Position politique du MSP en vue de la conjoncture en 2024, notamment à la suite des élections qui ont conduit à la victoire de Claudia Sheinbaum à la tête du Mexique.
Réduire les inégalités sociales
36 ans de politiques néolibérales brutales ont fait du Mexique l’un des pays les plus inégalitaires au monde, malgré les programmes sociaux en faveur de la population la plus pauvre et l’augmentation du salaire minimum par le gouvernement actuel. La majeure partie de la richesse produite reste entre les mains des élites qui contrôlent l’économie nationale, comme les familles Slim, Larrea, Salinas Pliego, etc., qui continuent de bénéficier des privatisations réalisées au cours des précédents mandats.
Les 10 % les plus riches de la population concentrent 60 % de toutes les richesses du pays (Rapport sur les inégalités dans le monde, 2022). La richesse de l’homme le plus riche du Mexique, Carlos Slim, est égale à celle de la moitié de la population, soit 68 millions de personnes (Oxfam, 2024). Alors qu’une personne faisant partie des 50 % les plus pauvres de la population gagne en moyenne 150 pesos (7,50 €) par jour, Carlos Slim gagne 20 millions de dollars. Il est urgent de mettre en place une réforme fiscale qui taxe les grandes fortunes, comme c’est le cas dans les pays nordiques.
Déprivatisation et nationalisation des secteurs stratégiques
Il n’existe aucune nation dotée d’un système de protection sociale qui n’ait bénéficié au départ du soutien, de l’intervention ou du contrôle de l’État sur ses secteurs stratégiques de l’économie. Le Mexique ne peut être une exception. La récupération par la nation des industries pétrolières et électriques, de l’eau, des minerais, de la terre, des communications aériennes, ferroviaires et des télécommunications est essentielle pour que leur utilisation soit accessible à tous, qu’elles soient considérées comme des droits humains et non comme des marchandises, et qu’elles stimulent le développement national.
Contre la dévastation de l’environnement
La principale menace qui pèse sur l’humanité est la crise environnementale qui affecte chaque jour notre santé. Nous devons fortement atténuer le réchauffement climatique, qui frappe également le Mexique, considéré comme un pays très vulnérable. Nous venons de le voir avec la rigueur soudaine de l’ouragan Otis à Acapulco.
Aujourd’hui, une grande partie de nos espaces naturels a été perdue. L’exploitation forestière illégale par le crime organisé et les incendies ravagent le territoire. Ceux qui combattent les déboiseurs face à face sont des groupes de membres des communautés et des brigadistes qui se battent aujourd’hui pour construire le Sindicato Nacional de Trabajadores de los Pueblos Originarios al Cuidado del Bosque (Syndicat National des Travailleurs des Peuples Natifs pour la Protection de la Forêt). Il est fondamental de réactiver un mouvement écologiste en même temps que la lutte des travailleurs forestiers, des paysans et des peuples indigènes pour défendre nos ressources naturelles.
Vaincre la droite
La victoire de MORENA1 en 2018 a entraîné un changement dans divers aspects de la politique et de l’économie. Aujourd’hui, la droite mexicaine est très indignée car l’oligarchie a été contrainte de payer des impôts ; la disparition de PEMEX2 et de CFE3 a été inversée ; une pension universelle aux plus de 65 ans et un soutien aux jeunes, aux personnes handicapées et aux mères célibataires sont accordés ; la réforme punitive de l’éducation a été éliminée ; le salaire minimum a été augmenté au-delà de l’inflation ; et l’énorme corruption que les politiciens et les hommes d’affaires ont réalisée aux dépens de l’État a été endiguée. L’objectif de la droite est de liquider toutes ces avancées et de soumettre à nouveau le peuple mexicain aux intérêts d’une poignée de capitalistes. Pour notre part, bien que nous saluions et défendions toutes ces avancées, nous pensons qu’elles doivent être approfondies en réalisant une réforme fiscale qui taxe les grandes fortunes ; en auditant et en dénonçant la dette illégale, illégitime et odieuse ; en renationalisant les secteurs stratégiques de l’économie ; en récupérant un système digne de pensions solidaires et en éliminant le paiement en UMA4 ; le relèvement des salaires contractuels ; un tarif équitable de l’électricité et l’accès à l’électricité en tant que droit de l’homme ; la résolution des conflits du travail existants ; entre autres tâches fondamentales pour parvenir à la justice sociale.
