France : conférence des groupes « taupe rouge »
Le Front Communiste Révolutionnaire a tenu du 1er au 3 juin, une réunion nationale de militants ouvriers, membres de ses cellules ou des « Groupes Taupes » (cercles de sympathisants dans les entreprises). Cette conférence a réuni dans la ville de Lyon 1 300 camarades qui, durant ces trois jours, ont discuté des rapports sur la crise économique qui secoue l’Europe et les revendications qui doivent être avancées aujourd’hui par les travailleurs ; sur l’orientation du FCR et des Groupes Taupes Rouges après les élections ; sur l’autogestion, le socialisme et la prise du pouvoir ; sur les tâches concrètes que les révolutionnaires peuvent et doivent maintenant s’assigner à l’échelle européenne. Une série de commissions avaient été organisées (par branches industrielles, par syndicats, sur les luttes des femmes, des immigrés et contre l’inflation). Des statistiques (malheureusement partielles) faisaient apparaître les données suivantes (les enseignants, dans leur majorité n’étaient pas invités à la conférence) : – quant à la composition professionnelle, 11 % des participants étaient manœuvres ou O.S. (ouvrier non ou peu qualifié), 33 % travaillaient dans la fonction publique, 30 % étaient employés, 10 % ouvriers « professionnels » et ouvriers qualifiés, 16 % techniciens et cadres. Quant à l’adhésion syndicale elle était équilibrée entre la CGT et la CFDT (les deux principaux syndicats ouvriers) – soit près de 40 % pour chacun. Un peu moins de 5 % étaient syndiqués à la FEN (syndicat de l’enseignement) et 18 % n’avaient pas mentionné d’appartenance syndicale. Dans leur très grande majorité les participants avaient entre 20 et 25 ans et cette réunion était caractérisée par une très forte participation de camarades du sexe féminin. Cette deuxième conférence des Groupes Taupes organisée par les trotskystes français aura permis de faire le point du travail d’implantation réalisé et de préparer les luttes à venir.
Le 1er Mai à Sri Lanka
À l’appel conjoint du Ceylan Mercantile Union (CMU) et du Revolutionary Marxist Party (Parti Marxiste Révolutionnaire – section ceylanaise de la IVème Internationale), 2 500 travailleurs se sont réunis pour fêter le 1er Mai, malgré l’éloignement du lieu de rassemblement et l’absence de transports. Les principaux mots d’ordre de cette manifestation étaient : « Pas de Socialisme sans Révolution », « Pour arrêter la réaction, renversons la domination capitaliste », « Pour la reconstruction du mouvement de gauche ». À cette occasion le RMP a diffusé le premier numéro de son périodique ITHIRI MAGA, et la résolution adoptée en décembre passé et que nous publions dans INPRECOR, qui fut diffusée en anglais, sinhala et tamil. Le « Front Uni » (coalition des partis ouvriers et bourgeois qui soutiennent le gouvernement) tenait lui aussi une manifestation, d’environ 25 000 personnes. À la différence du CMU et du RMP, il bénéficiait d’un service spécial de cars gouvernementaux et offrait gratuitement repas et semble-t-il alcool aux participants. Pouvoir oblige. Le Parti National Unifié (UNP – United National Party), enfin, principal parti d’opposition de droite, organisait pour sa part un important rassemblement dans le centre de la ville de Colombo.
Suisse : dehors la junte chilienne
La conférence annuelle de l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.), qui réunit chaque année des représentants des patrons, des syndicats et des gouvernements pour « régler les rapports de travail dans le monde » devait s’ouvrir, la première semaine de juin à Genève, avec cette année, des représentants des bourreaux du peuple chilien : représentant direct de la Junte et représentant des syndicats fascistes mis en place après le coup d’État du 11 septembre dernier.
Par cette démarche, la Junte de Pinochet cherchait à « légitimiser » son régime de terreur, de torture et de surexploitation, afin de faciliter la chasse aux profits des trusts impérialistes (ITT, Dow Chemical, etc.) au Chili. Elle voulait surtout faire reconnaître les nouveaux « rapports de travail » instaurés par le coup d’État : – interdiction des organisations ouvrières, répression massive et systématique contre les militants, interdiction du droit de grève ; – institution d’un régime de contrôle policier et d’embrigadement forcé fondé sur le mouchardage et la délation ; – l’exploitation accrue des travailleurs : travail obligatoire le samedi matin, conditions aggravées, blocage des salaires et hausse massive des prix.
