Le « X » en question et la lutte contre les putschistes

par Roberto Robaina, Israel Dutra

Les mesures prises contre Elon Musk et son réseau social au Brésil sont une avancée face aux tactiques de désinformation de l’extrême droite.

Le Tribunal Supérieur Fédéral (STF) a ordonné la suspension du réseau social X, propriété d’Elon Musk sur l’ensemble du territoire brésilien. Selon la sentence, motivée par de successives violations d’ordonnances judiciaires, le montant des amendes dues par Musk et X s’élève à 18,3 millions de réaux. En outre, l’homme d’affaires fait l’objet d’une enquête pour incitation au crime et d’entrave à la justice.

L’affrontement entre le STF, emmené par Alexandre de Moraes, et le milliardaire Elon Musk n’est qu’un nouvel épisode de la polarisation qui oppose l’extrême droite et les secteurs démocratiques. Il ne s’agit pas d’une discussion sur la liberté d’expression comme Bolsonaro veut cyniquement le faire croire.  Ce qui est en jeu c’est la souveraineté et de la manière de combattre un courant de pensée ouvertement putschiste qui se prépare à de nouvelles attaques.

Ce débat va traverser la dispute électorale [des élections municipales d’octobre 2024]. Il est donc important d’être conscient des enjeux et défendre les propositions de régulation et de démocratisation de l’internet et de la circulation de l’information sur les réseaux sociaux.

 

X : espace de démocratie ou usine à fake news ?

La première discussion autour des réseaux sociaux contrôlés par ce que l’on appelle les Big Techs porte sur leur nature. Au-delà de ses intérêts économiques immédiats, Musk a été un acteur clé dans l’organisation d’une stratégie coordonnée de l’extrême droite à travers le monde. Directement ou indirectement, son discours sur la « liberté d’expression » sert de paravent et se fait complice de la diffusion de « fake news », soit pour favoriser électoralement les secteurs d’extrême droite, soit pour des actions néo-fascistes telles que la récente vague de mensonges qui a conduit à l’attaque de mosquées et de communautés immigrées en Angleterre.

La récente décision de Moraes se base sur les désobéissances aux injonctions de blocage des profils qui diffusent des fausses informations et des appels putschistes, et aussi l’annonce de la fermeture du bureau de X au Brésil. Musk et son réseau social n’ont donc aucun intérêt pour l’échange sain de nouvelles, d’opinions et d’informations. Comme nous l’avons déjà signalé, sa position à la tête de l’ancien Twitter, rebaptisé X, vise à disputer l’hégémonie des idées de droite, à tirer un maximum d’argent de la diffusion de ces idées et à normaliser les réseaux de désinformation qui aujourd’hui opèrent encore en marge d’Internet.

Le discours de Musk aux États-Unis est que, après une défaite de Trump, X sera également bloqué par les « gauchistes ». On ne peut accepter que Musk, un milliardaire excentrique qui flirte avec le néofascisme, puisse définir les règles, les critères et la politique en quelque endroit de la planète.

 

Affronter les ennemis de la liberté !

Le costume libertaire que certains néo-fascistes arborent n’est qu’un leurre. Le parti « libertaire » de Milei en Argentine a rendu hommage aux génocidaires argentins condamnés pour des crimes barbares pendant la dictature et leur a rendu visite en prison.

Il faut taxer et réguler les Bigtechs. Et démocratiser les espaces Internet pour que l’accès soit de plus en plus indépendant.

Il ne suffit pas de réduire le pouvoir d’Elon Musk. Il est le porte-parole du putschisme et de Bolsonaro qu’il faut affronter, en premier lieu en luttant contre l’impunité aussi bien dans les affaires liées à la pandémie comme celles liés à la tentative de putsch du 8 janvier 2023. Le procès des prisonniers du 8 janvier se déroule au ralenti. Rien n’est dit sur les cerveaux, les financiers. La Folha de São Paulo, expression d’un secteur de libéraux, joue un rôle regrettable : d’une part, elle défend davantage de privatisations et d’austérité dans ses éditoriaux ; d’autre part, elle n’est pas vraiment conséquente dans la lutte contre le coup d’État, relâchant la pression pour punir les putschistes, leurs financiers et leurs organisateurs.

Nous devons intégrer l’énergie sociale condensée dans le mot d’ordre « Pas d’amnistie » pour faire réellement pression sur les mesures à prendre contre les fakenews et le putschisme. Mettre en prison les cerveaux et les dirigeants du processus, en commençant par le clan Bolsonaro, qui organise une manifestation de rue contre Moraes le 7 septembre à Paulista. Prendre les mesures diplomatiques appropriées pour expulser les putschistes qui se cachent en Argentine sous Milei.

Sans affronter, ensemble et de façon cohérente, les ennemis de la liberté, nous courons le risque d’assister à de nouvelles actions putschistes plus violentes et dans un avenir pas si lointain. Le temps presse et Musk est le porte-parole d’une politique autoritaire et coordonnée.

Publié par la revue Movimento le 2 septembre 2024