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Premiers déboires de l’apprenti dictateur Donald Trump !

par Yorgos Mitralias

Seuls des aveugles peuvent ne pas voir ce qui crève désormais les yeux : Trump veut être un dictateur, se comporte comme tel et est en train de tout faire pour instaurer une dictature ! Vu sous cet angle, toutes ses récentes « initiatives » et autres mesures plus ou moins « folles » et prétendument incompréhensibles, acquièrent un sens car faisant partie de son projet historique : instaurer aux États Unis un régime dictatorial ! Un régime des milliardaires, fascisant sinon carrément fasciste, raciste, obscurantiste, viriliste, misogyne, militariste et suprémaciste qui attaque frontalement les droits et libertés démocratiques les plus élémentaires des citoyens, réprime toute contestation et critique de sa légitimité, crée un État policier qui fait régner la peur, et pratique la chasse aux différents, aux progressistes et surtout aux migrants qui prennent la place qu’occupaient les juifs dans l’Allemagne du Troisième Reich…

Alors, la vraie question n’est plus si Trump est fasciste, car il l’est, ou dictateur, mais s’il a les moyens de le devenir, s’il va réussir dans son projet d’instaurer une dictature aux Etats-Unis. Notre réponse est catégorique : Trump qui parait fasciné par plusieurs traits du nazisme, veut de tout son cœur être un dictateur et fait tout pour le devenir, mais il est au moins douteux qu’il puisse accomplir ses désirs.Pourquoi ? Mais, parce que, jour après jour, il est en train de découvrir que la tâche est autrement ardue pour deux raisons : d’abord, parce que, six mois après son arrivée au pouvoir, il n’arrive toujours pas à mettre au pas la société américaine, et ensuite parce que, bien que concentrant tous les pouvoirs entre ses mains, il lui manque un vrai mouvement populaire organisé et de masse à ses ordres, capable de faire le vide autour de lui dans la société américaine.

C’est ainsi qu’on vient de voir Trump passer à l’attaque dans l’État-clé de Californie, en lançant d’abord ses nervis de la tristement célèbre ICE, à la chasse aux migrants même dans leurs lieux de travail, et ensuite la Garde Nationale et même les Marines contre les manifestants qui protestaient. Il s’agissait manifestement d’une provocation de Trump qui voulait prendre le pouls d’abord d’une société comme celle de Californie, et ensuite du pays entier, face tant à son véritable pogrom anti-migrant, qu’a son intention de militariser la vie publique en vue de déclarer le pays en état de siège ! Et la parade militaire -à la française- à Washington en fin de semaine, n’a fait que donner encore plus d’éclat militariste et guerrier à cette première attaque en règle de Donald Trump contre l’Amérique de ceux d’en bas avec ou sans papiers.

Malheureusement pour lui, son test californien a plutôt mal tourné provoquant la réaction furieuse des millions de citoyens américains qui ont rempli les places et les rues bien au-delà de la Californie, pratiquement dans tout le pays. Mais, ce jour de mobilisation nationale en défense des migrants et de la démocratie a été marqué par un évènement encore plus important. En réalité, la journée des manifestations dans plus de 2.000 villes sous la bannière « No Kings » peut être considérée comme le véritable acte de naissance du mouvement de masse qui résistera Trump et à ses projets dictatoriaux. Inutile de dire que comme tel, ce mouvement de masse contre Trump et ses politiques inhumaines et barbares est « condamné » de se trouver de fait aux avant-postes de la lutte de ceux d’en bas du monde entier contre leurs bourreaux fascistes et milliardaires.

Mais, ce n’est pas tout. Cette première grande offensive de Trump a produit un autre grand évènement : elle a inauguré de fait son bras de fer ou plutôt son combat (à mort ?) contre la Californie, et plus généralement contre les États « ennemis » contrôlés par les Démocrates. Pourquoi la Californie ? Mais, parce que cet État est un bastion historique des Démocrates et surtout, parce qu’il est un géant économique, dépassant à la fin de 2024 le Japon, et devenant ainsi la quatrième économie mondiale, juste derrière la troisième qui est l’Allemagne !

