoses hallucinatoires, à partir de 1956, les voix radiophoniques deviennent protectrices, complices. Les insultes et les accusations disparaissent et font place aux paroles d’encouragement. La technique étrangère, « digérée », à l’occasion de la lutte nationale, est devenue un instrument de combat pour le peuple et un organe protecteur contre l’anxiété 20.
Sur le plan de la communication, il faut signaler l’acquisition par la langue française de valeurs inédites. La diffusion en français des émissions de l’Algérie combattante va libérer la langue ennemie de ses significations historiques. Le même message, transmis en trois langues différentes, unifie l’expérience et lui donne dimension universelle. La langue française perd son caractère maudit, se révélant capable de transmettre également, à l’intention de la Nation, les messages de vérité que cette dernière attend. Aussi paradoxal que cela paraisse, c’est la Révolution algérienne, c’est la lutte du peuple algérien qui facilite la diffusion de la langue française dans la Nation.
S’exprimer en français, comprendre le français, n’est plus assimilable à une trahison ou à une identification appauvrissante avec l’occupant. Utilisée par la Voix des combattants, transitant de façon prégnante le message de la Révolution, la langue française devient du coup un instrument de libération.
Avant 1954, la plupart des travaux des Congrès des Partis nationalistes ont lieu en langue arabe. De façon plus précise, les militants de la Kabylie ou des Aurès apprennent l’arabe à l’occasion de leurs activités nationales. Avant 1954, parler l’arabe, refuser le français comme langue et comme modalité d’oppression culturelle est une forme privilégiée et quotidienne de singularisation, d’existence nationale. En août 1956, la réalité du combat et le désarroi de l’occupant enlèvent à la langue arabe son caractère sacré, et à la langue française ses catégories maudites. Le nouveau langage de la Nation peut alors se faire annoncer à l’aide de multiples réseaux signifiants 21.
Conclusion pratique et de portée plus générale : « Dès lors que le corps de la Nation se remet à vivre de façon cohérente et dynamique, tout devient possible… Le peuple qui prend son destin en mains assimile à une cadence presque insolite les formes les plus modernes de la technique ».
De la violence pour la quête de liberté
Fanon construit ses analyses davantage sur l’observation et la lecture des réactions « subjectives » des gens que d’une lecture « objective » selon les lois de l’histoire. Le développement de l’argumentation est fondé non sur le théorique mais sur le vécu, point de départ du développement de sa pensée : « loin de proposer une solution, nous croyons nécessaire une vie d’étude et d’observation » 22. Il tire la conclusion que seule la lutte violente paye.
L’originalité du contexte colonial, c’est que les réalités économiques, les inégalités, l’énorme différence des modes de vie ne parviennent jamais à masquer les réalités humaines. Quand on aperçoit dans son immédiateté le contexte colonial, il est patent que ce qui morcelle le monde c’est d’abord le fait d’appartenir ou non à telle espèce, à telle race. Aux colonies, l’infrastructure économique est également une superstructure. La cause est conséquence : on est riche parce que blanc, on est blanc parce que riche. C’est pourquoi les analyses marxistes doivent être toujours légèrement distendues chaque fois qu’on aborde le problème colonial. 23
Dans ce contexte, la violence est omniprésente. La première chose que l’indigène apprend, c’est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites.
Dans cette situation, les rêves de l’indigène sont des rêves d’action, des rêves agressifs. Cette agressivité sédimentée dans ses muscles, le colonisé va la manifester d’abord contre les siens. C’est la période où les colonisé·es, les nègres se bouffent entre eux. Tant que les voies de l’émancipation s’assombrissent, les luttes tribales se perpétuent. En se lançant dans des bagarres de vengeances, le colonisé tente de se persuader que le colonialisme n’existe pas, que tout se passe comme avant, que l’histoire continue. Par l’intermédiaire de la religion, le colonisé réussit également à ne pas tenir compte du colon. Par le fatalisme, toute initiative est enlevée à l’oppresseur, la cause des maux, de la misère, du destin revenant à Dieu. L’individu accepte ainsi la dissolution décidée par Dieu, s’aplatit devant le colon et devant le sort et, par une sorte de rééquilibration intérieure, accède à la sérénité.
