
Non, les grands groupes automobiles ne sont pas dans une situation désespérée. « Les coûts de la main-d’œuvre ne sont pas la cause des problèmes de VW, Daimler ou BMW, ni de ceux de Conti, Bosch ou ZF » (Thorsten Gröger, responsable des négociations pour IG Metall, 28/10/20). Il n’y a donc aucune raison de baisser les salaires dans l’industrie automobile et chez les équipementiers.
IG Metall a par contre toutes les raisons de défendre les revenus et les droits sociaux des travailleurs et travailleuses ! Au cours des trois premiers trimestres de 2024, les trois grands constructeurs automobiles que sont Volkswagen, Mercedes et BMW ont réalisé des bénéfices d’environ 20 milliards d’euros.
La crise est invoquée pour attiser les peurs et imposer des reculs sociaux. Difficile de comprendre alors pourquoi IG Metall déclare néanmoins : « Nous sommes prêts à apporter notre contribution ». Quelle raison y aurait-il de ponctionner autant d’euros aux salariés si les coûts de main-d’œuvre ne sont pas le problème ?
La réduction des salaires ne garantit pas les emplois
Toujours et encore, les « spécialistes » de l’économie et les managers affirment que la réduction des salaires garantirait les emplois. Mais il n’y a aucune preuve de cela, bien au contraire ! D’abord, on réduit les salaires, puis on délocalise ou supprime des emplois. Les entreprises qui veulent vendre leurs produits sur le marché intérieur souffrent de la baisse du pouvoir d’achat. Cela entraîne par conséquent des pertes d’emplois. Depuis de nombreuses années, les augmentations de salaire n’ont pas suivi la hausse de la productivité et des prix. Alors qu’une part de plus en plus importante des revenus supplémentaires est allée au capital, les salaires ont diminué dans le même temps. Chez Volkswagen, ils sont passés de 26 % à 16 % des coûts totaux au cours des 30 dernières années.
Pour les dirigeants d’entreprise, ce n’est jamais le moment d’augmenter sérieusement les salaires. Ils ne le font pas en période de haute conjoncture, car cela pourrait détériorer la situation, ils ne le font pas au début de la reprise, car cela pourrait compromettre la tendance, et ils ne le font pas non plus en période de récession économique. Car là il n’y a plus d’argent.
La sécurité de l’emploi est-elle plus importante que l’augmentation des salaires ?
Renoncer à une partie de son salaire peut assurer temporairement l’emploi dans une entreprise, mais cela aggrave la récession à l’échelle de l’économie nationale. Volkswagen veut augmenter ses bénéfices. Les salaires vont y être réduits de 10 %, conformément à la convention collective. Par conséquent, la masse salariale des 120 000 salarié·es concerné·es diminuera de 10%. Cela représente une réduction des coûts d’environ 576 millions d’euros par an pour l’entreprise, sur la base d’un salaire mensuel moyen de 4 000 euros. Et chez Ford, Audi, BMW et Mercedes, les salaires devront également baisser afin que les conditions de concurrence redeviennent égales, mais à un niveau inférieur. Nous ne voulons pas nous engager dans cette spirale descendante !
À qui appartiennent les usines ? C’est à vous qu’elles appartiennent ! Un exemple : Volkswagen
Si Volkswagen veut réduire ses capacités de production sans offrir de perspectives aux travailleurs et travailleuses, sans assurer l’avenir des collectivités locales, alors il faut se demander à qui appartient réellement la boutique !
L’histoire est très simple : à partir du milieu des années 1930, les Nazis ont mis en œuvre le « projet Volkswagen » avec Ferdinand Porsche et les biens volés aux syndicats libres (130 millions de Reichsmark). Au printemps 1945, Ferdinand Porsche et son gendre Anton Piëch ont transféré la caisse de Volkswagen en Autriche. Volkswagen était « sans maître », administrée par les Britanniques, puis elle a été remise « en de bonnes mains » au gouvernement fédéral allemand en 1948. Tous les bénéfices ont été réinvestis dans l’entreprise, qui s’est développée de manière spectaculaire. En 1960, le gouvernement CDU de l’époque a transformé la SARL en société anonyme. La loi Volkswagen a été promulguée pour briser la résistance des comités d’entreprise et des syndicats. En 1980, le gouvernement Kohl a introduit en bourse sa participation de 20 % à des conditions désavantageuses. Les Porsche et les Piëch s’empressèrent d’acheter des titres en secret. Porsche voulait faire main basse sur Volkswagen. Les choses se sont passées un peu différemment, mais le résultat est le même : le clan Porsche-Piëch détient 53 % des actions de base, sans jamais s’être impliqué concrètement dans le travail.
Juridiquement, c’est donc très clair : 53,3 % des droits de vote appartiennent au clan Porsche-Piëch, 20 % au Land de Basse-Saxe, 17 % au fonds souverain du Qatar et 9,7 % sont des actions disséminées. Mais historiquement et moralement, l’entreprise vous appartient, à vous qui y travaillez et créez toutes les valeurs. C’est pourquoi la loi Volkswagen de 1960 s’applique toujours.
Daniela Cavallo [secrétaire de l’IG Metall pout VW ndt] a raison : « 130 millions de Reichsmark correspondent aujourd’hui à un pouvoir d’achat de près de 700 millions d’euros. Avec un taux d’intérêt moyen, ce capital, volé par les Nazis au mouvement ouvrier, aurait rapporté des milliards au fil des décennies. Cet argent, notre argent, c’est aujourd’hui le groupe Volkswagen ». Une chose est donc claire : le turbo-capitalisme n’a pas sa place chez Volkswagen. Chez Volkswagen, les ouvrières et les ouvriers ont encore un poids important. Volkswagen doit appartenir à ceux qui s’impliquent activement pour garantir l’emploi et mettre en place une production durable et tournée vers l’avenir.
Pour nous, cela signifie que Volkswagen doit être socialisée conformément aux articles 14 et 15 de la Loi fondamentale, et que le Land de Basse-Saxe doit conserver ses parts. Au cours actuel de l’action, une indemnisation coûterait environ 30 milliards d’euros. Nous paierons cette somme après la reprise en tant que société à responsabilité limitée d’utilité publique ou en tant que coopérative, déduction faite des préjudices causés par la direction, mais pas en puisant dans notre propre poche, mais en les prélevant sur les bénéfices.
Publié le 8 mars 2025 par NPA Auto Critique traduit du Journal d’action n°1, traduit par Pierre Vandevoorde