Début avril passé, au plus fort de la guerre des droits de douane lancée par Trump, le gouverneur de Californie Gavin Newsom avait déjà réagit en avertissant les partenaires économiques internationaux de son État que « la Californie n’est pas Washington DC », que « les droits de douane de Donald Trump ne représentent pas tous les Américains », et que par conséquence, il était en train de chercher « de nouvelles relations commerciales stratégiques » avec eux ! Ce n’était pas la première fois que Newsom se confrontait à Trump -en janvier passé Trump l’avait traité d’ « incapable » d’éteindre les incendies- mais, cette fois-ci le gouverneur de Californie a franchi une très importante ligne rouge en avertissant la Maison Blanche qu’il était disposé même de faire route à part !

Évidemment, il nous est inconcevable de croire que le très modéré gouverneur Démocrate de Californie pense actuellement à autre chose qu’a ses ambitions présidentielles. Cependant, le fait que le comportement plus qu’agressif de Trump envers les autorités californiennes durant les évènements qui ont vu la National Garde et les Marines descendre dans les rues de Los Angeles, a contraint Newsom de hausser le ton et de traiter Trump d’ « apprenti dictateur », devrait nous faire comprendre qu’on est désormais en présence d’une dynamique incontrôlable qui pourrait pousser les camps adverses à des choix qui leur sont actuellement totalement impensables.

Il y a déjà plus de cinq ans, on écrivait déjà que «  le pire serait encore à venir si Trump persistait dans ses incursions autoritaires dans les prérogatives constitutionnelles des gouverneurs, ce qui obligerait au moins quelques-uns de ces derniers, pressés par la grande majorité de leurs concitoyens radicalement opposés à un Trump toujours plus anti-démocratique et autoritaire, à se « barricader » dans leurs États, et à chercher le salut dans le repli en marge ou même en dehors de l’État fédéral »1. Et devenant plus précis, on enchainait ainsi : « La perspective de voir par exemple la cinquième économie mondiale, la Californie, scissionner des États-Unis pour devenir un État indépendant pourrait se réaliser si la crise, l’autoritarisme de Trump ou la menace d’une guerre civile généralisée rendaient intenable le maintien dans la Fédération de cet État fédéral, qui vote d’ailleurs très majoritairement contre Trump ».

Aujourd’hui, à toutes ces préconditions d’une éventuelle crise irréparable de la cohésion des Etats-Unis on devrait ajouter une autre, probablement encore plus importante : les possibles intérêts divergents de leurs capitalistes. Si par exemple, le capitalisme californien découvre que Trump et ses politiques le poussent aux extrêmes, alors tout sera possible, même l’« impensable » séparation de la Californie du reste des Etats-Unis !

Notre conclusion ne devrait pas laisser des doutes : Trump se croit dictateur et même fasciste, mais, pour l’instant, il ne dispose pas les moyens ni d’un dictateur, ni d’un nouveau Führer. Alors, le résultat de cette situation assez inédite de Trump est qu’il va rencontrer mille difficultés pour mettre au pas la société américaine et stabiliser son pouvoir, mais qu’en même temps, il ne reculera pas et il ira jusqu’au bout de sa tentative d’instaurer une dictature aux Etats-Unis. Et cela d’autant plus qu’il sera appuyé par une partie importante de cette société (environ 30%-35% des Américains), disposée d’aller jusqu’au bout de son délire suprémaciste, fascistoïde et messianique. En somme, les Américains et l’humanité ne sont qu’au début de leurs peines…

 

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المؤلف - Auteur·es

Yorgos Mitralias

Yorgos Mitralias, journaliste retraité, ancien militant de la section grecque de la IVe Internationale et de Syriza, un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM, a animé le site EuropeansForBerniesMassMovement qui fournissait, surtout en anglais et en grec, des informations quotidiennes sur les actions des mouvements sociaux et de la gauche étatsunienne.