Depuis toujours, le colon lui a signifié le chemin qui devait être le sien, s’il voulait se libérer. L’argument que choisit le colonisé lui a été indiqué par le colon et, par un ironique retour des choses, c’est le colonisé qui, maintenant, affirme que le colonialiste ne comprend que la force. Le régime colonial tire sa légitimité de la force et à aucun moment n’essaie de ruser avec cette nature des choses. Chaque statue, celle de Faidherbe ou de Lyautey, de Bugeaud ou du sergent Blandan, tous ces conquistadors juchés sur le sol colonial n’arrêtent pas de signifier une seule et même chose : « Nous sommes ici par la force des baïonnettes… » 24
Mais, l’émergence de la lutte armée indique que le peuple décide de ne faire confiance qu’aux moyens violents. La violence n’est donc pas un choix. Elle est omniprésente dans l’acte de domination coloniale.
À qui s’adresse l’appel à la lutte violente ?
C’est la question qui découle de ces notes de lecture de l’œuvre de Fanon. Il s’adresse aux déshérité·es, qui ne sont plus essentiellement les prolétaires des pays industrialisés de la fin du 19e siècle chantant « Debout les damnés de la terre, debout les forçats de la faim ». Les damnés de la terre auxquels Fanon s’adresse sont les déshérité·es des pays pauvres qui veulent réellement la terre et du pain, alors qu’à l’époque la classe ouvrière du monde occidental est considérée comme souvent raciste et manifestement ignorante des populations d’outre-mer. Elle témoigne d’une relative indifférence au sort des colonies dont elle tire indirectement bénéfice.
Ce qui définit la « classe dirigeante » c’est son caractère étranger, celle qui vient d’ailleurs, celle qui ne ressemble pas aux autochtones. Il ne s’agit pas de la chercher dans les usines qu’elle possède, ni dans ses propriétés, ni dans son compte en banque. Il y a seulement « nous » et « les autres ».
Pour le peuple colonisé la valeur la plus essentielle, parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre : la terre qui doit assurer le pain et, bien sûr, la dignité. Mais cette dignité n’a rien à voir avec la dignité de la « personne humaine ». Cette personne humaine idéale, il n’en a jamais entendu parler. Ce que le colonisé a vu sur son sol, c’est qu’on pouvait impunément l’arrêter, le frapper, l’affamer ; et aucun professeur de morale jamais, aucun curé jamais n’est venu recevoir les coups à sa place ni partager son pain avec lui. 25
Il critique l’action militante organisée à travers la critique de l’intellectuel. Car l’intellectuel qui a suivi le colonialiste sur le plan de l’universel abstrait va se battre pour que colon et colonisé puissent vivre en paix dans un monde nouveau.
Mais ce qu’il ne voit pas, parce que précisément le colonialisme s’est infiltré en lui avec tous ses modes de pensée, c’est que le colon, dès lors que le contexte colonial disparaît, n’a plus d’intérêt à rester, à coexister. Ce n’est pas un hasard si, avant même toute négociation entre le gouvernement algérien et le gouvernement français, la minorité européenne dite « libérale » a déjà fait connaître sa position : elle réclame, ni plus ni moins, la double citoyenneté. C’est qu’en se cantonnant sur le plan abstrait on veut condamner le colon à effectuer un saut très concret dans l’inconnu. 26
De même que le colon sait parfaitement qu’aucune phraséologie ne se substitue au réel, l’indigène ne se bat pas sur un mot d’ordre abstrait : « Le pouvoir au prolétariat ». Concrètement c’est d’abord sur des mots d’ordre liés à la nation que le combat prend forme et signification. Toutefois, même ce dernier mot d’ordre contient pour Fanon une part d’abstraction.
La paysannerie est laissée systématiquement de côté par la propagande de la plupart des partis nationalistes. Or il est clair que, dans les pays coloniaux, seule la paysannerie est révolutionnaire. 27
Pour Fanon, les paysans ressentent une haine de la « politique » et de la démagogie. C’est pourquoi au début nous assistons à un véritable triomphe du culte de la spontanéité.