Le traitement des questions relatives aux femmes par la quatrième transformation5 a été plus contradictoire, puisque, au moment même où le mouvement féministe était discrédité dans les matinales, de nombreuses fonctionnaires gouvernementales ont prôné la lutte contre la violence à l’égard des femmes et les féminicides. En ce qui concerne la dissidence fondée sur le genre, des progrès ont été réalisés dans la reconnaissance de l’identité de genre et la lutte contre la criminalisation des personnes atteintes du VIH, mais le Mexique reste le deuxième pays au monde pour le nombre de crimes motivés par la haine envers les personnes transgenres.
En 2024, nous sommes confrontés au plus important processus électoral que le Mexique ait jamais connu. Les forces électorales sont composées, d’une part, de la coalition des partis de droite réactionnaires et corrompus qui soutiennent le projet néolibéral établi par leurs instances dirigeantes. Le discrédit de ces partis (PRI, PAN, PRD) les a conduits à nommer Xóchitl Gálvez, qui se dit indépendante et même progressiste, alors que toute sa vie politique s’est déroulée dans le giron du PAN. D’autre part, il existe une gauche électorale menée par MORENA, un parti en proie à des contradictions. Bien que López Obrador ait amorcé une rupture avec la politique néolibérale, le pragmatisme de ce parti a conduit à l’ascension d’opportunistes à sa tête, qui ont confié la grande majorité de leurs candidatures à des transfuges du PRI et du PAN. La coalition de gauche formée par MORENA, le PT6 promeut fortement Claudia Sheinbaum Pardo à la présidence et Clara Brugada à la tête du gouvernement de la ville de Mexico, tandis que le MC7 , dirigé par l’homme d’affaires Dante Delgado, veut s’insérer sans succès comme une alternative qui portera le mécontentement des autres partis.
Bien que la campagne de Sheinbaum ait été rejointe par des personnages et des partis dont la trajectoire de gauche est nulle ou douteuse, le profil de la candidate à la présidence, ainsi que celui de Brugada, sont les plus proches de celui de López Obrador et qui ont le plus de chances de poursuivre le projet progressiste. C’est pourquoi la droite exerce désespérément des pressions sur différents fronts : médias, entreprises, magistrats et même en se faisant passer pour des combattants sociaux et des champions de la liberté, alors qu’il s’agit en réalité de carriéristes qui représentent le contraire d’un véritable changement. En ce moment historique où l’ultra-droite progresse dans le monde entier, il est essentiel de l’arrêter au Mexique ; et Sheinbaum représente la possibilité d’empêcher la droite ankylosée d’accéder au pouvoir exécutif, malgré les limites et les contradictions au sein de MORENA.
En ce sens, afin d’approfondir une ligne de transformation réelle et radicale, nous appelons à ne voter pour aucun candidat du PRIANRD ou du Movimiento Ciudadano et à dénoncer les fausses candidatures de gauche au sein de MORENA qui finissent toujours par trahir (comme Lily Téllez, Germán Martínez, etc.) leur propre mouvement. Il est également important d’obtenir une majorité des deux tiers au sein du pouvoir législatif avec des candidats engagés afin de pouvoir garantir les changements constitutionnels progressistes envisagés dans la majorité des initiatives de réforme constitutionnelle présentées le 5 février8 , ainsi que la déprivatisation de l’industrie, de la terre, des mines et des services stratégiques de la nation, et de l’exiger au cours de cette campagne.
Défendons nos droits : la santé, le logement, les soins, l’éducation et la vie.
Les droits sociaux au Mexique, tels que la santé, le logement et l’éducation, qui ont été durement touchés par les politiques néolibérales pendant plus de quatre décennies, ont été gravement meutris par la pandémie de COVID-19. L’urgence sanitaire a détérioré l’économie au niveau mondial et, surtout, au niveau national, aggravant les conditions de vie de vastes secteurs de la population. Pendant cette période, des centaines de milliers d’enfants et de jeunes ont été exclus de l’école, sans possibilité d’accéder à une option éducative.
La fracture laissée par le néolibéralisme a été mise en évidence dans le secteur de la santé publique qui n’a pas été en mesure de faire face à la pandémie. L’accès à un logement décent et digne est un problème croissant pour les nouvelles générations.
