Algérie : L’État régulateur, dites-vous ?

par Samir Larabi

À entendre certains de nos politiques et économistes, qui se réclament de l’État social, ils veulent nous convaincre que la mission de l’État doit uniquement se limiter à la question de la régulation, notamment dans la sphère économique. Cette trouvaille ou recette ramenée dans les valises du FMI au nom de la bonne gouvernance et du libre-échange est devenue la doxa de nos élites, conseillers et experts.

Le concept de régulation des affaires de l’État et de la société renvoie au mot réguler, c’est à dire jouer l’arbitre devant les équipes et groupes sociaux en lice, dont les intérêts fondamentaux sont contradictoires. Mais on ne nous dit pas que ceux qui gagnent appartiennent aux équipes des nantis, c’est-à-dire des classes dominantes du point de vue politique et économique.

Théoriquement et du point de vue des conceptions bourgeoises post révolution industrielle, l’État est une forme d’organisation moderne et sa mission est la défense de l’intérêt général des populations administrées. Mais généralement, pour ne pas dire tout le temps, cet intérêt général est là pour remplir les poches des plus riches et asservir les classes dominées. Les appareils répressifs sont là pour réprimer les velléités de changement radical et les appareils idéologiques sont mobilisés pour faire accepter la domination et reproduire les conditions de domination classe, comme la presse, la religion et certaines organisations sociales. Car en dernière instance, l’État n’est pas une entité neutre, inodore et incolore.

En effet, cette mission de « régulateur » est un concept « sympathique » utilisé par nos gentils experts et politiques pour légitimer le désengagement de l’État de ses missions principales en tant que moteur principal de l’industrialisation, des réformes agraires, du développement humain et veiller à des prestations de qualité des services publics pour l’ensemble des citoyens et citoyennes. C’est l’État en tant que garant de l’intérêt général qui doit combattre toutes les logiques marchandes dans tous les secteurs d’activités et des relations humaines.

Ce caractère dit « régulateur » ne protège pas la société des abus de pouvoir, des inégalités de classes, du siphonage de nos ressources naturelles et de toutes les formes de dominations, y compris linguistique et culturelles. En tout cas, aucun État dit « régulateur » n’a pu satisfaire cet « intérêt général » en faveur des classes populaires. Aucun État dit « régulateur » n’a pu développer sérieusement les territoires non utiles du point de vue libéral ou n’a mis fin à la vie misérable des habitants des zones d’ombres comme on les désigne en Algérie.

En effet, l’État régulateur est là pour réguler la misère, les inégalités et l’autoritarisme. De la fin des années 80 à nos jours, on nous vante les vertus de cette régulation, mais c’était en fin de compte pour la régulation de la régression sociale et de la régression démocratique.

Enfin pour éviter toute digression, quand nous parlons du rôle moteur de l’État, nous ne désignons pas cette forme étatiste bureaucratique et autoritaire, mais nous parlons de cette forme d’État réellement démocratique, collectiviste et autogestionnaire. Le stade suprême de la démocratie !