La grande erreur, le vice congénital de la majorité des partis politiques dans les régions sous-développées a été, selon le schéma classique, de s’adresser en priorité aux éléments les plus conscients : le prolétariat des villes, les artisans et les fonctionnaires, c’est-à-dire une infime partie de la population qui ne représente guère plus d’un pour cent. […] Le prolétariat est le noyau du peuple colonisé le plus choyé par le régime colonial. Le prolétariat embryonnaire des villes est relativement privilégié. Dans les pays capitalistes, le prolétariat n’a rien à perdre, il est celui qui, éventuellement, aurait tout à gagner. Dans les pays colonisés le prolétariat a tout à perdre. Il représente en effet la fraction du peuple colonisé nécessaire et irremplaçable pour la bonne marche de la machine coloniale. 28
Conclusion pour rouvrir le débat
N’oublions pas que Fanon est un psychiatre. Il interrompit rarement sa pratique, que ce soit en France, en Algérie ou en Tunisie. Mais si elle n’avait été qu’une activité professionnelle coupée de ses intérêts principaux, il aurait probablement ouvert l’un de ces cabinets privés qui fleurissaient à l’époque29. C’est par la psychiatrie qu’il entame la compréhension de l’homme puis de la société qui le rend fou. Son inspiration passe donc dans la manière dont il comprend sa pratique de psychiatre. L’institution psychiatrique lui apparaît comme une machine à normaliser le « fou » et à lui imposer des normes sans rapport avec ce dont sa parole est l’expression. Inscrit dans le mouvement antipsychiatrique, il mettra l’accent sur la libération de cette parole en renversant la relation entre le médecin et le patient. C’est du côté de la folie que se trouvent une vérité et une authenticité auxquelles il faut laisser son libre exercice. Il y a une sorte de parallélisme entre un populisme à dimension libertaire et sa pratique médicale, souligne Mohamed Harbi 30.
On ne peut conclure ce débat sans évoquer les soutiens militants de la IVe internationale, notamment les engagements de Pablo et de ses camarades, et plus tard l’amitié développée par Alain Krivine (LCR puis NPA) dans sa jeunesse militante avec la lutte des Algérien·nes pour leur indépendance.
S’il y a bien un fil conducteur qui traverse la pensée marxiste, c’est bien celui de la classe ouvrière comme force révolutionnaire et émancipatrice, capable d’imposer par son auto-activité le passage du capitalisme au socialisme.
Selon Ernest Mandel, cette capacité ne se fonde pas dans un « idéalisme » arbitraire, utopique ou volontariste, mais dans les conditions matérielles/objectives de l’existence de cette classe sous le capitalisme. Le rôle qu’elle est amenée à jouer découle de sa situation d’exploitation, d’oppression et d’aliénation, qui la pousse à la résistance, à la lutte, à la révolte. Comme les faits et les événements l’attestent. La conscience collective socio-politique qu’elle manifeste, n’existe pas a priori ; elle ne découle pas a priori de sa « nature de classe ». (François Vercammen)
Seulement, cette position est légèrement contredite par ce que nous venons de voir chez Fanon et l’émancipation anticoloniale du peuple algérien. Elle est aussi rejetée par le compagnon de lutte d’Ernest Mandel, Michel Pablo, qui la considère trop eurocentriste, et défend des idées proches de celles de Fanon.
Il y a dans la philosophie de Fanon, comme première réaction face à la domination esclavagiste et colonialiste, ce qui relève du subjectif. Qui consiste à être du côté de celui et celle qui lutte pour sa liberté dans l’immédiat et quelles que soient les conditions. Francis Jeanson souligne cette subjectivité dans le combat de Fanon :
Il ne se soucie pas d’être objectif, étant lui-même bien trop intéressé à la solution du problème. « Il ne m’a pas été possible d’être objectif », disait-il. « L’objectivité scientifique m’était interdite, car l’aliéné, le névrosé, était mon frère, était ma sœur, était mon père ». Cette « difficulté de situation à être objectif », cette espèce d’obligation vitale qui est faite au colonisé de rejeter tout à la fois la médecine et le système colonial, la langue et la « présence » française, la radio comme technique et la pensée de l’oppresseur. Le souci d’être exhaustif, de tenir compte de tous les aspects d’une situation, de nuancer à l’infini son jugement, est un luxe que ne saurait s’offrir celui qui est socialement nié : « pour le colonisé, l’objectivité est toujours dirigée contre lui ». 31
Il ne s’agit donc pas de s’arrimer aux lois objectives de l’histoire pour détecter la juste voie pour se libérer. Il s’agit de construire sa propre histoire en s’engageant, et dans l’engagement tracer sa voie. Postuler à un salut futur des sociétés humaines n’apporte aucun remède aux malheurs des esclaves, aux colonisé·es et aux damné·es de la terre de ce temps. Que l’émancipation humaine doive un jour se réaliser, c’est une piètre consolation pour celui qui est en train de crever. L’homme qu’il s’agit de sauver, ce n’est pas cette abstraction de nulle époque.
