Dans les sondages, Die Linke est actuellement assez nettement en dessous des 5 %. Mais grâce à « l’opération boucles d’argent », il se pourrait bien que les voix en sa faveur ne soient pas « perdues »1. Avec seulement trois mandats directs – et les chances de les obtenir ne sont pas si mauvaises – les deuxièmes voix en leur faveur se traduiront par autant de mandats au Bundestag. Mais à quoi cela servirait-il ? Est-ce que la question n’est pas de faire obstacle à ce que les partis de l’Union se retrouvent au gouvernement avec Merz à leur tête ?
L’agenda 2040
On peut certes craindre que ce gouvernement soit pire pour les salarié·es et les opprimé·es qu’un gouvernement conduit par le SPD. Mais restons objectifs… La différence n’est pas si grande. Rappelons-nous l’Agenda 2010 du gouvernement Schröder, la généralisation d’un salariat misérablement rétribué et le harcèlement de ceux et celles qui étaient déjà les plus défavorisé·es. À l’époque, les partis de l’Union, s’ils avaient été au gouvernement, n’auraient probablement même pas osé faire cela, par crainte de voir la Confédération allemande des syndicats (DGB) mobiliser les masses. Mais aujourd’hui, le grand capital estime que les partis de l’Union, CDU et CSU, doivent maintenant régler les problèmes – pour l’Agenda 2040.
Néanmoins, en supposant, même si c’est peu probable, que le SPD et les Verts rattrapent les partis de l’Union dans les derniers mètres (et qu’il y ait encore en plus un Dieu miséricordieux pour maintenir le FDP en dessous de 5 %). Qu’y aura-t-il alors comme perspective ? Une « grande coalition » dirigée par Merz, l’homme de Blackrock ? Ou alors – mais c’est déjà très improbable – une coalition de quelque type que ce soit dirigée par Scholz ? Mais même dans ce cas, y a-t-il une seule personne qui ne voit pas qu’un tel gouvernement agirait également dans l’intérêt du grand capital ?
Die Linke : un parti cannibalisé, mais jeune
Dans ces conditions, la plus grande catastrophe politique qui puisse arriver serait que Die Linke soit éjecté du Bundestag. Comment cela ? Plus aucune voix qui porte assez loin pour dénoncer la poursuite du démantèlement social, la course à l’armement, la baisse des salaires réels, l’augmentation du nombre de pauvres, la multiplication des agressions racistes, la destruction de plus en plus dramatique des ressources naturelles indispensables à la vie ? Quelles sombres perspectives ! Nous devons faire tout notre possible pour empêcher cela, y compris par les urnes.
Reste à savoir si Die Linke saura devenir une opposition efficace. N’est-il pas dans les cordes depuis qu’il a été cannibalisé électoralement par le BSW ? Quoi qu’il en soit, il y a beaucoup de nouveaux membres, jeunes. Ils adhèrent par conviction de gauche – il n’y a pas de grandes carrières à attendre. Le vent souffle depuis la droite – pas seulement en Allemagne, mais dans le monde entier. C’est l’extrême droite qui bouscule la classe politique bourgeoise. Les grands thèmes ne sont plus le climat ou la justice, mais la chasse aux ours étrangers et à ceux et celles qui sont présenté·es comme être une nouvelle classe exploiteurs alors qu’ils et elles n’ont pour vivre que le revenu de citoyenneté qu’on veut bien leur concéder.
Se conformer ne sert à rien !
Il ne servira à rien de s’adapter davantage encore, l’indignation doit être dirigée contre le véritable ennemi : les riches qui ne cessent de s’enrichir au fil des crises, les multimillionnaires et les milliardaires et leurs lèche-bottes politiques doivent être pris pour cible. Pas de prisonniers ! Le moindre relâchement, la moindre volonté de se faire passer comme partie prenante de la vie politique institutionnelle ne profite qu’à l’extrême droite. Il est impossible de contrecarrer le simulacre d’insubordination de la droite radicale par un verbiage à caractère humanitaire. Une nouvelle étape de lutte des classes impitoyable s’ouvre devant nous.
Et il est grand temps ! Dans la riche Allemagne, il y a de plus en plus de pauvres. Les banques alimentaires sont asphyxiées et doivent donner de moins en moins à un nombre croissant de personnes. Les travailleurs et travailleuses de l’industrie, par exemple dans le secteur de l’automobile et de l’acier, sont confrontés à de nouvelles coupes claires. De nouvelles Rust Belt (ceintures de rouille, nouveau nom donné après son déclin économique à la Manufacturing Belt, « ceinture des usines », région autrefois très industrialisée du nord-est des États-Unis, NDLR) se profilent à l’horizon et leurs victimes, comme aux États-Unis – en l’absence d’une gauche politique forte et crédible – se laisseront prendre au piège des joueurs de flûte bruns. Voilà pourquoi la gauche politique doit se forger le caractère d’un parti de classe combatif – défendant avec acharnement les intérêts des salarié·es et des défavorisé·es, mobilisant les exploité·es et les opprimé·es dans l’action de masse en faveur de mesures et de solutions solidaires.
Nous avons des points d’appui pour cela, même à la veille des élections fédérales, avec le renouvellement des conventions collectives dans le secteur public et à la Poste. Ce sont des millions de personnes qui peuvent se mobiliser et imposer dans le débat public les questions véritablement brûlantes, à commencer par le renchérissement du coût de la vie.
L’occasion qui se présente à nous
Dans ce contexte, Die Linke a une occasion à saisir pour se présenter comme la défenseuse des intérêts des salarié·es et des défavorisé·es. Et en même temps expliquer clairement qu’il ne s’agit pas d’agir à leur place. Il est bien plus nécessaire de se mettre à l’écoute des victimes de la crise multiforme de la société de classe capitaliste et de leur donner une voix, de faire en sorte que leur propre voix soit audible. Non pas pour elles, mais avec elles, dans les entreprises, les quartiers et les rues, dans chaque petite ville et dans chaque village.
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Le système électoral est proportionnel avec compensation. Il y a donc deux choix à faire. Un vote pour élire le/la député·e dans les 299 circonscriptions, où celui ou celle qui arrive en tête est élu·e. L’autre moitié des membres du parlement est élue par un second vote pour la liste d’un parti (établie pour chacun des 16 Länder).
Gregor Gysi (76 ans, ancien président du parti), Bodo Ramelow (68 ans, ancien ministre-président du land de Thuringe) et Dietmar Bartsch (66 ans, il a présidé le groupe parlementaire et fut tête d’affiche aux élections générales de 2017 et 2021) se présentent respectivement dans les circonscriptions de Berlin-Treptow, Rostock et Erfurt. Si leur popularité personnelle permet leur élection, ces trois « mandats directs » assureraient le retour de Die Linke au Bundestag même si le parti ne franchit pas nationalement la barre des 5% (NDT).