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Les combats de Constant Boucault (1899-1945)

par François Préneau

Le 9 février 2025 marque le 80e anniversaire de la mort de Constant Boucault, à Buchenwald, le 9 février 1945.

Le 9 février 1945, il y a exactement 80 ans aujourd’hui, Constant Boucault, résistant nantais, périssait avec 800 de ses camarades déportés à Buchenwald sous les bombes américaines lors du bombardement de la ville de Weimar. Il avait 45 ans. Toute sa vie consciente Constant Boucault a traversé les affres de la première moitié du XXe siècle en résistant à l’exploitation ouvrière et au nazisme.

80e anniversaire de la mort notre camarade Constant Boucault, à Buchenwald le 9 février 1945.

Né le 23 novembre 1899 à Châteaubriant, ainé d’une fratrie de quatre enfants, Constant Boucault passa toute son enfance à Châteaubriant.

En avril 1918, il fut mobilisé et envoyé au front. L’armistice ne fut pour lui qu’un court répit puisqu’en février 1919, il fut envoyé combattre au Maroc, où il découvrit les horreurs de la guerre coloniale après celles de la grande guerre. Il ne sera de retour à Châteaubriant qu’en février 1921.

Il décida alors de rejoindre la région parisienne où il passa quatre années. Très vite il adhéra au syndicat CGTU, puis, au Parti communiste. Le 21 octobre 1922, à Aubervilliers (93), il épousa Juliette Brémont, qui décéda quelques années plus tard.

De retour à Chateaubriant à la fin 1925, il milite activement toujours à la CGTU et au Parti communiste dont il devint responsable de la cellule communiste. Licencié à plusieurs reprises, il repartit quelques mois en région parisienne, avant de s’installer définitivement à Nantes en 1933. Militant syndical et politique toujours très actif, il fut « condamné à 8 jours de prison pour violences légères et rébellion à agents » le 2 mai 1934, au lendemain des manifestations du 1er mai.

C’est aussi à cette période qu’il rencontra une réfugiée italienne, Marie Bellino, née Pica, née le 21 juin 1909 à Carema (Italie, dans la banlieue de Turin) qui devint sa compagne et la mère de leur fille unique, Louise Boucault, née à Nantes le 12 avril 1936 (décédée en 2024).

En 1935, en désaccord avec la ligne politique du Parti communiste, Constant Boucault rompit avec ce parti pour s’engager dans le premier parti trotskiste du département autour du journal La Commune, comme en témoigne, le rapport au Préfet de Loire-Inférieure adressé le 17 mars 1936 par le Commissaire de police de Nantes :

« J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’un nouveau parti politique intitulé « Pari Bolchevico-Léniniste – IVe internationale », est en voie de formation à Nantes. Il est plus avancé que le Parti Communiste. Les trois principaux membres actuels sont : 1- M. BOUCAULT, Constant, Eugène, né le 23 novembre 1899 à Châteaubriant, toupilleur, en chômage, demeurant 29 rue des Olivettes, qui vient d’être exclu du Parti Communiste comme n’ayant pas entièrement les idées du Parti. 2° M. BRANTE, Emile, né le 1 mars 1900 à Toulon, manœuvre maçon, demeurant 28, rue du Port-Maillard chez M. FORTUN. M. BRANTE n’a jamais appartenu au Parti Communiste mais est très connu dans les milieux des syndicats unitaires et du Secours Rouge International. 3°. M. THARREAU, Gabriel, 32 ans, forgeron, demeurant 3 rue Grande-Biesse, qui vient d’être exclu du Parti Communiste comme étant soupçonné d’être en relation des Jeunesses Patriotes. Celui-ci a été désigné comme orateur".

En 1938, comme la plupart des militant.e.s des deux petits partis trotskystes d’alors, le Parti Communiste Internationaliste – journal La Commune et le Parti Ouvrier Internationaliste – journal La Lutte Ouvrière, Constant BOUCAULT rejoignit le nouveau Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (PSOP) fondé en juin 1938 par Marceau Pivert et les militant.e.s de la gauche de la S.F.I.O. exclus de ce parti. « Il y était considéré comme un membre influent » indique un rapport de police.

Sous l’occupation nazie

A la fin de l’année 1940, le Préfet de Loire-Inférieure fit établir, à la demande des autorités allemandes, une liste des « Communistes, militant extrémistes ou individus dangereux ». On y trouve le nom de Constant BOUCAULT « né le 23 novembre 1899 à Châteaubriant, toupilleur, demeurant à Nantes, 29, rue des Olivettes, (prisonnier de guerre), membre de la IVe internationale ».

A nouveau mobilisé en décembre 1939, Constant BOUCAULT devint effectivement « prisonnier de guerre » le 22 juin 1940 quand Pétain signa l’armistice. Il ne fut libéré que le 19 avril 1941, comme « prisonnier de guerre réformé ».

A son retour à Nantes, il retrouva un travail comme ajusteur à la SNCASO (Sud-Aviation) à Château-Bougon.

Le 4 mars 1943, il s’opposa, avec dix autres ouvriers, à l’intervention de la police militaire allemande dans l’usine pour arrêter les jeunes ouvriers et les contraindre à partir en Allemagne dans le cadre du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). Constant Boucault et ses camarades furent immédiatement arrêtés et emprisonnés au Château des Ducs de Bretagne. Une semaine plus tard, le 10 mars 1943, Constant BOUCAULT et ses camarades étaient envoyés au camp de Compiègne avant d’être transférés dans les camps de concentration allemands au tout début de l’année 1944.

Le 17 janvier 1944, Constant Boucault fut expédié à Buchenwald – par le train dit de la mort (I. 171) - où il arriva le 19 janvier 1944. Il y fut détenu sous le matricule 40133 et désigné pour travailler dans une usine d’armement de la ville de Weimar dans le commando dit de Weimar/ Gustloff.

C’est à Buchenwald que Constant BOUCAULT trouva la mort le 9 février 1945, suite à un bombardement américain sur la ville de Weimar et son usine d’armement qui frappa aussi les baraquements des prisonniers entrainant la mort de 800 d’entre eux, dont de nombreux français. Sa fille Louise n’avait pas neuf ans.

Si on retrouve aujourd’hui le nom de Constant Boucault sur la plaque mémorielle de l’usine Airbus de Nantes (ex- Sud Aviation) et sur celle en hommage aux syndicalistes victimes de la barbarie nazie dans le hall de la maison des syndicats de Nantes, sa mémoire singulière a été oubliée jusqu’à ce qu’avec mes amis Robert Hirsch et Henri Le Dem, nous retrouvions de nombreuses traces de ses engagements dans les archives de police conservées aux Archives Départementales de Loire-Atlantique.

Sa rupture publique avec le Parti communiste pour rejoindre la IVe internationale en 1935 suffit sans doute pour expliquer la mise sous le boisseau de l’histoire officielle de la vie du militant communiste internationaliste Constant Boucault, vie entièrement consacrée, dans les pires moments du XXe siècle, au combat pour la liberté et l’émancipation ouvrière

En ce 80e anniversaire de sa mort, souvenons-nous.

Sources : Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste. Les trotskistes dans la guerre (1939-1945). Éditions Syllepse. Une correction de date a été introduite le 9 février à 18h40.