C’est une démarche similaire que défendait Pablo 32 en s’engageant dans la guerre d’indépendance algérienne. Contrairement aux nombreux·ses militant·es européen·nes qui pensaient que leur continent était inévitablement le centre permanent de la révolution mondiale, Pablo fait une critique de cet eurocentrisme, pour se rapprocher de ce qui sera désigné comme « tiers-mondisme ». « Malgré notre soutien théorique aux révolutions qui défaisaient les grands empires du passé, nous continuions à être avant tout des “eurocentristes” », disait-il.
C’est aussi la position de F. Jeanson, l’autre engagé, libertaire, dans la guerre algérienne. « Car, souligne-t-il, il m’apparaît de plus en plus que nous passons notre temps, nous autres Européens, à jouer à cache-cache avec les réalités – au nom de notre idée de la Révolution : quand il s’agit de nous, ce n’est pas le moment ; quand il s’agit des autres, ce n’est point ainsi qu’il eût fallu s’y prendre ».
Mais si les « damnés de la terre » ont réussi à se libérer du joug colonial, ils n’ont pas réussi à renverser le capitalisme. La question qui se pose est d’un autre ordre : est-ce qu’ils et elles sont aussi capables de renverser le capitalisme, de conquérir le pouvoir politique et de (commencer à) construire une autre société basée sur la propriété collective des moyens de production, la planification démocratique, l’auto-organisation et la satisfaction des besoins sociaux de la majorité de la population ? Dit d’une manière plus savante par Daniel Bensaïd, « La négation de la négation dit ce qui doit disparaitre sans nécessairement dicter ce qui doit advenir »33.
C’est le passage d’une conscience réelle vers une conscience possible, selon les termes de Lucien Goldman 34. Mais c’est déjà un autre débat…
Le 8 septembre 2025
- 1
1) Mohamed Harbi, postface à l’édition 2002 des Damnés de la terre, p. 305.
- 2
Jean Khalfa, « Fanon, psychiatre révolutionnaire », in, Franz Fanon, écrits sur l’aliénation et la liberté, La Découverte, Paris, 2015, p. 106.
- 3
- 4
Ibid, p. 92.
- 5
Mais pour rendre justice à Bourdieu, celui-ci se démarque de sa démarche essentialiste de ses débuts pour expliquer la situation de la paysannerie algérienne comme les conséquences du déracinement qu’elle a subi par l’action coloniale. (Le Déracinement : la crise de l'agriculture traditionnelle en Algérie, Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad, éditions de Minuit, 1964).
- 6
L’heuristique est l’art d'inventer, de faire des découvertes en résolvant des problèmes à partir de connaissances incomplètes.
- 7
F. Jeanson, préface à Peau noire, masques blancs, op cit., p. 15.
- 8
Il reprend une assertion de Hegel, à savoir que « la conscience de soi est en soi et pour soi quand et parce qu’elle est en soi et pour soi pour une autre conscience de soi ; c’est-à-dire qu’elle n’est qu’en tant qu’être reconnu », ibid, p. 200.
- 9
F. Fanon, Peau noire, masques blancs, op.cit. p. 216.
- 10
Ibid.
- 11
Ibid, p. 219.
- 12
Ibid, p. 222.
- 13
Ibid, p. 36.
- 14
Onirique : relatif aux rêves. F. Fanon, Sociologie de la révolution (l’an 5 de la révolution algérienne), p. 28.
- 15
Ibid. p. 29
- 16
Ibid, p. 42.
- 17
- 18
Ibid, p. 42.
- 19
Ibid, p. 43.
- 20
Ibid, p. 67. L’extranéité est le caractère de ce qui est étranger.
- 21
Ibid, p. 70.
- 22
F. Fanon, Altérations mentales…, cité par Jean Khalfa, op. cit. note 2, p. 167.
- 23
F. Fanon, Les Damnés…, op. cit., p. 78.
- 24
Ibid, p. 86.
- 25
Ibib, p. 52.
- 26
Ibid, p. 53.
- 27
Ibid, p. 66.
- 28
Ibid, p. 110.
- 29
Remarque de Charles Geronimi, qui fut l’un des internes de Fanon, entretien du 24 mai 2014, cité par J. Khalfa, op. cit., p. 163.
- 30
M. Harbi, postface…, op. cit. note 1.
- 31
F. Jeanson, postface de Peau noire…, op. cit., p. 253.
- 32
Voir Hall Greenland, Michel Pablo ou l’odyssée d’un trotskiste hérétique, éditions Syllepse, 2025.
- 33
D. Bensaïd. La discordance des temps, essai sur les crises, les classes, l’histoire, éditions de la passion, 1995, p. 61.
- 34
Voir sur cette question L. Goldman, La création culturelle dans la société moderne, éditions Denoël, 1971.