Pour dénoncer cette manœuvre et exclure les représentants des bourreaux du peuple chilien de l’OIT et de Suisse, la Coordination Nationale des Comités Chili, animée par les militants révolutionnaires, avait lancé depuis plusieurs semaines une vaste campagne d’agitation qui devait culminer par une intervention le jour de l’ouverture de la Conférence, ainsi que par une manifestation le samedi 8 à Genève.
Une fois de plus les staliniens et autres réformistes ont refusé de participer à cette campagne, tout comme ils refusent, depuis 8 mois de s’associer, de façon unitaire, à la campagne de soutien au peuple chilien.
Le jour de l’ouverture de la Conférence un tract était distribué au sein de l’Assemblée générale et des mots d’ordre étaient lancés par des militants anti-impérialistes qui avaient pu s’y introduire. Cette intervention fut accueillie par de vifs applaudissements de la part d’une série de délégations.
Après cette intervention l’Assemblée générale confirmait le vote de principe pris en février dernier et selon lequel les seuls représentants des travailleurs chiliens étaient ceux de la CUT (Confédération Unitaire du Travail) aujourd’hui interdite, et dont les militants sont emprisonnés et pourchassés. Les prétendus « représentants » envoyés par Pinochet furent donc exclus de la Conférence par un vote à la quasi unanimité (seuls les délégués de l’AFL-CIO des USA s’y sont opposés).
Le samedi suivant la manifestation de Genève regroupa de 3 500 à 4 000 personnes, avec des délégations des Comités Chili de France et de Belgique. Une fois de plus cette action militante prouve que la vigilance des militants anti-impérialistes ne s’affaiblit pas et que, partout ils sauront intervenir pour dénoncer la Junte sanguinaire de Pinochet et affirmer leur soutien aux travailleurs et aux paysans chiliens.
Difficultés économiques à Saïgon
Le 6 juin à Thu-Duc, localité située au Nord de Saïgon, Nguyen Van Thieu lançait dans un discours ses premières critiques publiques à l’égard des États-Unis. Une fois n’est pas coutume ! « Vous devez nous donner de l’argent », enjoignait-il, sinon « il s’agirait de la part des USA d’une fuite devant leurs responsabilités ». INPRECOR N° 0 avait publié un article sur la crise économique et sociale du régime saïgonnais. Depuis, les réticences du Congrès aux USA à adopter les budgets d’aide présentés par l’administration Nixon ont encore augmenté l’inquiétude de Thieu.
Le Sénat américain vient de refuser — le 11 juin — la réduction de l’aide militaire à Saïgon de 900 à 750 millions de dollars pour le prochain exercice fiscal. Mais ce vote a été obtenu à une voix de majorité. Et, un mois auparavant, ce même Sénat avait refusé l’augmentation de l’aide pour l’exercice précédent de 266 millions de dollars comme le gouvernement le lui demandait. Thieu n’aura donc reçu pour l’année 1973-1974 qu’un milliard 126 millions de dollars au lieu de 1 milliard 600 millions promis initialement. La Banque Mondiale vient, pour sa part, de reporter une nouvelle fois la réunion prévue pour le 5 juin dernier et qui devait étudier l’aide à fournir à Saïgon. Certains bailleurs de fonds, tel le Canada, refusent les plans proposés par Washington. Selon François Nivolon (Le Figaro du 8-6-74), les conseillers de Thieu sont pessimistes quant à l’aide à venir et ce dernier aurait donné à son armée et à son administration des consignes d’économie. Les choix budgétaires que devra opérer en 1974 Saïgon (alors qu’il annonce le maintien de plus d’un million d’hommes sous les drapeaux) risquent d’être encore plus drastiques qu’en 1973 (Voir la Far Eastern Economic Review du 15-4-74).
L’aide financière et militaire restera, évidemment, considérable et continuera à alimenter la machine de guerre fantoche. Mais la crise sociale des zones sous contrôle de Thieu, confirmée une nouvelle fois par Patrice de Beer (Voir Le Mondedes 8, 9 et 10-5-74), tendra tout aussi certainement à s’aggraver.
Juin 1974