Au lieu de priver de ressources les structures d’accueil pour les femmes et les enfants, le gouvernement a l’obligation d’en créer et d’en financer davantage. La lutte contre la violence à l’égard des femmes et des personnes LGBTIQ doit être non seulement déclarative, mais aussi préventive et financée. Il convient de soutenir pleinement les organisations qui recherchent les personnes disparues et, en particulier, de résoudre l’affaire des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa.
Transformons le pays par le bas
Dans un panorama d’hégémonie politique du mouvement obradorisme, de faible mobilisation sociale et populaire, et dans lequel la droite, sur la base de son agenda politique, a tenté de prendre les rues et de se transformer en mouvement de protestation, il est nécessaire d’ouvrir une brèche pour l’approfondissement d’un projet résolument anti-néolibéral dans lequel émergent des acteurs sociaux et politiques capables de construire un processus de rupture ascendante avec les prétentions des classes réactionnaires qui aspirent à revenir au gouvernement. Le retour de l’opposition au pouvoir avec son programme impliquerait un énorme retour en arrière, une défaite du mouvement populaire en général et le maintien de la passivité sociale.
La droite au pouvoir politique signifie des politiques régressives qui conduiront à la décomposition sociale et empêcheront la possibilité d’un changement plus profond.
Nous devons maintenir et renforcer la corrélation des forces qui vise à rompre avec le système politique et économique qui prévaut depuis des décennies. C’est pourquoi nous voulons utiliser ce processus électoral comme une confrontation avec les classes dirigeantes, en promouvant les propositions les plus avancées du programme du gouvernement et en combattant les positions qui entravent un processus de changement, mais avec une attitude proactive qui appelle de larges secteurs de la population à voter pour la gauche et à la mobilisation.
Le 26 mai 2024, traduit par Laurnet Creuse
- 1Anciennement connu sous le nom de Movimiento de Regeneración Nacional – d’après l’association civile qui lui a donné naissance – a été créé le 2 octobre 2011 en tant que mouvement politique et social promu par Andrés Manuel López Obrador, dans le cadre de sa campagne présidentielle pour les élections fédérales de 2012).
- 2Pemex ou Petróleos Mexicanos est une entreprise semi-publique mexicaine chargée de l’exploitation du pétrole.
- 3Comisión Federal de Electricidad (Commission Fédérale d’Électricité) est la compagnie publique d’électricité du Mexique.
- 4Unidad de Medida y Actualización, unité de mesure et d’actualisation, référence économique en pesos pour déterminer le montant du paiement des obligations et des hypothèques prévues dans les lois fédérales, les lois des entités fédérales, ainsi que dans les dispositions légales qui émanent de celles-ci www.inegi.org.mx/temas/uma/
- 54T, La Cuarta Transformación fait référence à la promesse faite par le président mexicain Andrés Manuel López Obrador lors de la campagne électorale de 2018 d’en finir avec les abus privilégiés dont le Mexique a souffert au cours des décennies passées. López Obrador a défini les trois premières transformations comme étant la guerre d’indépendance du Mexique (1810-1821), la guerre de réforme (1858-1861) et la révolution mexicaine (1910-1917).
- 6Partido del Trabajo, parti politique mexicain fondé le 8 décembre 1990. C’est un parti de gauche qui bénéficie du soutien de divers secteurs populaires, régionaux et internationaux. Son slogan est « Unité nationale, tout le pouvoir au peuple ») et le PV (Partido Verde Ecologista de México (PVEM ou PVE), également connu sous le nom de Parti Vert, est un parti politique mexicain fondé en 1986.
- 7Movimiento Ciudadano, un parti politique mexicain de centre-gauche. Il a été fondé le 1er août 1999 sous le nom de Convergencia por la Democracia.
- 8Le 5 février dernier, date anniversaire de la Constitution de 1917, le président López Obrador a laissé une sorte de testament politique, soit 20 réformes constitutionnelles dans la foulée de sa Cuarta Transformación. Il propose notamment l’élection des juges de la Cour suprême au suffrage universel de même qu’une réforme du Congrès pour éliminer l’élection des députés à la proportionnelle, ce qui avait permis jadis aux minorités d’être mieux représentées www.ledevoir.com/monde/ameriques/813620/devoir-mexique-c-est-enorme