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Introduction au livre de Joseph Daher : Gaza : un génocide en cours

par Joseph Daher
© François Graf/Strates

Alors que l’écriture de ce livre prenait fin, en janvier 2025, l’État d’apartheid, colonial et raciste d’Israël signait un cessez-le-feu avec l’organisation palestinienne Hamas, suspendant temporairement la guerre génocidaire menée contre la population de la bande de Gaza à la suite de l’attaque du Hamas du 7 octobre 20231.

Quelques jours après l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu, le 19 janvier 2025, et la fin du blocage par les autorités d’occupation israéliennes du corridor de Netzarm – qui coupe le territoire en deux, de la frontière israélienne jusqu’à la mer –, des centaines de milliers de personnes palestiniennes déplacées regagnaient le nord de la zone, quand bien même leurs maisons étaient probablement détruites. La trêve est cependant fragile, alors que les menaces et pressions israéliennes, avec le soutien des États-Unis, se poursuivent contre les Palestiniens de la bande de Gaza2.

Les 2,4 millions d’habitantes et habitants de la bande de Gaza ont vécu depuis octobre 2023 sous des bombardements israéliens constants et d’une violence sans précédent jusqu’à la conclusion de l’accord de cessez-le-feu. Plus de 2 millions de Palestiniennes et Palestiniens ont été déplacés dans le territoire, soit près de 90% de sa population totale. La très grande majorité d’entre elles et eux a été logée dans des tentes de fortune, particulièrement inadaptées aux conditions hivernales.

À la suite de la conclusion du cessez-le-feu, le bilan officiel s’élevait à 61 709 morts – dont 17 881 enfants – et au moins 111 588 blessés. Mais malheureusement, le chiffre est probablement bien plus élevé. Un article publié en juillet 2024 par la revue scientifique médicale britannique The Lancet suggérait que l’attaque alors en cours pourrait d’ores et déjà conduire à 186 000 décès palestiniens. Dans un article paru dans le quotidien The Guardian en septembre, Devi Sridhar, présidente du département de santé publique mondiale à l’université d’Édimbourg, estimait que si la mortalité à Gaza devait se poursuivre au rythme actuel – environ 23 000 décès par mois –, elle pourrait au total atteindre environ 335 500 décès.

Selon un rapport de la Banque mondiale publié à la mi-décembre 2024, 90% de la population dans la bande de Gaza est confrontée à une insécurité alimentaire marquée, dont 875 000 personnes en situation d’urgence et 345 000 personnes en situation d’urgence absolue. En outre, près de 90 % des logements ont été détruits ou sévèrement endommagés. Plus largement, c’est l’ensemble des structures de base du territoire qui sont désormais anéanties : les réseaux de communication sont presque complètement détruits, malgré les efforts des opérateurs locaux pour maintenir de la connectivité ; le secteur privé est également largement réduit à néant, avec plus de 88 % des entreprises détruites ou endommagées, tout comme 70% du réseau routier ; certains secteurs d’activité, tels que l’agriculture ou la pêche, la construction, l’industrie, le transport ou la finance, n’existent tout simplement plus sur le territoire. Le chef du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Achim Steiner, a en effet déclaré à la suite du cessez-le-feu que son organisation estimait qu’environ deux tiers de toutes les constructions ont été détruites ou endommagées par les intenses bombardements de l’armée d’occupation israélienne. Il a ajouté qu’« environ soixante ans de développement ont été perdus dans ce conflit en quinze mois »3. La reconstruction de la bande de Gaza pourrait prendre trois cent cinquante ans si le blocus reste en place et était estimée à plus de 53 milliards de dollars4.

La guerre contre la bande de Gaza constitue sans aucun doute une nouvelle Nakba (catastrophe), encore plus destructrice et meurtrière que celle de 1948, au cours de laquelle plus de 700 000 Palestiniennes et Palestiniens ont été chassés de force de leurs foyers et sont devenus des réfugiés. Ce processus de nettoyage ethnique et d’entreprise génocidaire, qui ne s’est jamais interrompu, s’est poursuivi de manière extrêmement violente durant quinze mois.

En outre, ce livre cherche à inscrire l’histoire de l’oppression des Palestiniennes et Palestiniens par l’État d’Israël dans une approche régionale et internationale. Ainsi, dans sa première partie, qui propose une analyse historique de la trajectoire de la question palestinienne, l’ouvrage examine également le rôle historique joué par l’État d’Israël au Proche-Orient au service de l’impérialisme occidental, et plus particulièrement de la défense des intérêts des États-Unis.

Dans sa deuxième partie, l’ouvrage examine ensuite l’extension de la guerre israélienne au Liban après le 7 octobre 2023, mais plus particulièrement à la suite de l’accélération de la violence israélienne à la mi-septembre 2024. Dans cette partie, nous revenons également brièvement sur l’histoire des agressions et des occupations israéliennes au Liban, dans lesquelles trouve son origine le Hezbollah libanais.

Dans la troisième partie, la chute du régime Assad, au pouvoir en Syrie depuis 1970, est analysée, ainsi que les défis qui se présentent pour les aspirations démocratiques et sociales des classes populaires syriennes.

Dans la section suivante, nous examinons l’impact de la guerre sur les dynamiques politiques régionales du Proche-Orient et différents protagonistes régionaux, comme les monarchies du Golfe, l’Égypte et la Jordanie, ainsi que sur l’Iran et son réseau d’influence régionale.

Finalement, nous abordons la question de la solidarité internationale, ainsi que son importance cruciale dans le cadre de la libération de la Palestine et les liens de cette dernière avec la libération des classes populaires régionales.

Joseph Daher : Gaza : un génocide en cours Palestine, Proche-Orient et internationalisme
Editions Syllepse, Paris 2025, 168 pages, 12 euros

  • 1

    Il est à noter également que de nombreux civils israéliens enlevés le 7 octobre 2023 ont été tués par les forces d’occupation israéliennes, notamment du fait de tirs d’obus de char sur des maisons où des Israéliens étaient détenus.

  • 2

    L’accord de trêve comprend trois phases devant mener à un arrêt complet des violences israéliennes contre la bande de Gaza et sa reconstruction sur un plan long terme, mais le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a affirmé à plusieurs reprises que son pays gardait « le droit de reprendre la guerre » contre le Hamas à tout moment avec l’appui des États-Unis. Début mars 2025, il a d’ailleurs annoncé le blocage de toute aide humanitaire à la fin de la première phase de l’accord de cessez-le-feu.

  • 3

    L’ONU estime que si la tendance de croissance de 0,4% observée entre 2007 et 2022 devait se poursuivre, il faudrait pas moins de 350 ans pour que le territoire retrouve les niveaux de PIB de 2022. AFP, « La guerre a effacé 60 ans de développement à Gaza, dit un haut responsable de l’ONU », 25 janvier 2025,
    www.lorientlejour.com/article/1445030/la-guerre-a-efface-60-ans-de-developpement-a-gaza-dit-un-haut-responsable-de-lonu-entretien.html

  • 4

    « Plus de 50 milliards de dollars nécessaires pour la reconstruction de Gaza », 20 février 2025,
    www.lorientlejour.com/article/1448574/update-1-more-than-50-billion-needed-to-rebuild-gaza-world-bank-joint-assessment-says.html

 

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المؤلف - Auteur·es

Joseph Daher

Joseph Daher militant de la IVe Internationale. Il enseigne à l’Université de Lausanne, en Suisse, et est professeur affilié à l’Institut universitaire européen de Florence, en Italie. Il est l’auteur de nombreux rapports, articles et livres.